Rafale de démissions au sein du conseil municipal de Romans-sur-Isère dans la Drôme. Trois adjoints de la maire Marie Hélène Thoraval viennent de renoncer à leurs fonctions. En cause, le projet de réaménagement de la place Jean Jaurès qui divise non seulement les élus mais aussi les habitants.
C'est une place toute en longueur, en plein coeur de la ville. Et c'est un coeur qui chauffe ! A Romans-sur-Isère, le projet de réaménagement de la place Jean Jaurès fait débat, c'est le moins que l'on puisse dire. L'idée de réintroduire du vert et de la nature sur une place vouée jusqu'à présent au stationnement automobile figurait pourtant en 2020 sur le programme de Marie-Hélène Thoraval, réélue pour un second mandat aux dernières élections municipales.
Trois élus en désaccord avec le projet
La démission des trois élus est un coup de tonnerre. Amanda Clouzeau, adjointe déléguée à la dynamique du centre-ville, Anthony Courbon-Pasqualini, délégué à l'animation commerciale et aux mobilités, et Yoann Fovelle-Buisson, délégué aux solidarités, ne sont plus conseillers municipaux depuis le 5 avril.
Le projet de réaménagement de la place Jean Jaurès a été voté en conseil municipal le 23 mars 2023, dans une ambiance houleuse. Les élus de l'opposition sont contre mais au sein même de la majorité municipale, plusieurs élus se sont montrés sceptiques, dont Anthony Courbon-Pasqualini, élu délégué à l'animation commerciale et aux mobilités qui s'est abstenu lors du vote.
Concrètement, ce projet prévoit d'ici l'été 2025 la création sur la place Jean Jaurès de 9500m2 d'espaces verts (contre 460m2 actuellement) l'implantation de 300 arbres. L'objectif de cette future "promenade-jardin" ? Lutter contre les îlots de chaleur, désimperméabiliser les sols et développer les mobilités douces. Autrement dit, convertir les Romanais à la marche à pied. Le tout pour un un budget de 6,3 millions d'euros.
"C'est un budget conséquent pour lequel nous sommes en attente de subventions de la Région, du Département, du Fond Européen de Développement Régional" précise Nathalie Brosse, la première adjointe déléguée aux grands projets.
Des arbres à la place des parkings
Le hic, c'est que pour végétaliser la place, il faut supprimer des places de stationnement. Entre 450 et 500, sur un total actuel de près de 4500 emplacements, dont 3000 sont aujourd'hui gratuits. Ils ne seraient plus que 1700 après rénovation. Pour la ville, les places supprimées seront intégralement compensées. "Elles le sont déjà. De part et d'autre de la place Jean Jaurès, vous avez des parkings à disposition à moins de 5 minutes de marche" souligne Nathalie Brosse.
Des précisions qui ne rassurent pas les commerçants installés de part et d'autre de cette longue place, très inquiets pour leurs affaires, voire carrément en colère. Ils se sont rassemblés en collectif et la pétition qu'ils ont lancée rassemble déjà 7000 signatures.
Bernard Kakici, gérant d'un café qui donne sur la place, est membre du collectif et remonté comme un coucou suisse contre le projet. "A l'origine, un parking souterrain devait être créé sous la place, pour créer un jardin en surface sans perdre les places de stationnement. Aujourd'hui plus de parking souterrain, mais toujours la création du jardin. Romans, c'est une petite ville rurale" ajoute-t-il. "Les gens viennent ici en voiture, s'ils ne peuvent plus se garer, ils ne viendront plus faire leurs courses dans le centre ville, qui va mourir."
Selon certains commerçants de la place, le réaménagement leur ferait perdre entre 12 et 50% de fréquentation. Quant aux habitants rencontrés sur la place, ils sont partagés sur le projet. "La verdure, ça fait toujours du bien à la ville mais qu'est-ce que ça va donner pour les commerces ? Végétaliser une place pour lutter contre le réchauffement climatique, c'est un peu utopique non ?"
La démission des trois élus de la majorité ne devrait pas changer grand-chose. La majorité municipale annonce dans un communiqué qu'elle est " plus que jamais déterminée à mener à bien ce projet parce qu'elle est convaincue de sa pertinence, tant pour l'attractivité que pour la qualité de vie à Romans".
La bataille de la place Jean Jaurès est loin d'être terminée.