Médecin et alpiniste de renom, première française à atteindre le sommet de l'Everest, Christine Janin évoque son parcours. Dans "Vous êtes formidables", elle compare la lutte contre le cancer à l'ascension d'une montagne, et remercie les enfants de l'avoir aidé à donner du sens à ses exploits.
En 1990, elle était la première française à atteindre le toit du monde. Médecin, alpiniste, Christine Janin est aussi l’initiatrice de « A chacun son Everest », une association qui accompagne dans leur combat -et leur reconstruction- les enfants atteints de cancers, et les femmes en rémission d’un cancer du sein.
Une personnalité endurante
Elle est d'abord une femme aux multiples racines, sans doute l'un des secrets de sa force. De Rome, sa ville natale, il ne reste « pas grand-chose », avoue-t-elle. « J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 12 ans. Ce qu’il m’en reste, c’est la senteur, c’est la douceur des italiens, leur mode de vie… Et puis la musica ! » Le grand écart avec Douarnenez, en Bretagne, où se trouvent ses racines, où elle se rend régulièrement. « Même si c’est loin de Chamonix, c’est vrai… Cet été, j’étais à une grande cousinade. C’est un lieu vraiment très ressourçant. Je revendique le sang breton »
Origines diverses, et passions multiples. Adolescente, Christine rêvait déjà d’être médecin. « Ou de faire du sport ! » ajoute-t-elle. Finalement, elle a fait les deux... Elle a chaussé les skis dès l’âge de 3 ans. « J’ai quatre frères, donc j’étais bien motivée. J’ai toujours fait beaucoup de sport. Je crois qu’on a des gènes du sport dans la famille.» Mais la médecine garde une part de ses attentes. « Dès l’âge de 10 ans, je voulais soigner, aider la terre entière. Ce métier a tout de suite résonné en moi. »
Je crois que, dans la vie, il faut écouter son cœur, son intuition. Il faut oser
Les pieds sur terre, donc… mais aussi l’esprit ailleurs. Etudiante en médecine, elle accepte de participer à une expédition en montagne. Elle part à l’ascension du Gasherbrum II, au Pakistan.
Un peu plus tard, en août 1981, elle devient la première femme à gravir un sommet de plus de 8000 m sans oxygène! Le 13ème sommet le plus haut du monde. « En fait, c’est le fruit de rencontres. Je faisais beaucoup de raids à ski. Mes copains connaissaient mon endurance et ma motivation. J’étais une compétitrice, quand même. Un jour, un grand médecin anesthésiste, qui fait du secours en haute-montagne à Grenoble, m’a proposé d’y aller à sa place. Je n’avais pas fait le Mont-blanc et je n’étais qu’en 6ème année de médecine… Mais j’ai dit oui. Je crois que, dans la vie, il faut écouter son cœur, son intuition. Il faut oser. Je crois que lorsqu’on part libre d’échouer –j’aime cette expression- les choses sont possibles, à condition d’écouter son cœur.»
Libre d’échouer… ne signifie forcément de se blesser. « Il ne faut pas vouloir le sommet à tout prix. Ce n’est pas possible » prévient Christine Janin « car cela ne marche pas comme ça » avertit-elle.
C’est au Népal que notre aventurière grimpera son second sommet. C’était en 1985 pour une expédition qui a permis l’installation du plus haut laboratoire de physiologie au monde. Un souvenir envoutant. « Le Népal, c’est un peu mon deuxième pays. J’adore les habitants. Ils sont tellement dans le cœur, la compassion, l’acceptation de ce qui leur arrive. On a créé une association « Bikram solidarité Népal », dans laquelle j’ai beaucoup de protégés. Tous les ans, j’y retourne.»
