Un peu plus d'un mois après la rentrée scolaire, le passage à la semaine de 4,5 jours semble encore en rodage à Grenoble. Les 12.600 écoliers de la ville n'ont pas tous trouvé leurs marques dans une nébuleuse d'activités assez compliquée à comprendre. Et la fatigue se fait sentir.
Le rythme. "Déjà, ils sont très fatigués. Le plus petit quand il rentre à 17 heures à la maison, il n'a qu'une seule idée en tête, trouver un canapé pour se coucher", témoigne une mère de deux enfants. "C'est marrant, avant quand on allait les chercher à l'école, on parlait de la pluie et du beau temps avec les autres parents, aujourd'hui on parle de la fatigue de nos enfants et on se souvient qu'avant ils avaient le mercredi pour se reposer et ça, c'était super", ajoute une autre mère.Faites le tour des mères et des pères à la sortie d'une école grenobloise et tous les témoignages sont les mêmes. Pour les parents, ces nouveaux rythmes scolaires ont un premier effet, ils attendent tous les vacances de La Toussaint pour que leurs enfants se reposent. "Avec les activités, au bout du compte, ils passent beaucoup plus de temps à l'école et moins de temps à se pauser", explique cette autre mère de famille.
Le mercredi matin en plus, un choix qui a toujours été condamné par les spécialistes des rythmes de l'enfant. Le samedi était préconisé mais à l'idée de diminuer le week-end des parents, le ministère a actionné la marche arrière. Et pourtant, Pascal Bressoux, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Grenoble, estime encore que le samedi aurait dû être retenu pour éviter la fatigue et pour éviter de casser le rythme d'apprentissage.
Les activités. Offrir des dizaines d'activités aux enfants et de nombreuses possibilités aux parents, l'idée est noble pour la Ville de Grenoble qui a mis la barre très haut pour cette première rentrée à 4,5 jours. La cité socialiste veut servir d'exemple, devenir un laboratoire des nouveaux rythmes. Alors on a investi entre 2 et 2,8 millions d'euros pour élargir les horizons des enfants après 16 heures (entre 158 et 220 euros par enfant et par an, l'Etat participant à hauteur de 50 euros).
Mais ce qui semble avoir fait défaut, c'est la communication aux parents. "Avant l'été, on a reçu une lettre de M. Le Maire pour nous expliquer l'objectif du changement puis on eu un prospectus, qui était le même pour toutes les écoles de la ville, nous parlant de l'offre périscolaire sans nous préciser les activités et on est arrivés le jour de la rentrée sans vraiment avoir compris comment ça marchait", explique un père qui a décidé de s'organiser pour venir chercher son fils à 16 heures, tellement il avait des doutes sur les activités proposées après la classe. "Le plus bel exemple, c'est le jour de la rentrée justement, on a appris le matin qu'ils ne nous les prendraient pas au-delà de 16 heures ce jour-là, ça commençait mal!"
"Moi, je suis tout à fait d'accord avec le gouvernement pour qu'on offre aux enfants qui n'en ont pas les moyens des activités périscolaires mais encore faut-il comprendre ce qu'on propose (...) j'ai une voisine qui ne parle pas très bien le français et bien elle vient chercher son enfant à 16 heures", ajoute le "père en colère".
Etude, récréactives, ateliers...
Il est vrai qu'entre les différentes possibilités, les différents horaires, les différents intervenants, les différents lieux, les démarrages tardifs d'activités...il y a vraiment de quoi s'y perdre.
Sur le papier, déjà, c'était compliqué avec de l'étude ou de l'étude + de la Récréative; que de la Récréactive; ou un prise en charge d'une MJC... sans parler des ateliers éducatifs, tout ce jargon est venu perturber les parents. Ajoutons à cela des activités payantes et d'autres pas, des cours de récré divisée en deux avec d'un côté ceux qui font la Récréactive et d'autres qui font une activité particulière... Il y a de quoi avoir le tournis.
"Moi, j'ai l'impression que les parents qui n'y comprenaient rien, se sont, soit arrangés pour récupérer ou faire récupérer leurs enfants à 16 heures, soit ils ont mis leurs enfants seulement à l'étude et les récupèrent à 17 heures", ajoute toujours notre "père en colère".
"Même les instit' s'y perdent, on est en octobre et ils viennent de nous donner un planning que l'on doit colorier pour savoir ce que font nos enfants!", ajoute cette maman également très remontée, "imaginez la gestion des enfants à 16 heures ils sortent à une porte, à 17 heures à une autre, il y a ceux qui partent à la MJC... c'est étonnant qu'ils en perdent pas!"
Pas de panique pour Paul Bron, adjoint au maire de Grenoble en charge de l'éducation. "Il est tout à fait normal qu'il y ait encore des questions qui se posent parce qu'on est en train de changer de rythme, de changer d'organisation et il y a 12.600 enfants! C'est sûr que toutes les familles n'ont pas encore tout complètement compris", explique l'élu qui pense qu'il faudra encore un peu de temps.Il est tout à fait normal qu'il y ait encore des questions"
Pour la conseillère municipale Europe-Ecologie-Les Verts, Marina Giraud de l'Ain tout est histoire de précipitation. "On a fait de la pub avec cette affaire mais on n'a pas réfléchi aux conséquences (...) pour les Récréatives on a recruté en urgence des centaines d'animateurs sans les former (500). Il manque aussi du matériel. Il fallait du temps pour préparer cette réforme importante", explique l'élue.
Pour autant, c'est à Grenoble que le ministre de l'Education a confirmé son attachement à ces nouveaux rythmes scolaires le 7 octobre dernier. "On va corriger ce qui ne va pas. Une grande réforme mérite des améliorations au fur et à mesure du temps", a-t-il expliqué, en parlant d'une "réforme longue" à laquelle il faut "laisser le temps de s'installer". "On ne peut pas être le seul pays d'Europe qui donne un aussi mauvais temps scolaire à nos enfants", a défendu le ministre.