Chaudes-Aigues est la seule station thermale du Cantal. Elle a la particularité de posséder des eaux naturellement les plus chaudes d’Europe. Une véritable curiosité naturelle qui attire de nombreux touristes.
Article publié le 16/07/2020
C’est une curiosité qui attire chaque année de nombreux touristes. A Chaudes-Aigues, dans le Cantal, jaillissent naturellement les eaux les plus chaudes d’Europe. L'histoire de la ville est intimement liée à ses attraits thermaux.
Une eau à 82 degrés
Isabelle Medeiros, ancien agent d’accueil au musée Géothermia, explique : « Il s’agit d’une eau millénaire qui jaillit. Il y a au total à Chaudes-Aigues 32 sources. Elles se répartissent en deux phases. Il y a l’émergence du Ban, avec 4 sources. L’une chauffe une piscine d’hôtel, l’autre dessert le lavoir d’eau chaude. Il y a une émergence principale, l’émergence du Par. C’est ici que jaillit la source la plus chaude d’Europe à 82 degrés, avec un débit de 5 000 hectolitres par 24 heures. Dans ce quartier il y a 28 sources au total et les maisons ont été construites sur les sources en 1332. A l’époque cette fontaine servait à cuisiner. Ce trop-plein nous sert à chauffer l’église en hiver et la piscine municipale en été. Ces eaux sont millénaires et elles se sont infiltrées sous le plateau de la Margeride à 30 km d’ici, jusqu’à 5 km de profondeur, par de petites brèches ».
Une station thermale à 750 mètres d'altitude
Mais ces eaux chaudes qui jaillissent ont bien évidemment une explication scientifique. Jean-Pierre Couturié, maître de conférences honoraire à l’université de Clermont-Auvergne, ancien membre du Laboratoire Magmas et Volcans, est l’un des spécialistes de la question. Il explique : « Chaudes-Aigues est une petite ville installée au fond d’une vallée, la vallée du Remontalou. La station thermale est à 750 mètres d’altitude. On est entre le massif volcanique du Cantal et le plateau de l’Aubrac. Ce plateau granitique est à plus de 1 000 mètres d'altitude. Chaudes-Aigues se trouve dans l’enveloppe du granite constituée par des gneiss, une roche métamorphique schisteuse. Le granite de la Margeride est vieux de 320 millions d’années. A l’époque il y avait un très grand massif montagneux. Les eaux de Chaudes-Aigues sortent par des fractures, au fond de la vallée, liées à des filons de microgranite. Il y a des sortes de conduits verticaux qui permettent la remontée de l’eau. Depuis le moyen-âge et sans doute à l’époque romaine, les gens étaient émerveillés par cette eau chaude qui sortait. Le nom de la ville vient de là. Au moyen-âge, il y avait déjà une sorte de station thermale, avec des piscines et des bains. L’eau sort à 82 degrés, c’est la plus chaude d’Europe ».
Une eau qui s'infiltre
Le scientifique raconte d’où vient cette eau : « L’eau s’infiltre sur le plateau granitique, à plus de 1 000 mètres d’altitude. Elle circule dans des failles, dans des fractures et elle descend très profondément, c’est pourquoi elle se réchauffe. Elle va descendre à plus de 2,5 km environ. En descendant elle gagne environ 30 degrés par kilomètre. Ensuite, elle va remonter à l’aplomb de Chaudes-Aigues par des fractures verticales. Les fractures servent à la descente de l’eau mais il s’agit d’une eau gazeuse. Ce gaz carbonique vient de beaucoup plus profond, environ 50 km. ll vient du manteau, situé sous la croûte terrestre. Ce gaz rencontre l’eau en remontant et il est très soluble dans l’eau. Ce faisant, il rend l’eau acide et donne de l’acide carbonique qui va attaquer la roche pour former les sels minéraux, ici un gramme par litre. Il s’agit essentiellement de bicarbonate de sodium provenant de la destruction des feldspaths sodi-calciques du granite et aussi d’un peu de bicarbonate de calcium responsable de l’obstruction des canalisations du chauffage urbain qu’il fallait remplacer tous les deux ou trois ans. L’eau minérale est en quelque sorte une infusion de granite ».
Une bouillotte sous un édredon
L’eau est donc chaude parce qu’elle descend profondément. Jean-Pierre Couturié apprécie les images. Il précise : « Chaudes-Aigues c’est une bouillotte sous un édredon. En effet, la source de chaleur de la Terre vient essentiellement de la radioactivité des roches. Environ 70 % de la chaleur terrestre provient de cette radioactivité de l’uranium, du thorium et du potassium. L’eau qui circule dans ces roches se réchauffe ainsi. Le granite de la Margeride est un laccolite, des roches fondues qui se sont installées sous forme d’une lentille. Il affleure sur 2 500 km², et pour qu’il apparaisse en surface il a fallu enlever 10 km de terrain : les montagnes de l’époque étaient comme l’Himalaya actuel. Une montagne, au fur et à mesure qu’elle s’use, remonte comme un iceberg qui fondrait au soleil. Le granite de la Margeride forme donc une espèce de lentille, comme le jambon dans un sandwich. A Chaudes-Aigues on est à 2 km de la bordure du granite. Il s’enfonce avec une pente de 30 degrés vers le Nord, si bien qu’à Chaudes-Aigues, on retrouverait le granite vers 1 km de profondeur en dessous des gneiss. Le granite a deux particularités : il est assez bon conducteur de la chaleur et il est producteur de chaleur car il contient de l’uranium, du thorium et du potassium. Il conduit la chaleur de la même façon dans toutes les directions, Ce n’est pas le cas des gneiss, qui sont dessus. Dans les gneiss, il y a beaucoup de micas qui sont des minéraux anisotropes, conduisant mal la chaleur dans la direction perpendiculaire aux lamelles. La chaleur a donc du mal à se propager verticalement par conduction Les gneiss forment ainsi l’édredon, c’est l’isolant de la chaleur du granite. Ça contribue à protéger la chaleur de Chaudes-Aigues ». Le spécialiste estime que le phénomène des eaux chaudes pourra durer encore longtemps. Il indique : « Le phénomène dure depuis des milliers d’années. Ça continuera tant qu’il y aura une différence d’altitude importante entre le haut du plateau et le fond de la vallée : l’eau pourra descendre et remonter après s’être réchauffée. Il n’y a aucune raison que ça s’arrête. S’il y avait de gros tremblements de terre, cela pourrait boucher les fissures ». Maintenant, avec ces données scientifiques, il ne vous manque plus qu’à venir à Chaudes-Aigues pour découvrir ces sources uniques.