Le deuxième volet du sixième rapport du Giec, publié lundi 28 février, décrit les conséquences du réchauffement climatique dans les zones de montagne et plus particulièrement dans les Alpes. Le bilan est plutôt sombre.
Il n'y a pas de quoi être optimiste pour le futur, selon le deuxième volet du sixième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) publié lundi 28 février. Selon les données compilées par des centaines de scientifiques, le réchauffement planétaire serait de 2,7 °C en 2100 au rythme actuel de la hausse des températures. Dans les massifs montagneux, et en particulier dans les Alpes, de profonds bouleversements sont à attendre.
Dans l'introduction du chapitre dédié au changement climatique dans les zones montagneuses, le Giec dépeint un tableau général des effets attendus du réchauffement climatique dans les massifs "La hausse des températures va continuer à entraîner des changements avec des conséquences négatives attendues pour la cryosphère, la biodiversité, les écosystèmes et les activités humaines. Sur la planète, la plupart des glaciers en basse altitude et de petites tailles vont perdre une grande partie de leur masse avec un réchauffement de 1,5 degré. Une large majorité d''espèces vivantes endémiques feront face à un risque d'extinction, les régions dépendantes de l'eau des glaciers et de la fonte des neiges pour l'irrigation feront face à une ressource en eau irrégulière et à une insécurité alimentaire accrue", notent les experts. Dans le cas de figure d'un réchauffement autour de 3 degrés à la fin du siècle, tous ces effets seraient largement accentués.
De manière plus précise, plusieurs bouleversements sont évoqués pour les Alpes.
Une compétition accrue pour la ressource en eau
C'est un bouleversement majeur attendu dans les Alpes. La hausse de la fréquence et de l'intensité des sécheresses risque de se combiner à une diminution du débit de certaines cours d'eau à cause de la fonte des glaciers. Le Giec prévoit donc dans les Alpes "une compétition accrue entre différents secteurs, comme l'hydroélectricité, l'agriculture et le tourisme" pour l'accès à l'eau.
Les auteurs du rapport s'attendent à une situation identique dans de nombreuses autres régions montagneuses à travers le monde. Ils indiquent aussi que, "la gestion de la demande en eau et les stratégies qui impliquent de multiples utilisations de l'eau deviendront de plus en plus importantes dans ce contexte".
Le coût croissant des canons à neige
C'est une évidence, le réchauffement climatique va menacer le tourisme des sports d'hiver dans les Alpes. Cette problématique est déjà largement documentée et le Giec estime que la viabilité d'un nombre croissant de stations de ski va se poser dans le futur, "principalement à cause du coût élevé du fonctionnement des canons à neige en hiver". Une étude a été menée par des scientifiques du Giec dans les Alpes autrichiennes autour de cette problématique.
Pour prévenir des conflits futurs autour de l'utilisation croissante de ressources en eau par l'industrie du ski dans les Alpes (mais aussi en Scandinavie), le Giec conseille la mise en place d'une gouvernance à grande échelle pour éviter une compétition féroce autour de cette ressource.
L'apparition d'un "tourisme de la dernière chance"
Le changement climatique peut avoir des effets très inattendus. Concernant le secteur touristique, qui représente une source de revenus considérables pour les territoires alpins, le rapport du Giec souffle le chaud et le froid.
La hausse des températures va affecter négativement des activités comme l'escalade, l'alpinisme et même, à long terme, la randonnée pédestre. En effet, la fonte du permafrost (les sols gelés en permanence en haute montagne) provoque des chutes de rochers qui affectent les voies d'escalade vers des sommets et des itinéraires de randonnée vers des refuges.
À l'inverse, les vagues de chaleur en plaine devraient attirer davantage de vacanciers en montagne, où les températures resteront plus fraîches. Le Giec mentionne aussi l'apparition d'un "tourisme de la dernière chance" qui a pris de l'importance depuis quelques années dans les Andes, en Nouvelle-Zélande, "et plus récemment dans les Alpes françaises". Ce tourisme dit "de la dernière chance" attire des gens qui veulent voir les glaciers, comme la mer de Glace dans le massif du Mont-Blanc, avant leur disparition totale.
Une perte de l'identité alpine pour les populations
C'est un risque souvent oublié. Le changement climatique va modifier de manière assez profonde le paysage des Alpes. Le retrait des glaciers et les éboulements de pans de montagne suite à la fonte du permafrost sont des éléments très visibles pour les habitants. La raréfaction des chutes de neige en hiver est une autre conséquence majeure attendue.
Pour le Giec, le déclin des surfaces recouvertes par les glaces et la neige et les dégâts provoqués par les sécheresses et les inondations plus fréquentes vont modifier l'environnement montagnard et donc, de manière plus intangible, l'identité alpine.
"Ces pertes sont difficiles à quantifier" pour le bien-être des habitants selon le Giec. Les auteurs indiquent que "les changements du paysage peuvent contribuer à une dégradation du bien-être" et qu'il existe "un risque croissant d'une perte de l'identité culturelle" des populations alpines. Ce sentiment sera certainement accru si la hausse des températures pousse à la fermeture de stations de ski dans des vallées où la vie économique et sociale est construite autour des remontées mécaniques.