Les enquêteurs poursuivent ce lundi l'interrogatoire de Yassin Salhi, qui a avoué avoir tué l'homme dont la tête décapitée a été utilisée pour signer l'attentat en Isère, après la découverte d'une connexion syrienne dans ce dossier.
Yassin Salhi a été transféré dimanche en fin de journée vers le siège de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire (SDAT) à Levallois-Perret dans les Hauts-de-Seine.
Il a avoué avoir assassiné vendredi Hervé Cornara, 54 ans, qui était aussi son patron. Et les enquêteurs ont découvert dans son téléphone portable un macabre selfie, pris avec la tête de sa victime, envoyé à un correspondant via une application de messagerie instantanée.
Le numéro de téléphone du destinataire est canadien, mais les enquêteurs étaient convaincus qu'il se trouvait en fait dans les zones de jihad irako-syriennes. Ils pensent désormais avoir identifié un jihadiste français présent dans les zones de combats et répertorié parmi les 473 jihadistes français actuellement sur place.
Originaire de Vesoul, cet homme, prénommé Sébastien-Younès, est parti en novembre 2014 en Syrie, rejoignant le secteur de Raqa, où il combattrait dans les rangs de l'organisation État islamique (EI), selon des sources proches du dossier.
Aucune source n'a cependant fait état d'éléments montrant que Yassin Salhi se serait lui-même rendu en Syrie, bien qu'il ait été repéré depuis le milieu des années 2000 par les services de renseignement comme s'étant radicalisé dans sa ville natale de Pontarlier, commune située dans le Doubs.
Il est brièvement apparu dimanche, avant son transfert vers la région parisienne, lorsqu'il a été conduit sous très forte escorte à son domicile de Saint-Priest, près de Lyon, notamment pour récupérer son passeport, selon une source proche du dossier. Entouré de policiers cagoulés et armés, il était revêtu d'un gilet pare-balles, la tête couverte d'un tissu blanc.
Mise en scène macabre
La tête d'Hervé Cornara avait été retrouvée accrochée à un grillage d'enceinte d'une usine de Saint-Quentin-Fallavier en Isère, entourée de drapeaux où était écrite la profession de foi islamique, rappelant les mises en scène macabres de l'EI. Des fleurs ont été déposées depuis à cet endroit.L'épouse d'Hervé Cornara avait vu son mari pour la dernière fois peu après 7h30 vendredi, dans leur société de transport de Chassieu dans le Rhône. L'attentat a eu lieu deux heures plus tard. Après une explosion dans l'usine de Saint-Quentin, Yassin Salhi a été rapidement interpellé.
Le suspect a expliqué aux enquêteurs avoir tué son patron sur un parking en se rendant sur les lieux de l'attentat. Deux jours plus tôt, Salhi avait eu un différend d'ordre professionnel avec sa victime. Le ton était monté entre les deux hommes, quand l'employé avait fait tomber une palette de matériel informatique.
Quelque 200 personnes, en majorité des musulmans, se sont rassemblées dimanche en fin d'après-midi devant la mosquée de Villefontaine (Isère) pour "condamner l'attentat diabolique" de Saint-Quentin-Fallavier, à quelques kilomètres de là.
"Ces gens-là ce sont des terroristes qui ont trahi le message essentiel de l'islam", a lancé Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbanne. "Ne les laissons pas nous diviser."
"C'est d'abord notre communauté musulmane qui en pâtit!, a dit le recteur de la mosquée locale, Ahmed Hamlaoui, en appelant à "combattre les amalgames". Pour lui, "il n'y a pas de confits entre les religions, ni entre les civilisations".
Plus tôt dimanche le Premier ministre Manuel Valls avait parlé de "guerre de civilisation" à propos du "terrorisme" jihadiste, mettant en garde contre une "menace terroriste majeure", près de six mois après les attaques jihadistes sanglantes de janvier contre Charlie Hebdo, des policiers et un supermarché casher.
Fiché de 2006 à 2008 par les services de renseignement pour radicalisation, Yassin Salhi, originaire du Doubs et fraîchement arrivé à Saint-Priest, dans la métropole lyonnaise, avait de nouveau été repéré entre 2011 et 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste lyonnaise.
Il s'était radicalisé à Pontarlier au début des années 2000 au contact d'un homme soupçonné d'avoir préparé des attentats en Indonésie avec des militants d'Al-Qaïda.