Des cheveux qui ne finissent plus à la poubelle mais deviennent de filtres à hydrocarbures pour les eaux. C'est l'idée de Thierry Gras, coiffeur dans le sud, qui a eu l'idée de lancée l'association "Coiffeurs Justes" en 2015. Aujourd'hui 140 coiffeurs adhèrent, notamment en Auvergne Rhône-Alpes.
Dans les salons de coiffure, les cheveux coupés terminent d'ordinaire à la poubelle. Ils représentent même la moitié des déchets des salons. Ce sont 3 à 4000 tonnes de cheveux qui sont ramassées chaque année en France. Comment valoriser ces déchets ? Comment en faire une matière première ? Thierry Gras, un coiffeur installé à Saint-Zacharie, dans le sud de la France a eu l'idée de recycler le cheveux, principal déchet de tout coiffeur. Le professionnel avoue même qu'il y pense depuis 30 ans! C'est en 2015 que l'association "Coiffeurs Justes" a vu le jour.
"L'idée d'utiliser les cheveux est très ancienne. Les monghols s'en servaient déjà il y a 5000 ans pour faire de la feutrine et les cheveux ont été largement utilisés jusqu'à la deuxième guerre mondiale," rappelle-t-il, "mais avec la découverte des camps d'extermination et les images de montagne de cheveux ont banni le cheveux de toute production après guerre."
Aujourd'hui, l'idée de trouver une utilisation eco-responsable à ces résidus des salons de coiffure fait son chemin. Le cheveux imputrécible a une qualité surprenante : "un kilo de cheveux peut absorber 8 litres d'hydrocarbures," résume-t-il.
Comment s'est-on rendu compte d'une telle propriété ?
Pour Thierry Gras, tout a commencé en 1978 avec le tragique épisode de l'échouage du pétrolier Amococadiz sur les côtes bretonnes. "On s'est rendu compte lors des efforts pour nettoyer les plages des hydrocarbures que les filets n'étaient pas si efficaces, contrairement aux cheveux," rappelle le coiffeur Varois. Après études menées outre-Atlantique, un filtre a été développé aux Etats-Unis et testé en 2007 dans le golfe du Mexique avec la marée noire déclenchée par l'incendie d'une plateforme offshore.
Initiative capillaire : une collecte auprès des salons
Aujourd'hui, l'idée d'un filtre constitué de cheveux absorbant les hydrocarbures répandus en mer et en rivières - mais aussi les huiles solaires - fait son chemin dans l'hexagone. "Les huiles solaires sont invisibles, contrairement au pétrole, mais elles polluent aussi les eaux. Elles forment une pellicule en surface et empêchent la photosynthèse des plantes aquatiques," explique le coiffeur.
L'association "Coiffeurs justes" est actuellement en phase de collecte de cheveux auprès de ses salons adhérents. Pour celà, l'association envoie des sacs aux coiffeurs adhérents : " Ce sont 4700 sacs qui ont déjà été envoyés," selon Thierry Gras. Chaque sac, vendu au prix de 1 euro, peut contenir 2 kg de cheveux, "soit l'équivalent de 220 à 230 coupes" (un mois de coupes pour un salon).
Cette récolte de cheveux va servir à la réalisation de filtres à hydrocarbures utilisables dans les ports et les océans en cas de marée noire ou pour nettoyer les rivières. Des filtres tissés sur la base de cheveux recyclés qui devraient être fabriqués en France.
"Nous avons actuellement cinq tonnes de cheveux. Nous avons besoin de dix tonnes de cheveux pour lancer la première production de filtres," explique le fondateur de l'association. Son initiative pourrait bien séduire les collectivités. Il dit avoir déjà été contacté par l'Eau du Grand Lyon.
Outre la fabrication de filtres pour dépolluer les eaux, les cheveux peuvent aussi être utilisés dans la construction pour l’isolation des bâtiments, dans l'agriculture pour la fabrication d’engrais organique ... et plus insolite, le cheveux serait même un répulsif naturel utilisé dans les champs.
Tous les cheveux coupés sont-ils destinés à l'association ? Pour les cheveux longs, avec des mèches de 25 centimètres (et plus), Thierry Gras précise qu'il adresse les coiffeurs adhérents à l'association Solidhair qui utilise ces mèches pour la fabrication de perruques destinées aux personnes ayant perdu leurs cheveux à la suite d'un traitement contre le cancer.
Une initiative qui séduit les salons de coiffure... et les clients ! Illustration dans l'Ain
Près de 300 coiffeurs en France ont déjà adhéré à l'association "Coiffeurs Justes" lancée par Thierry Gras. Un engouement qui ne semble pas près de ralentir. Des courriers par dizaines et une vingtaine de demandes lui parviennent chaque jour. "Il existe près de 80 000 salons de coiffure en France," rappelle le professionnel,"le potentiel est important". Et l'initiative semble faire tache d'huile en Europe, selon le coiffeur.
Les ramifications sont importantes dans toute la France et notamment en Auvergne Rhône-Alpes, l'association compte de plus en plus de coiffeurs adhérents. Ainsi, Stéphanie Dubois, qui a ouvert son salon à Bourg-Saint-Christophe, dans l'Ain, fait partie de l'association depuis sa création.
A la tête de DS Cut, la jeune coiffeuse indépendante était en quête d'initiatives écologiques consacrées à sa profession. Sur le web, Stéphanie est tombée sur l'association de Thierry Gras. Cette année, elle a déjà rempli trois à quatre sacs de cheveux, et doit en expédier un prochainement. Un geste qui écologique coûte aux petits salons et traduit leur engagement : l'expédition est à la charge des coiffeurs adhérents. Stéphanie ne répercute pas le coût sur sa clientèle.
Une clientèle qui apprécie la démarche éco-responsable de Stéphanie et qui adhère : "certains clients n'hésitent pas à faire plus de 25 kilomètres pour venir se faire couper les cheveux ici". La jeune femme, qui travaille seule, était déjà très engagée auprès de l'association Solidhair et auprès de son ancienne école lyonnaise, spécialisée dans la fabrication de perruques pour enfants ou adolescents atteints d'un cancer. Pour Stéphanie, il était tout naturel d'adhérer à ce type d'initiative...https://coiffeurs-justes.com