Sur le toit du monde
Mais c’est entre le Népal et la Chine que son nom se grave dans l’histoire. Christine devient la 1ère française à poser le pied au sommet de l’Everest, le 5 octobre 1990. « L’Everest a changé ma vie. Je l’ai gravi avec Pascal Tournaire, qui a été mon compagnon, et que je voudrais remercier. On était ensemble, on a osé. On est partis de 7000 mètres, et on est arrivés au sommet à 17h. C’était complètement improbable. Nous avons effectué 1840 mètres le dernier jour. »
Fidèle à son style, lorsque Christine parle de ses ascensions, on a l’impression d’entendre une philosophie du quotidien « La vie vous emmène sur des sommets, sur des choses extraordinaires. Ça peut être des choses aussi difficiles qu’un cancer… ou bien l’Everest. Mais de toute façon, ça transforme votre vie. Cela a été mon cas. Et, de mon Everest, j’ai fait, depuis, plein de petits Everest, en accompagnant des enfants ou des femmes qui ont vécu un cancer –leur Everest- et cela consiste aussi à les aider à en redescendre. Quand vous êtes au sommet, ce n’est pas fini. Il faut redescendre. Physiquement, c’est déjà compliqué… Mais surtout psychologiquement. »
Des sommets immenses.. aux enfants malades
Forte de ces premiers exploits, Christine Janin va enchainer les plus hauts sommets de chaque continent. En 1997, elle devient alors la première femme à atteindre le pôle Nord à pied, en 62 jours. Elle rencontre ensuite Hélène Voisin, qui dirige l’Ecole de l’Hôpital Trousseau, à Paris. Elle lui demande de venir raconter ses aventures aux enfants malades.
C’est un déclic. « Je reprenais ma blouse blanche, mon métier de médecin. Très vite, j’ai fait ce parallèle entre la montagne et la maladie. Le sommet devenait la guérison. Plus tard est venue l’idée d’emmener des enfants à la montagne. » Elle ose, leur offre des ascensions. « Certains enfants m’ont écrit pour me dire que je les avais aidés à trouver le chemin de la guérison. Je crois surtout que ces enfants m’ont pris la main et m’ont ramenée sur terre. Cela m’a permis de ne pas faire l’expédition de trop. Et de transformer tout de suite mes exploits, et surtout de retrouver mon métier de médecin, de manière totalement différente. Je crois que j’ai inventé ma médecine » résume-t-elle avec le recul.
A chacun son Everest
Aujourd’hui, Christine est basée à Chamonix. Elle aime ses paysages magnifiques, le Mont-Blanc –qu’elle a gravi 15 fois- et qu’elle "offre" aux enfants. « C’est très fort, c’est puissant. Et puis on peut tout y faire : de la randonnée, de l’escalade, aller en altitude… et c’est facile d’accès, avec les secours à proximité » explique-t-elle. C’est là, donc, qu’elle va commencer à accueillir d’abord les enfants atteints de cancer, en 1997, puis les femmes en rémission d’un cancer du sein, à partir de 2011, au sein de sa structure « A chacun son Everest ».
« Ce sont les médecins qui nous confient les enfants en fin de traitement. Ils étaient encore une centaine cet été. C’est la même chose pour les femmes, le plus souvent originaires de notre région » décrit Christine Janin. Les activités qui leur sont proposées par l'association sont d’abord physiques, le sport aidant à guérir. Marche, escalade, parc aventure sont au programme.
Des soins de support permettent également de les accompagner, comme le yoga, la méditation ou la sophrologie. Pour les femmes, sont également proposés des massages... et même des massages sonores. Sans oublier des entretiens psychologiques personnalisés. « Le sport et la spiritualité font un doux mélange. C’est une recette qui permet de partager. Le groupe est très important. »
J’ai vu des cadres-infirmiers, des administratifs arriver en pleurs
Durant la pandémie de Covid, Christine Janin a souhaité également accueillir des soignants. « Je voulais leur rendre hommage. Ils ont fait un travail énorme et arrivaient dans un réel état de fatigue et de désespérance. J’ai vu des cadres-infirmiers, des administratifs arriver en pleurs. Ils n’en pouvaient plus mais avaient tout de même envie, tous, de continuer le travail, ne voulaient pas s’arrêter, ni jamais parler d’argent. Moi, je trouve que c’est un problème. Ils et elles ne sont pas considérés à leur juste niveau » estime-t-elle.
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