C’est un évènement qui n’a pas eu lieu depuis presque un siècle. Un couple de gypaètes barbus a pondu des œufs dans le Vercors, quelques années après sa réintroduction dans le massif. L’espèce avait quasiment disparu.
Quelque part dans le cirque d’Archiane, Bruno Cuerva guette un gypaète barbu, l’un des plus grands rapaces d’Europe. « Parfois, il y a des vautours de tous les côtés, et d’autres fois, on attend plusieurs heures avant d’en voir un. Mais c’est normal, on est en période de ponte et les oiseaux deviennent beaucoup plus discrets », commente-le garde de la réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors, jumelles sur les yeux.
Un comportement caractéristique
Un signe qui ne trompe pas. Les ornithologues en sont désormais convaincus, le gypaète barbu a enfin pondu. Une couvée historique. L’animal ne s’était pas reproduit dans ce milieu naturel depuis la fin du XIX° siècle. « C’est exceptionnel, cela fait plus d’un siècle qu’on n’avait pas eu de ponte et d’éclosion de gypaète », s’enthousiasme Bruno Cuerva.
Le lieu exact est gardé top secret. De l’œuf, ou des œufs, on ne voit pas un millimètre. C’est le nid qui a attiré l’œil des experts. Sur la falaise, le couple de gypaètes a patiemment ramené branche après branche. Et puis, au mois de février, le comportement des oiseaux change radicalement. Autant d’indices qui confirment l’heureux présage. « Le gypaète est un oiseau très solitaire, alors déjà, quand on en voit deux ensemble et qu’ils se supportent, c’est un signe pour nous, un couple est en train de se former. Et puis en février, les oiseaux ne sont plus ensemble, mais il y en a un qui reste dans le nid et puis l’autre le relève, pour qu’il y ait toujours un adulte dans la cavité », explique Bruno Cuerva.
La réintroduction a commencé il y a 12 ans
Le fruit d’un très long travail de réintroduction, commencé en 2010. Une opération progressive. Il faut récupérer des oiseaux nés en centre de soin, les acclimater, les libérer et espérer qu’ils s’approprient les falaises du Vercors. Pari réussi. « Ça raconte une belle histoire de l’homme qui répare un peu ces erreurs passées par méconnaissance des espèces, et puis ça sert à enrichir la poésie de la montagne », philosophe le garde.
Une excellente nouvelle, pour les amoureux de la biodiversité. Ce rapace dont l’envergue peut aller jusqu’à 3m de large était en voie de disparition. En 2015, on ne comptait qu’une cinquantaine de couples, la plupart dans les Pyrénées. Et pour créer un lien entre l’ouest de la France et les Alpes, l’espèce a été réintroduite dans plusieurs massifs, en Haute-Savoie ou dans les Baronnies. « C’est un bon signe pour l’installation pérenne de ce gypaète, après dix ans d’attente, on espère que cela va continuer. Si un couple s’installe, il est assez fidèle à son milieu, j’espère que les prochaines années, il y en aura d’autres qui viendront s’installer », souhaite Gilbert David, ornithologue pour la LPO Drôme - Ardèche
Mais les spécialistes ne crient pas victoire trop vite : l'étape cruciale de l'éclosion de l'œuf doit avoir lieu dans une dizaine de jours.