EN IMAGES. Au sommet du mont Blanc, l'odyssée estivale de deux Italiens amputés

Andrea et Max, deux alpinistes italiens en situation de handicap, se sont fixé un défi : gravir cinq des plus hauts sommets d'Italie. Ils racontent comment ils sont arrivés au sommet du mont Blanc, samedi 1er août.

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A deux pas du bonheur. L’image est belle, mais elle ne dit pas grand-chose de l’aventure extraordinaire qui sépare encore Andrea et Max de l’accomplissement de leur rêve estival : monter sur cinq des plus hauts sommets d’Italie. Après avoir escaladé celui de la Marmolada (3 343 mètres d’altitude) dans les Dolomites à la mi-juillet, puis celui du Grand Paradis (4 061 mètres), les deux hommes, portés par une jambe valide et trois autres en titane et carbone, ont rejoint le 1er août le sommet du mont Blanc (4 810 mètres). En attendant le mont Viso et le Cervin d’ici la fin septembre.

« Retrouver la montagne, le plaisir de s’y fatiguer, de se retrouver à nouveau au sommet pour admirer le panorama : c’était vraiment ce qu’il pouvait m’arriver de mieux après ce que j’ai vécu. Après un drame, il faut réagir, retrouver son énergie et ce n’est qu’alors que l’on peut aussi retrouver le sourire ! ». Et il sait de quoi il parle, Massimo Coda. « Aujourd’hui, vous pourrez titrer dans votre journal : deux hommes et une seule jambe sur le mont Blanc ! », blague volontiers celui que nos confrères transalpins se plaisent à appeler : Max !

Mais son visage rayonnant de joie, Massimo ne le doit qu’à lui. Pour l’alpiniste piémontais, engagé aux côtés de son ami toscan, l’athlète paralympique d’athlétisme Andrea Lanfri, cette odyssée de l’été est un pari. En même temps qu’un message d’espoir lancé à tous les handicapés. « Je crois que notre cordée, en son genre, est vraiment unique au monde, précise de son côté Andrea. Avoir réussi à arriver jusque sur le toit de l’Europe a une saveur particulière pour nous. J’espère que le symbole qu’il représente contribuera à faire disparaître un certain nombre d’idées toutes faites sur le handicap ».
 


 

Au sommet par l’une des voies les plus difficiles


« Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on a choisi d’accéder au sommet du mont Blanc par la voie Ratti », poursuit l’athlète toscan. Il est vrai que de toutes les voies italiennes, la via Ratti passe pour être parmi les plus difficiles au départ de Courmayeur. Direction le refuge Gonella, puis la cabane Vallot sur la voie normale vers le sommet. Bien des alpinistes auraient hésité à s’y risquer. Mais pas Massimo et Andrea, compagnons d’aventures alpines depuis des années, pas le moins du monde effrayés à l’idée de traverser les glaciers du Miage et des Dômes. Mais vigilants… toujours.

« Dans cette voie vraiment pas habituelle, il n’a pas fallu relâcher notre concentration une seule seconde. Dans cet environnement sévère et souvent hostile, on n’avait pas le droit à l’erreur. Les glaciers, les crevasses, les possibles chutes de séracs, les crêtes très effilées qu’il nous fallait emprunter, tout cela a fait de ces deux journées vers le mont Blanc une expérience inoubliable », conclut Andrea Lanfri.

 

La force de l’amitié et du handicap


« Pendant cette ascension, il y a eu des moments où l’on a cru que l’on était arrivé au bout de nos forces, que l’on ne pourrait pas même faire un pas de plus… Et puis, d’un seul coup, on sentait l’énergie qui revenait, et on continuait », pondère tout de même Massimo, le Piémontais. D’ailleurs, quand on leur pose la question de ce qui les fait courir, de ce qui leur permet d’« encaisser » des 9 à 10 heures de marche par jour comme dans leur périlleuse ascension vers le toit de l’Europe, des conditions de bivouacs souvent dantesques, sous tente, en parois, les compères parlent de la puissance de leur amitié, bien sûr. Mais d’une mystérieuse force aussi, qui prend parfois des allures de revanche.

Pour Andrea, il s’agit de régler ses comptes avec la violente méningite qui l’a frappé en 2015 et l’a contraint à subir l’amputation de ses deux jambes et de sept doigts. On aurait pu croire que les nombreuses médailles d’or, (neuf fois champion d’Italie), d’argent (une fois vice-champion du monde et une fois d’Europe, 4 fois 100 mètres) et de bronze (aux championnats d’Europe sur 4 fois 100 et 200 mètres plat) auraient eu raison de son insatiable soif de victoire.

 

Une revanche


Mais rien de tous ces titres ne semble devoir lui suffire. Au moins, tant qu’il n’aura pas décroché ce qu’il considère être son Graal. « Cet été, sans l’urgence du Covid, avec Max, nous avions prévu de partir escalader les deux plus hauts sommets africains : le mont Kenya (5 199 mètres) et le Kilimandjaro (5 895 mètres). On a dû reporter notre projet à l’année prochaine. Mais si, moi, j’enchaîne toutes ces escalades, c’est dans le seul but de me préparer à mon grand rêve : être le premier homme handicapé des membres supérieurs et inférieurs à monter sur l’Everest ! »
 

Son rendez-vous avec le destin, Massimo, quant à lui, ne le voit pas si loin. Ni sur le continent africain, ni même sur le toit du monde. Des cinq sommets qu’il escaladera avec Andrea cet été, c’est le dernier qu’il attend avec le plus d’impatience, de gravité, peut-être aussi. « Quand j’ai eu l’accident qui m’a coûté ma jambe en 2009, j’étais en plein entraînement en vue d’escalader le Cervin justement. Cette montagne exerce un charme mystérieux sur tous les alpinistes. On ne peut qu’admirer sa forme parfaite de pyramide. Ca a toujours été un rêve pour moi de l’escalader. Et aujourd’hui je suis si près de le réaliser, que j’en suis ému d’avance ! ».

 

5 sommets sur 5, più che mai (plus que jamais)


Andrea et Massimo sont donc, plus que jamais, dans les temps pour réaliser leur odyssée de l’été 2020 : leur « five peaks » comme ils l’ont baptisé à l’anglaise. Un 5/5 qui jusqu’à leur dernier pas, peut être remis en question. Par une erreur, une malchance… un problème de réservation en refuge ? En cette période de Covid, les structures d’accueil en altitude ne peuvent accueillir qu’un nombre limité de personnes. Premiers arrivés, premiers servis…  « Et nous, avec nos prothèses, nous sommes forcément un peu plus lents que les autres à arriver ». Mais c’est bien la seule faiblesse à leurs cuirasses de « durs à la montagne » que concèdent les deux aventuriers. Ne comptez pas sur Max et Andrea pour se plaindre davantage. Les deux hommes ne sont pas faits de cette « roche » là !

 
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