L'omble chevalier, poisson surnommé "le Prince des lacs alpins", s'est raréfié ces dernières années, notamment à cause du dérèglement climatique et du réchauffement des eaux. À Annecy, une société réintroduit des alevins dans le lac pour tenter de faire perdurer l'espèce.
Ces derniers jours, le lac d'Annecy a accueilli de nouveaux hôtes. L'omble chevalier, ce poisson d'eau douce de la famille des salmonidés, prisé notamment des pêcheurs et restaurateurs, est en cours de réintroduction dans le lac de Haute-Savoie.
Ce mercredi 5 juillet, quelques milliers d'alevins d'ombles chevaliers ont été remis en liberté dans les eaux annéciennes. Ces jeunes poissons sont au centre de toutes les attentions. Ils sont relâchés minutieusement, en petits groupes, et à l'aide d'un sonar : "On ne peut pas tous les mettre au même endroit, donc on va les répartir régulièrement. Tous les 100 mètres, on prend l'épuisette, puis on en pose une partie pour qu'il y ait le plus de chance de survie. S'ils restaient tous au même endroit, ce serait une cible facile pour les prédateurs", explique Patrick Bouchard, pêcheur amateur et membre de la société Annecy Lac Pêche, depuis son bateau.
Une victime du réchauffement climatique
Patrick Deketelaere, un autre pêcheur amateur, est au volant de l'embarcation. Il regarde sur son sonar où déposer les poissons : "L'eau n'est pas trop chaude. En surface, nous sommes à 22 degrés. Mais dès qu'ils vont descendre d'une quinzaine de mètres, ils vont trouver des températures aux alentours de 15 degrés. Et au fond, l'eau est à 7 ou 8 degrés."
La chaleur est la grande ennemie de l'omble chevalier. Le "Prince" des lacs alpins, très exigeant, est de plus en plus rare : il est une des premières victimes du dérèglement climatique. Comme celles du Bourget ou du Léman, les eaux du lac d'Annecy se réchauffent. La température y a augmenté d'un degré et demi en à peine 20 ans.
"Il est probable que ce soient les températures qui ont légèrement augmenté qui limitent la qualité de survie des alevins et créent des problèmes au niveau de leur reproduction. Pour avoir une bonne production d'œufs, il faut que les eaux descendent entre 4 et 6 degrés", explique Victor Frossard, hydrobiologiste à l'université Savoie-Mont-Blanc.
"Si on observe un réchauffement de quelques dixièmes de degrés, on peut tout à fait avoir des mortalités significatives au stade du développement alevin", conclut-il.
Peu de reproduction naturelle
À Annecy, les pêcheurs ont décidé de suppléer la nature. C'est dans une pisciculture que sont nés les 60 000 alevins relâchés. L'eau des bassins est surveillée. La température, elle, est spécialement refroidie à six degrés. Tout un laboratoire est destiné à la reproduction des ombles chevaliers.
Les efforts sont colossaux, mais surtout indispensables pour la survie de l'espèce dans les Alpes. Il y a quinze ans, la moitié des ombles chevaliers pêchés à Annecy naissait naturellement dans le lac. Aujourd'hui, la situation est bien différente : "Nous avons maintenant 90 % des poissons qui proviennent de l'alevinage et seulement 10 % qui sont issus de la reproduction naturelle", détaille Bernard Genevois, l'administrateur d'"Annecy Lac Pêche".
L'omble est pourtant l'emblème de toute une région. Fin août, les bateaux de pêcheurs reprendront le large. Ils relâcheront à nouveau 25 000 alevins. Une action nécessaire à la survie du "prince" des lacs alpins.