Dans le Cantal, plusieurs départs de vétérinaires rendent de plus en plus compliqué l'accès aux soins, pour les animaux de compagnie ou de ferme. Les cabinets restant sont souvent engorgés. Dans ce département, ils ne sont plus que 113 vétérinaires à exercer sur le territoire.
À Aurillac, le chien Tchoupi ne s'en rend pas compte, mais c'est un sacré chanceux. Sa vétérinaire ne prend plus aucun nouveau patient. Il y a 3 ans, le cabinet comptait encore 4 professionnels. Désormais, Julie est seule pour assurer le suivi médical de près de 1 000 chiens et chats. Julie Karo explique : “C’est malheureux mais c’est aussi pour protéger ces animaux que l’on ne soignera pas bien si on les prend en charge. Le problème est que toutes les structures autour sont en surmenage. Malheureusement, pour les animaux, ça devient difficile. S’ils n’ont pas un vétérinaire attitré, c’est compliqué”.
Une charge de travail immense
En 2022 déjà, le bassin d'Aurillac était pointé comme un secteur en crise. Un désert vétérinaire plombé par plusieurs départs en retraite. David Alonso est aujourd'hui le dernier vétérinaire à vocation rurale, à temps plein. Il parcourt 44 000 km chaque année, pour sillonner la campagne. Le vétérinaire indique : “En bovins de plus de 2 ans, on a à peu près entre 18 000 et 20 000 animaux à s’occuper au cabinet. J’attaque les journées à 6h30 du matin et parfois je les finis à 20 heures. Vétérinaire rural est un métier physique, avec des astreintes la nuit. Forcément, la fatigue est grande. J’aime mes clients ruraux et j’aime mon métier. Si on tient, c’est pour eux. Parfois, ce n’est pas facile”.
Des troupeaux sans vétérinaire
Le secteur est en grande difficulté, il est jugé peu attractif : recruter est devenu extrêmement rare. En quelques années, à Sénezergues, le cabinet de Michael Delbouvry a vu partir 4 vétérinaires et un cinquième a arrêté son activité, épuisé psychologiquement. Il ne reste plus que lui. Le vétérinaire précise : “On priorise en fonction de la gravité. Tous les appels sont quand même traités dans la demi-journée ou dans la journée”. Quarante troupeaux seraient sans vétérinaire, sans aucun suivi régulier. Pour les éleveurs, l'inquiétude grandit. Damien Sanconie, agriculteur, souligne : “On peut planifier le préventif mais pour les urgences, il faut quelqu’un de disponible. Quand on est éleveur, dès qu’une vache est malade, même sans regarder le portefeuille, mentalement c’est compliqué”.
Une pyramide des âges défavorable
Depuis plusieurs années, Michael essaie de recruter, sans succès. Mais il entrevoit peut-être le bout du tunnel. Il raconte : “Actuellement, je connais une vétérinaire chilienne. Elle passe au mois de mai une équivalence de diplômes à l’école vétérinaire de Nantes. Si elle a son diplôme, elle pourra travailler avec moi. Je croise les doigts pour que ça passe mais l’examen n’est pas facile”.
Moins médiatisée que les déserts médicaux pour les humains, la problématique vétérinaire est devenue préoccupante, d'autant que la pyramide des âges serait défavorable. Eric Février, président du syndicat des vétérinaires libéraux du Cantal, rappelle : “Le syndicat vétérinaire et les autres organisations professionnelles alertent depuis plus de 10 ans. Pendant un certain temps, ça a été plutôt lettre morte, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que ça pouvait être un vrai problème et que ça pouvait déraper très vite”.
Face à la pénurie, l'Etat a lancé un plan de renforcement des 5 écoles vétérinaires. Le recrutement devrait augmenter de 75% d'ici 2030.
Propos recueillis par Laetitia Théodore / France 3 Auvergne