Cette découverte révèle que l'encre métallique était utilisée au moins 3 siècles plus tôt qu'on ne le pensait. Dès 79 après JC. Et la présence du plomb, métal très visible, va enfin permettre de lire le texte des fameux papyrus, jusqu'à présent indéchiffrables.
C'est l'histoire de plusieurs centaines de rouleaux de papyrus ensevelis... et même carbonisés lors de l'éruption du Vésuve en l'an 79 de notre ère. Découverts entre 1752 et 1754 à Herculanum, LA station balnéaire de la jet set romaine, ils résistaient depuis à toute tentative de déchiffrage.Brûlés à plus de 300 degrés, ressemblant désormais à du charbon de bois, les fameux papyrus s'avéraient impossibles à dérouler ! Pourtant ces simples "morceaux de bois" recèlent sans doute bien des secrets. Des traités philosophiques épicuriens notamment. La seule bibliothèque de l'Antiquité retrouvée complète à ce jour selon Le Monde. Fantastique, certes... mais comment lire des livres sans les ouvrir ?!
C'est le défi qu'a relevé une équipe internationale de chercheurs ESRF, INSERM, Université Grenoble-Alpes, CNRS, Université de Gand, CNR. Elle a soumis lesdits papyrus au synchrotron ESRF de Grenoble, l'une des sources de lumière les plus intenses au monde, une sorte de super scanner aux rayons X.
Grâce à cet outil d'envergure (150 millions d'euros investis entre 2015 et 2022), les chercheurs ont d'abord vu apparaître des lettres grecques, et même un alphabet quasi-complet. Ils ont ensuite découvert du métal dans l'encre utilisée. Et ça remet en cause ce que l'on croyait jusqu'à présent.
Regardez comment le plomb est apparu à la chercheuse Marine Cotte
Jusqu'à cette découverte, on pensait que le métal était absent de l'encre utilisée dans les papyrus gréco-romains, au moins pas avant les IVème ou Vème siècle après JC. Pline l'Ancien lui-même l'attestait !
Tout est remis en cause désormais. Selon les chercheurs, la forte concentration de métal dans l'encre réfute toute possibilté de contamination, via un encrier par exemple. Il semble bien que le plomb ait été utilisé intentionnellement. Non pour colorer, mais peut-être bien pour appliquer et sécher l'encre plus facilement. Pour éviter qu'elle bave sur le papyrus, tout simplement. Mais ces hypothèses restent à prouver.
Reportage Xavier Schmitt, Franck Ceroni et Virginie Muamba
Quoi qu'il en soit, cette étude change notre connaissance de l'histoire de l'écriture. Et cette technique va sans doute permettre de déchiffrer les fameux papyrus d'Herculanum. Le synchrotron percera-t-il tous leurs secrets ? La lumière intense permettra-t-elle de révéler l'invisible ? La suite au prochain épisode...