Des marches pour le climat à la défense de la jeunesse rurale, Marie Pochon, 32 ans, la seule députée de gauche de la Drôme (Nupes), incarne une génération d'élues militantes, prônant la sortie du nucléaire là-même où la centrale du Tricastin fait vivre toute une région.
Sa fibre de "l'engagement pour la collectivité" est un héritage: son grand-père était vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme et exploitant à Chavannes, un village du nord du département dont son père est aujourd'hui maire, "plutôt à droite, sans être encarté". C'est sur le domaine familial qu'elle a grandi. On y produit du vin de pays sous la responsabilité de sa vigneronne de mère - son père est proviseur à Valence.
C'est ici, surtout, qu'elle subit les vicissitudes de la jeunesse rurale : 90 minutes quotidiennes de bus scolaire, ultra-dépendance aux parents, "discrimination" sur les loisirs, la culture, les études... "Ma circonscription, on l'appelle la pampa", sourit-elle. C'est un vaste territoire de 238 (petites) communes, du Vercors à la Drôme provençale en passant par la vallée du Rhône. Le "sentiment d'être coincée dans son petit village", Marie Pochon a su s'en défaire
par ses études (Sciences Po Lyon puis Master de relations internationales) auxquelles ses parents l'ont poussée.
Mais beaucoup de ses camarades d'école "n'ont pas eu cette possibilité". A l'Assemblée, elle a intégré la commission "Aménagement du territoire et développement durable" pour œuvrer contre ces risques de "relégation", pouvant "mener à l'extrême droite". Le 19 juin, la Drôme a en effet envoyé son premier député RN à l'Assemblée. "Il y a pourtant la place pour une écologie rurale, des combats sociaux à y mener, pour le maintien des services public et contre les violences faites au femmes par exemple", dit-elle.
La victoire de "l'affaire du siècle"
L'action humanitaire marque ses débuts professionnels : stages en Palestine sur les ressources du Jourdain, "où sur une petite terre s'accumulait toutes sortes d'inégalités" puis à Istanbul dans l'accueil des réfugiés de Syrie.
En 2014, elle s'engage chez les Jeunes Verts européens, dont elle devient porte-parole en 2017. Surtout, après un passage chez Alternatiba, elle sera secrétaire générale de l'ONG "Notre affaire pour tous", qui fera avec trois autres, condamner l'Etat français pour inaction climatique en octobre 2021.
La voici ensuite collaboratrice de l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, avant d'orchestrer la campagne des Verts aux régionales Auvergne-Rhône-Alpes de 2020. Son élection, construite notamment en arpentant les petits villages "de 50 habitants", couronne ce parcours.
Avec 52,2% des voix, elle élimine la députée sortante LREM Célia de Lavergne (47,7%). "Elle a réussi à convaincre des gens qui ne la connaissaient pas", salue la sénatrice PS de la Drôme Marie-Pierre Monier, qui "trouve beau qu'après ses années d'expérience nationales et internationales, tournées vers la solidarité, elle ait fait le choix de revenir sur le territoire. Elle n'a pas oublié d'où elle venait".
Plaider la sortie du nucléaire au Tricastin
Cette 3e circonscription est celle où est implantée la centrale du Tricastin qui fait vivre près de 10.000 personnes. Ses opposants politiques en sont d'ardents défenseurs. Elle-même a grandi dans "la fierté du nucléaire" qui imprégnait le territoire, au point "qu'on emmenait nos correspondants allemands visiter la centrale...".
Comment, alors, plaider ici "la sortie progressive du nucléaire"? La néo-députée le sait : lorsqu'elle ira rencontrer les salariés du site, "ce ne sera pas le jour le plus fun du monde...". Elle causera néanmoins reconversion des emplois vers les renouvelables, mais aussi "sécheresse climatique", car "les deux sujets sont liés": la centrale consomme l'eau du Rhône "dont le débit baisse".
Marie Pochon "va devoir prendre la mesure du territoire, de son histoire et de son avenir, à l'aune des enjeux nationaux et de l'indépendance énergétique du pays", estime Marie-Pierre Mouton, présidente LR du Conseil départemental, qui a signé en 2021 avec 32 élus, dont la député LREM sortante, une lettre au président d'EDF plaidant pour l'implantation de deux EPR au Tricastin. Pour la nouvelle députée, "le choix de relancer le nucléaire est celui d'Emmanuel Macron. La question est trop importante: il faut un débat avec les Français", notamment "à l'Assemblée".