Dans le cadre de la loi Climat et résilience, l’objectif est d’atteindre le "zéro artificialisation nette des sols" en 2050. Certains élus ruraux craignent un gros coup de frein sur le développement et l'attractivité de leur commune. Exemple à Chabeuil, ville de 6 800 habitants dans la Drôme.
La zéro artificialisation nette (ZAN) est devenue la bête noire du maire de Chabeuil. Une commune rurale de 6 800 habitants proche de Valence, résidentielle et dotée de commerces et entreprises. Il ne voit pas d'un très bon œil, la diminution des constructions et la densification de sa ville. Dépourvu de marge de manœuvre, il déplore l'injonction nationale et l'absence de concertation.
Des logements moins nombreux et plus denses
Ces dix dernières années, 21 hectares ont été bâtis pour l'expansion de la commune, mais d'ici à 2030, cette surface va être divisée par deux. Un coup de frein au développement dénoncé par l'élu. "Sur les 11 hectares disponibles, vous enlevez la moitié grosso modo pour le volet économique, les bâtiments publics du type gymnases, écoles, infrastructures pour dimensionner le service public, il reste cinq hectares. Pour 300 logements, vous êtes sur 90 logements à l'hectare. Vous êtes les uns sur les autres. Ce n'est pas tenable" dénonce Alban Pano, Maire (LR) de Chabeuil.
L'élu alerte sur cette proximité en évoquant les problématiques de voisinage, de plus en plus fréquentes, et de cadre de vie. "On va reproduire le système de grandes villes dans les campagnes puisqu'on aura densifié au maximum". Les familles qui choisissent de sortir des grands centres urbains le font aussi pour disposer de plus d'espace, ce qui parait illusoire avec les nouvelles dispositions. Autre effet, le prix du foncier devenu rare va augmenter. "La rareté du foncier va faire qu'il sera inaccessible".
"On a une loi qui part d'un bon sentiment, mais qui a été rédigé pour les grandes villes, qui ne correspond pas du tout à nos territoires. Elle a manqué de concertation" déplore le maire de Chabeuil.
"On nous prend pour des irresponsables, les maires n'ont pas attendu pour prendre soin de leur territoire et de conserver les justes équilibres entre les constructions en campagne et en ville".
Alban Pano,Maire (LR) de Chabeuil
Les détracteurs de la loi ZAN réclament que ses modalités soient étudiées à l'échelle locale, notamment pour répondre aux spécificités des communes rurales dans leurs objectifs de développement.
Valoriser l'existant
Pour Pierre-Henri Janot, élu écologiste de la région Auvergne-Rhône-Alpes, l'idée est "de valoriser l'existant". Il insiste sur le potentiel des friches de chaque commune. "Il y a des espaces gâchés inouïs, des parkings et des zones qui peuvent être réinvestis avec des mesures financières" détaille-t-il. En réponse au maire de Chabeuil, il en appelle à la mutualisation du bonus écologique entre collectivités pour élargir l'échelle du développement. "Il faut avoir une vision non plus communale, mais globale [...] où les maires ne vont pas s'inquiéter du destin de leur simple commune, mais sur des zones urbanisées. Il faut travailler sur les flux d'emplois, de consommation, d'habitation de manière plus cohérente".
Ce que nous vivons depuis 40 ans, c'est une ultracompétition des mairies entre elles qui leur a nuit. Il n'y a pas de cohérence dans leurs projets. Il faut s'y atteler.
Pierre-Henri Janot,élu écologiste de la région Auvergne-Rhône-Alpes
Des arguments rejetés par le président de la Région. Laurent Wauquiez a qualifié la loi de ruralicide, car elle va, selon lui, entrainer un blocage des permis de construire. Il a reçu le soutien de 2000 signatures dans le courrier de protestation qu'il a adressé au gouvernement.
En réponse à son tour, Pierre-Henri Janot l'invite à lire le texte de loi, estimant que ces propos sont hors cadre.
Une entrave à la réindustrialisation annoncée
Moins de terrains disponibles, c'est aussi moins de chantiers de constructions. Le futur inquiète les acteurs du bâtiment et des travaux publics qui craignent pour les emplois dans ces secteurs. "Au niveau national, on annonce une perte d'emplois de 150 000, ce qui représente en Drôme et Ardèche plus de 1 500 emplois de perdus" prévient Cécile Gruat-Laforme, présidente de la fédération du BTP Drôme-Ardèche.
Elle met en porte-à-faux la volonté de réindustrialisation du pays annoncée par Emmanuel Macron, exigente en terrains et en logements pour les nouveaux salariés. "Comment fait-on pour réindustrialiser si on ne délibère pas du terrain pour les industriels et pour ceux qui veulent s'agrandir et comment on loge les gens, là où on ne peut plus construire ?".