Le maire de Chamonix, Eric Fournier, a cosigné une tribune parue dans le journal Le Monde, dans laquelle il plaide pour "la liberté de la montagne face au tout sécuritaire". Il était l’invité de France 3 Alpes, ce lundi.
Le texte a été publié ce dimanche 21 août par nos confrères du journal Le Monde. Le maire de Chamonix, Eric Fournier, avec la Compagnie des guides de Chamonix, la Fédération française des clubs alpins français (FFCAM) et son Groupe de haute montagne (GHM) ont signé une tribune : "La montagne doit rester un espace de liberté face à la tentation du tout sécuritaire."
Ce lundi 22 août, le maire de Chamonix était l’invité de notre journal. Il a répondu aux questions de Marie Michellier au sujet de la cette tribune.
Vous avez cosigné dans le journal Le Monde, une tribune, un plaidoyer pour la liberté de la montagne. C’est un débat qui resurgit aujourd’hui avec les risques liés au changement climatique ? La tentation de l’interdit est grande, trop grande selon vous ?
Nul ne doute que le changement climatique nous affecte et affecte beaucoup les territoires de montagne. Ce que nous souhaitons dire avec les cosignataires de cette tribune, c’est que la montagne - avec des gens responsables - peut continuer à être pratiquée. Les guides, les alpinistes, les amateurs qui sont éclairés savent qu’il y a des jours où l’on peut aller en montagne et d’autres non, qu’il y ait le changement climatique ou pas, d’ailleurs. Les périodes de grosses neiges et d’avalanches sont des périodes qu’il faut éviter, on le sait.
La notion d’adaptation en montagne est consubstantielle avec notre activité et c’est ce que nous souhaitons rappeler, avec beaucoup d’humilité. Et il ne faut surtout pas toucher à ces concepts forts qui sont ceux de la liberté qui va de pair avec les responsabilités.
Est-ce que cette tribune, ce n’est pas une pique à votre homologue, le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex, qui a proposé la mise en place d’une caution obligatoire pour tous ceux qui essayeraient de gravir le Mont-Blanc en cas de secours déclenché, des secours qui doivent rester gratuits ?
Il y a deux raisons qui motivent cette tribune. D’abord depuis 2012, nous nous sommes engagés avec les guides et les clubs alpins - français, suisses et italiens - dans une aventure qui a été la labellisation de l’alpinisme à l’UNESCO et de ses valeurs fondamentales. On a obtenu cette reconnaissance en 2019 donc c’est un combat pour moi qui est ancien.
On a le cœur arraché de voir cette montagne qui change aussi vite
Eric Fournier, maire de Chamonix
Puis la communauté montagnarde m’a demandé de donner mon avis et c’est ce que je fais avec les cosignataires. Évidemment, tout ça nous concerne au premier chef et on a le cœur arraché de voir cette montagne qui change aussi vite. Pour autant, les pratiques, elles, évoluent et avec cette responsabilité nous devons aborder cette nouvelle manière de faire de la montagne. Aujourd’hui, on est effectivement en train de tomber dans un trop sécuritaire qui risque d’aller vers des interdictions et des mesures qui ne sont pas compatibles avec notre esprit, en tout cas la manière dont les Montagnards entendent pratiquer leur territoire et leur passion.
La montagne s’effondre, et le nombre d’accidents n’augmente pas... On doit s’adapter, c’est ça la clé, selon vous ?
Je vais faire le parallèle avec ce qui s’est passé il y a 50 ans à Chamonix, on a vécu un été particulièrement accidentogène et à cette époque, il était question de permis.
Et à l’époque, la communauté chamoniarde avait réagi en disant, on va faire un office de la haute-montagne en disant les maîtres-mots vont être l’information, la responsabilisation, la prévention. Là aussi, il faut de l’éducation.
On a des comportements éduqués qui nous permettent de pratiquer cet espace extraordinaire de beauté et de liberté
Eric Fournier, maire de Chamonix
On ne va pas à la montagne dans n’importe quelles conditions, on ne va pas à la mer dans n’importe quelles conditions. On a des comportements éduqués qui nous permettent de pratiquer cet espace extraordinaire de beauté et de liberté.
L’adaptation fait partie de l’ADN des guides et des Montagnards, tout cela repose sur une plus grande discussion entre alpinistes et scientifiques, ou tout simplement sur une responsabilité personnelle ? Faut-il que les mentalités évoluent avec cette montagne ?
Le fait d’accueillir, de faire de la pédagogie, d’expliquer à nos hôtes, le fait d’avoir recours aux compagnies des guides, à des professionnels tout cela participe à prendre soin de la montagne. On sait que notre monde va évoluer d’une manière radicale. Peut-être que les hautes montagnes sont encore un des témoins les plus en pointe de cela donc à nous de faire que nos pratiques puissent continuer.
On aurait tellement à perdre à ne plus pratiquer cette très belle montagne
Eric Fournier, maire de Chamonix
Dans cette tribune, il y a autre chose que vous soulignez, c’est la liberté. Un alpiniste doit rester libre ?
La liberté, c’est consubstantiel avec la pratique de la montagne, c’est la raison pour laquelle on va en montagne, c’est pour cette liberté, c’est encore un des seuls territoires où on a cette liberté. Les espaces naturels s’imposent à l’homme et pas l’inverse.
Les signataires de la tribune sont Julien Bailly, président de La Chamoniarde, prévention et secours en montagne ; Bénédicte Cazanave, présidente de la Fédération française des clubs alpins et de montagne ; Eric Fournier, maire de Chamonix-Mont-Blanc ; Olivier Greber, président de la Compagnie des guides de Chamonix ; Christian Trommsdorf, président du Groupe de haute montagne.