Avec 4 sites en activité, la région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus nucléarisée d'Europe. Ce mardi, des experts, mandatés par Greenpeace, ont réclamé une meilleure sécurisation des centrales françaises. EDF a immédiatement répondu qu'elles étaient "sûres, bien surveillées et très bien protégées".
Dans un rapport dont les extraits les moins sensibles ont été publiés mardi, sept experts mandatés par l'ONG se sont penchés en particulier sur la capacité de résistance
des piscines d'entreposage des combustibles nucléaires usés. Ils pointent du doigt le fait que ces piscines, qui peuvent contenir plus de combustibles que les coeurs des réacteurs, ne sont pas protégées par des enceintes de confinement renforcées.
Or en cas d'évaporation de l'eau, le combustible peut "s'échauffer et relâcher dans l'environnement une grande partie de sa radioactivité", a expliqué lors d'une conférence de presse Yves Marignac, directeur de l'agence d'étude sur le nucléaire Wise-Paris. Les conséquences d'une attaque frappant une piscine seraient "potentiellement supérieures à celle d'un accident majeur survenant sur un réacteur", a-t-il mis en garde.
Crash d'avion ou tir antichar
Le rapport étudie plusieurs hypothèses, notamment le crash volontaire d'un avion ou d'un hélicoptère, et le tir d'arme antichar. Le but était "de décrire des scénarios d'attaque pour lesquels des mesures d'intervention pour stopper l'émission de radioactivité seraient impossibles", a expliqué la physicienne Oda Becker.
"Aucun pays européen n'est prêt à faire face à une telle catastrophe", a mis en garde un autre des experts, David Boilley, notant que pour certaines centrales comme Bugey, Fessenheim ou Gravelines, cela pourrait entraîner l'évacuation de "millions de personnes".
Greenpeace, dénonçant "l'omerta" sur ces risques nucléaires, s'en est pris à EDF, accusé de n'avoir "pas procédé aux renforcements nécessaires" malgré d'autres rapports mais aussi le survol de centrales, à répétition et toujours inexpliqué, par des drones. Des militants de Greenpeace avaient réussi en 2014 à s'introduire dans la centrale de Fessenheim et à monter sur le toit d'un des bâtiments réacteurs.
EDF réplique
"Le bâtiment réacteur et le bâtiment contenant le combustible ont été conçus pour résister tous les deux aux risques de séisme, d'inondation et d'actes de malveillance
comme le terrorisme", s'est défendu EDF dans un communiqué. "Plusieurs centaines de millions d'euros ont été dépensés ces trente dernières années pour améliorer la sécurité. Entre 2015 et 2023, EDF investira encore 720 millions d'euros supplémentaires", a ajouté l'exploitant.
Mais en incluant le coût des travaux et celui de l'arrêt du réacteur, la "bunkérisation" est estimée entre 500 millions et 1,5 milliard d'euros par piscine, a noté M. Marignac. Et en comptant La Hague et Creys-Malville, la France compte un total de 63 piscines de combustible usé.
"La France a les mécanismes les plus robustes et les plus performants au monde en matière de sécurité, et de sûreté", a assuré de son côté sur RTL Sébastien Lecornu,
secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, qui n'avait pas encore eu connaissance du contenu du rapport.
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Quatre centrales nucléaires en Rhône-Alpes : toutes victimes d'intrusions
- La centrale nucléaire du Bugey est implantée sur la commune de Saint-Vulbas (Ain), à 25 kilomètres à l'est de Lyon, sur la rive droite du Rhône. Elle comporte 4 réacteurs.En 2012, un militant de Greenpeace survole l'a survolée en paramoteur.
En mars 2016, le canton et la ville de Genève ont annoncé leur volonté de porter plainte contre X au sujet de la centrale nucléaire française du Bugey pour « mise en danger de la vie d’autrui et pollution des eaux ». Ils sont assistés par l’avocate et ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage.
- La centrale nucléaire de Cruas-Meysse est située en Ardèche au bord du Rhône entre Valence et Montélimar. Elle compte 4 réacteurs.
Le 5 décembre 2011, deux militants de l'organisation Greenpeace se sont introduits sur le site dès 6 heures. Pendant la journée, ils sont apparus dans des vidéos postées sur internet.
- La centrale nucléaire de Saint-Alban est localisée en Isère sur le bord du Rhône à 50 km en aval de Lyon, sur les communes de Saint-Alban-du-Rhône et de Saint-Maurice-l'Exil, en Isère.
Le 5 novembre 2014, un drone a survolé la centrale durant quelques minutes avant de disparaître.
Le 14 ou 15 mars 2016 sont volés un ordinateur portable et un appareil photo contenant des plans partiels de la centrale nucléaire de Saint-Alban.
- La centrale nucléaire du Tricastin se trouve sur la commune de Saint-Paul-Trois-Châteaux, à 10 km de Pierrelatte, dans la Drôme. C'est la troisième centrale la plus âgée du parc nucléaire français.
Le 15 juillet 2013, plusieurs dizaines de militants de Greenpeace se sont introduits sur le site pour réclamer sa fermeture.
Fin septembre 2017, EDF prend acte de la décision de l’ASN lui demandant de procéder à l’arrêt provisoire des quatre unités de production de la centrale, le temps de renforcer une portion de la digue située au nord de la centrale.