C’est l’histoire d’un policier devenu romancier. Au cours de sa carrière dans les forces de l’ordre, Michel Lapierre a été victime d’homophobie puis contraint de démissionner. Son histoire, il l’a racontée à travers un livre autobiographique avant de se lancer dans l’écriture de polars. Ce Haut-Savoyard d’adoption a accepté de nous dévoiler son histoire.
Michel Lapierre avait plusieurs rêves : d’abord celui de devenir policier. Un vœu exaucé puisqu’il a fait partie des forces de l’ordre, détaché à la police judiciaire de Lyon, puis d’Annecy, pendant plusieurs années. Un jour, son homosexualité est révélée et la vie de Michel Lapierre devient un véritable enfer. Victime d’homophobie de la part de ses supérieurs hiérarchiques, c’est en 1977 que ce Haut-Savoyard d’adoption décidera de changer de vie.
Voici son témoignage, recueilli dans l'émission L'Instantané par Céline Aubert-Egret.
France 3 Alpes : Michel Lapierre, vous avez été policier pendant onze ans. C’était votre rêve d’enfant. Vous étiez heureux de cet accomplissement ?
Michel Lapierre : Je crois que je suis né flic. Le premier mot que j’ai dû dire après papa et maman, c’était le mot police. Je suis entré dans la police en tant qu’auxiliaire de bureau à l’âge de 18 ans pour payer mes études de droit. Quatre ans plus tard, je devenais enquêteur de police à la police judiciaire de Lyon et ensuite à Annecy.
Vous avez participé à plusieurs enquêtes dont celles du braquage du casino d’Annecy en participant à l’arrestation des braqueurs…
Tout à fait et j’ai pu réussir à résoudre cette affaire grâce aux fiches d’hôtels de l’époque, qui nous permettaient de suivre les gens au fur et à mesure de leurs déplacements.
En 1977, vous êtes convoqué par votre supérieur hiérarchique (le chef de détachement de la police judiciaire des Deux Savoie). Que vous dit-il ?
C’est un homme qui n’arrêtait pas d’encenser mon travail. Ce jour-là, il me dit "J’ai appris que tu étais pédé. Tu serais marié avec trois maîtresses, je n’en aurais rien à foutre, mais ça je ne te le pardonne pas, tu donnes ta démission". J’ai demandé à ce qu’on me présente devant une commission de discipline mais il m’a répondu : "Je ne peux rien te reprocher professionnellement parlant. Si tu restes, tu vas en baver". Et j’en ai bavé.
Quelques années plus tard, ce supérieur hiérarchique s’en va et est remplacé par un autre commissaire principal…
Il ne m’avait jamais vu travailler. Il m’a condamné sans me connaître et m’a demandé ma démission. Je refusais et finalement, j’ai fait une demande de mise en disponibilité de mon emploi pour deux ans. Quand ce commissaire principal m’a notifié cette mise en disponibilité, il m’a évidemment demandé mon arme, mes menottes. Il a également réclamé ma plaque et ma carte de police qu’il a découpée avec une paire de ciseaux sous mes yeux.
On vous sent toujours ému…
Cela remonte à 1977 et j’ai encore des difficultés à en parler.
Vous faites partie de l’association FLAG! créée en 2001...
C’est une bouée de sauvetage… L’association a un service juridique qui se charge des poursuites, fait beaucoup de communication auprès de commissaires, officiers, gardiens de la paix, va dans les écoles de police pour parler de ce qu'il se passe.
Revenons en 1977, l'année de votre démission. Vous rencontrez votre futur époux et vous vous lancez dans la réalisation de documentaires pendant 30 ans, puis, vous décidez de vous lancer dans l’écriture, votre second rêve.
Absolument. Au lycée, j’écrivais déjà des nouvelles policières pour les copains de la classe. Cela dit, il a été très difficile de verbaliser mon histoire car mettre des mots sur mes maux n’est pas une chose facile.
La sortie de votre livre autobiographique (Le droit à l'indifférence - Coming Out chez les flics) a fait du bruit. Vous avez été reçu par le ministre de l’Intérieur de l’époque…
Michel Lapierre : Grâce à l’association FLAG! qui lui avait transmis mon livre dédicacé en demandant, en compensation de ma carte découpée, l’attribution de ma carte de retraité de la police nationale.
Par la suite, vous avez écrit 8 polars, été comédien, monté une troupe de théâtre… Est-ce que tout cela serait arrivé si vous n’aviez pas vécu ce traumatisme dans la police ?
J’ai toujours eu un côté artistique, j’ai toujours mis beaucoup d’ambiance et de bonheur autour de moi, dans mes différents métiers. Je pense que de toute façon, je serais monté sur les planches tout en étant policier.
Votre dernier livre s’appelle Le tableau inachevé. Que raconte-t-il ?
Michel Lapierre : Il s’agit d’une enquête qui se déroule près de Grenoble, à Voiron, dans les milieux du trafic international des œuvres d’art et qui génère des profits énormes.
Ecrire des romans policiers, est-ce que ce n’est pas resté un petit peu policier finalement ?
Michel Lapierre : Complètement. C’est un exutoire qui me permet de continuer à aimer ce métier. On me dit souvent, quand je parle de la police, que j’ai une étincelle au fond des yeux. C’est quelque part, une sorte de feu sacré. Ils ont essayé de l’éteindre, ils n’y sont pas arrivés.