Le pessimisme est de mise dans le milieu du ski italien. La clientèle locale a presque réussi à palier la quasi-absence des étrangers pendant les vacances de Noël. Mais pour le premier trimestre 2022, la peur du vide hante les esprits.
"Pour nous, cet hiver est en train de plus mal tourner encore que celui de l'an dernier." Le jugement du président piémontais de l'UCEM (l'Association des communes de montagne italiennes) est sans appel, mais pas sans raison.
"L'an dernier à la même époque, poursuit Marco Bussone, les restaurateurs et les hôteliers savaient déjà que la saison n'aurait pas lieu. Cette année, dès novembre, ils ont investi, fait des stocks qu'ils ne pourront jamais amortir."
Des annulations à la chaîne
L'irruption du variant Omicron a cueilli à froid des professionnels italiens de la montagne qui avaient tout misé sur l'envie de ski de leur clientèle. "Dès la mi-décembre, j'avais déjà 200 à 300 clients anglais à skier sur les domaines de Pila et Cervinia", explique, déjà nostalgique, Buster Cheethan, le directeur d'Interski, de ses bureaux situés au pied de la télécabine qui relie le centre d'Aoste à la station de Pila.
Chaque hiver, Buster fait venir près de 10 000 skieurs, groupes scolaires ou familles du Royaume-Uni en vallée d'Aoste. En décembre 2020, voyant une nouvelle fermeture des frontières s'annoncer, il avait décidé d'annuler tous les séjours déjà réservés. "Un vrai crève-cœur, se souvient ce Britannique habitant en Italie. Mais faire venir des groupes de plusieurs dizaines de personnes, cela ne s'improvise pas."
Un scénario qu'il ne pensait pas revivre de sitôt. Et pourtant, le jour de Noël, retour à la case 2020. Le voici annonçant qu'il reporte l'arrivée de ses groupes de scolaires britanniques de janvier à fin mars 2022.
"La raison est double, explique Buster Cheethan. D'abord, la difficulté pour les bus anglais de traverser la France pour venir jusqu'en Italie. Et puis, l'entrée en vigueur en Italie du 'super green pass'. Pour l'instant, avec une dose de vaccin et accompagnés d'au moins l'un de leurs parents, mes scolaires peuvent arriver jusqu'ici. Mais à partir du 10 janvier, ils ne pourront plus entrer en Italie qu'avec deux doses de vaccin."
En mettant sa saison d'hiver entre parenthèses pendant deux mois et demi, Buster espère réussir à boucler sa saison d'hiver au printemps prochain en ayant fait venir 2 000 à 3 000 skieurs britanniques. "Ce serait déjà pas si mal", conclut-il.
Entre les personnes positives, celles qui sont à l'isolement, et celles qui ont peur... il n'y a plus personne qui bouge.
Bernabò Bocca, président de la Fédération des hôteliers italiensLa Stampa
Dans les stations de la vallée d'Aoste, la décision du tour operator anglais est loin d'avoir rassuré un monde de la montagne, au bord de la crise de nerf après un Noël passé au téléphone ou sur ses sites de réservations.
"Pour les vacances de Noël, certains de nos hôteliers sont allés jusqu'à enregistrer des 60 % de séjours annulés", se lamente Marco Bussone à l'Union des communes de montagne.
Un hôtel réquisitionné pour accueillir des touristes malades
"Nous n'en sommes pas encore là", estime pour sa part Maurizio Beria d'Argentina. Le patron des communes olympiques du méga-domaine de la Via lattea perd difficilement son sourire, même avec 20 à 30 % de vacanciers en moins que prévu à Noël.
"Sans compenser l'absence de notre clientèle étrangère, nos vacanciers piémontais et italiens ont été plutôt au rendez-vous de ces vacances de Noël. Mais face à Omicron qui galope, tout le monde est plutôt dans l'attentisme face à la poursuite de cette saison", lâche-t-il, pensant à l'hôtel de sa commune de Sauze di Cesana, réquisitionné pour accueillir une dizaine de touristes malades du Covid-19.
"Nos vraies grosses difficultés arrivent maintenant, ajoute pour sa part Bernarbo Bocca, président des hôteliers italiens, dans une interview au quotidien turinois La Stampa. Ce sera une répétition de décembre mais sans la bouffée d'oxygène des vacances de Noël."
Passé Noël, les stations italiennes comptent habituellement sur la clientèle étrangère pour compenser l'absence de compatriotes qui n'ont que peu ou pas de vacances en février, hormis une poignée de jours à l'occasion du carnaval. Mais cet hiver, le salut des stations alpines viendra difficilement de l'étranger. N'est pas Omicron qui veut, pour franchir aussi aisément les frontières.