L'annonce devrait être faite dans les prochaines heures : le second tour des élections municipales pourrait avoir lieu le dimanche 28 juin. Une perspective qui ne convainc pas tous les élus alpins. Tour d'horizon.
Il y a ceux pour qui la question ne se pose même pas. "Si la situation sanitaire le permet, alors le vote doit avoir lieu au plus tôt", commente Eric Piolle, le maire EELV de Grenoble et candidat à sa succession. Même son de cloche chez Vincent Chriqui, maire et candidat LR à Bourgoin : "Je suis totalement pour", explique-t-il.
Une expérience de dématérialisation?
Du côté de LREM, la députée et candidate grenobloise Emilie Chalas développe : "Si on peut rouvrir les bars et les restaurants, ainsi que programmer des vacances dans d'autres départements, on peut voter en juin en cadrant les conditions sanitaires. Pourquoi pas envisager une expérience de dématérialisation, un vote électronique même si cela pose des problèmes d'accès à internet". Et d'ajouter : "Je le souhaite donc très fort car cela signifierait que la vie pourra reprendre".
Nombreux sont ceux qui, ainsi, argumentent en faveur d'un second tour rapide. Franck Longo, candidat Modem à Fontaine (Isère) et en tête du premier tour, détaille : "Si les cas de Covid continuent à diminuer et que tous les bureaux de vote sont bien équipés pour protéger les électeurs et les organisateurs, alors le deuxième tour peut avoir lieu en juin". Un discours partagé par Alexis Jolly, candidat RN à Echirolles et secrétaire départemental du parti pour l'Isère : "Si le Gouvernement nous assure qu'il peut mettre un masque FFP2 et du gel hydro alcoolique à disposition de chaque électeur et chaque assesseur, et si l'épidémie ne se propage pas davantage, alors le scrutin peut avoir lieu".
Une situation "bancale"
Un point de vue partagé par Philippe Cardin (DVG) à Meylan mais aussi par Guillaume Lissy (PS) à Seyssinet-Pariset, près de Grenoble, qui argumente : "Je crois que c'est très important aussi pour la suite de la gestion de crise. Les collectivités ont besoin d'être organisées et opérationnelles pour s'adapter et préparer des réponses à la crise économique et sociale dans laquelle nous entrons. Cela passe par la mise en place rapide des conseils municipaux".
Et le socialiste d'ajouter : "Le président de la République a sollicité les maires pour être en première ligne. On ne peut pas rester trop longtemps avec la situation actuelle, bancale, y compris au niveau métropolitain. Après, il faut que les conditions d'organisation du scrutin soient strictes".
"Vu l'angoisse de certains..."
Mais cet empressement à voter n'est pas partagé par tous. Il y a d'abord ceux qui ménagent la chèvre et le chou, à l'image du socialiste Olivier Noblecourt, candidat socialiste à Grenoble : "La sécurité sanitaire des Français doit bien évidemment rester la priorité absolue. La situation sanitaire a clairement un impact sur la participation, en particulier dans les quartiers populaires comme nous l'avons vu au premier tour. Nous attendons donc la remise de l'avis du Conseil scientifique".
La première vraie nuance vient du candidat LREM à Fontaine (Isère), Laurent Thoviste : "Il est difficile de se prononcer sans l'avis du conseil scientifique. L'aspect sanitaire doit primer, donc s'il faut attendre septembre, attendons. Y aura-t-il une deuxième vague et de quelle ampleur? Et puis, les Français auront-ils la tête à voter après trois mois de crise sanitaire ?"
De façon assez étonnante, les oppositions les plus marquées viennent toutefois de la droite. Si les Républicains sont favorables à un vote rapide à l'échelle nationale, leurs représentants locaux sont moins enthousiastes. Ainsi, Michel Dantin, maire et candidat LR à Chambéry explique : "Je comprends la nécessité de relancer la machine économique et, en particulier, la commande publique. Mais vu l'angoisse de beaucoup à ce jour - ceux qui ne sont pas venus voter en mars et ceux qui sont persuadés que le premier tour a été un accélérateur de l'épidémie - je reste favorable à un report à l'automne même s'il faut aussi refaire le premier tour".
"Comment faire une campagne sans réunion, sans contact ?"
Un pessimisme partagé par Astrid Baud-Roche, actuelle élue municipale et candidate DVD à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) : "Nous avons de nouveaux foyers de contamination sur le territoire et des écoles ont déjà du refermer. Dans un mois, nous serons dans le même état d'esprit qu'en mars. Et de nombreux bénévoles ont déjà fait savoir qu'ils ne tiendraient pas les bureaux de vote". Et de développer : "On oblige les locaux publics à une désinfection après chaque passage, faudra-t-il nettoyer chaque isoloir après chaque électeur? Et comment faire une campagne sans réunion, sans contact? Mes questions sont très pratiques mais je suis dans la gestion de crise depuis deux mois. Du coup, je connais les protocoles et j'entends les inquiétudes".
Une relance de l'investissement?
Un point de vue contraire à celui de son concurrent, Christophe Arminjon (DVD), arrivé en tête à l'issue du premier tour : "L'investissement local sera la priorité des prochaines équipes municipales. L'organisation, au plus vite, du second tour apparaît donc dans ce contexte comme une nécessité".
Voilà qui ne convainc pas du tout Jean-Claude Pardal, candidat LREM à Bourgoin-Jallieu, qui va même bien plus loin dans son raisonnement : "Les maires des grandes villes veulent assurer leur réélection en parlant de confinement démocratique. Ou parlent de raisons économiques. Mais les gens n'iront pas voter en juin pour des raisons psychologiques : peur de la maladie, reprise laborieuse du travail ou même esprits déjà en vacances... Il faut donc se positionner sur mars 2021. Les maires actuels resteront élus un an de plus et pourront participer aux délibérations des communautés de communes, ce qui débloquera les investissements en cours pour relancer l'économie au plus vite".
Autant de points de vue que de candidats, donc. S'ils ne savent pas encore comment faire campagne, tous ont néanmoins l'embarras du choix pour se démarquer les uns des autres. Car aux classiques questions d'environnement, de sécurité, de propreté, ou de fiscalité s'ajouteront celles liées à la santé publique et à la relance économique. Qu'il commence en juin ou en septembre, le chantier s'annonce titanesque pour les élus locaux.