Chaque année, près de 10 000 coureurs participent aux différentes courses de l'UTMB. En 2023, l'organisation a mis en place plusieurs actions en faveur de l'environnement et espère aller plus loin lors des prochaines éditions. Entretien avec Isabelle Viseux-Poletti, directrice de la course.
Près de trois mois après sa dernière édition, l'UTMB dresse un bilan de ces dernières actions mises en oeuvre pour respecter, au mieux, l'environnement et les riverains. Depuis la naissance de cet événement mondial du trail, des voix s'élèvent contre les nuisances et la pollution que peuvent générer les différentes courses organisées depuis Chamonix.
Pour la directrice de l'UTMB Mont-Blanc, Isabelle Viseux-Poletti, des efforts doivent se poursuivre pour la protection de l'environnement.
"France 3 Alpes : Encore cet été, les transports ont fait partie des principales sources de pollution. Quelles actions sont mises en place pour diminuer cette part dans votre bilan carbone ?
Isabelle Viseux-Poletti : Le transport et la mobilité sont un de nos sujets de réflexion de longue durée. Ce n'est pas nouveau, ça ne date pas de l'année dernière. Mais lors de la dernière édition, nous avons souhaité franchir une étape supplémentaire sur ce sujet.
Effectivement, le transport génère de la pollution et des nuisances dans des vallées qui rencontrent des contraintes en termes de circulation. Parmi les actions fortes de l'année dernière, il y a eu un gros travail qui nous a amenés à dépenser près d'un demi-million d'euros pour mettre en place un plan de transport pour les coureurs et les accompagnants. Le but, c'est qu'ils n'aient pas besoin d'utiliser leur voiture. C'est un plan de transport unique au monde dans son ampleur.
C'est certain qu'une voiture prise par une seule personne pollue plus que 50 personnes dans un bus. Mais au-delà du côté pollution, c'est le côté nuisance et engorgement que nous voulons traiter. C'est un sujet que nous voulons traiter et amplifier année après année. On doit aller vers un UTMB sans voiture individuelle.
Avez-vous des chiffres sur la part des coureurs qui n'utilisent plus la voiture sur l'événement ?
Nous avons 42 % de coureurs qui viennent sans voiture sur l'événement. C'est un chiffre en progression, qui doit encore évoluer. On estime que plus de 5 000 véhicules ont été évités grâce au plan de transport.
Qu'en est-il de la gestion des déchets et du respect de l'environnement ?
Deux autres sujets ont fait l'objet d'un focus particulier en 2023 : le bruit et les déchets. Sur le sujet du bruit, il fallait limiter les nuisances sonores en environnement urbain. Notre événement dure presque une semaine avec une arrivée dans une ville qui n'est pas si grande que ça. On avait un certain nombre de riverains qui étaient indisposés par le son. On a donc fait un travail dessus. Globalement, nous avons eu des retours positifs.
Du côté des déchets, nous sommes passés à la suppression de toutes les bouteilles plastiques, que ce soit celles d'eau ou de soda. On ne reviendra pas en arrière sur ce sujet du plastique.
On agit aussi en surveillance des sentiers qu'on emprunte. On entretient ces sentiers et on essaye de les laisser propres, voire plus propres qu'avant les courses, puisque nous avons des équipes qui travaillent derrière.
Comment estimez-vous l'empreinte carbone de l'événement ?
Globalement, par rapport aux principaux événements sportifs internationaux, nous sommes plutôt bons élèves. Bien sûr, 80 % de notre bilan carbone est généré par le voyage de nos coureurs, et en particulier des internationaux. C'est un sujet sur lequel nous devons travailler.
En effet, la course est devenue internationale et des coureurs continuent de prendre l'avion pour rejoindre la ligne de départ. Pourrait-il y avoir des actions concrètes pour les encourager à prendre le train plutôt que l'avion ?
On y réfléchit. On a déjà commencé à agir dans ce sens avec notre circuit de course mondiale, car son message est de dire : 'commencez par courir près de chez vous sans parcourir trop de kilomètres'. Et ensuite, si les coureurs souhaitent voyager, on les encourage à le faire de manière raisonnable.
Ensuite, sur la question de mettre une carotte pour encourager les coureurs dans cette pratique, nous sommes en train d'y réfléchir. Mais il faut réussir à trouver une carotte, qui ne nous fasse pas tomber dans l'injustice ou dans la ségrégation. Ce n'est pas l'objectif, on souhaite rester ouverts à tous. On n'a pas encore trouvé cette carotte concrètement, mais, oui, c'est ce qu'on pourrait étudier dans le futur.
Pourrait-on envisager une autre périodicité de l'événement ? Est-il possible, un jour, de voir l'UTMB espacer ses éditions ?
Il faudrait qu'on explique aux commerçants, qu'une année sur deux, ils ont une semaine de saison en moins. Mais il faudrait aussi qu'on explique aux 25 000 coureurs qu'on refuse déjà que ce n'est pas trois ans qu'ils vont devoir attendre pour faire la course, mais bien six ans. Pour l'instant, on n'a pas fait ce choix-là.
Certains opposants estiment que la course fragilise ce milieu sensible. Quelle est votre réponse à cela ?
Sur la course de l'UTMB Mont-Blanc, évidemment on ne fait jamais l'unanimité. Quand on fait quelque chose, il y a toujours des gens qui aiment et d'autres non. C'est normal, il faut de tout pour faire un monde et il faut respecter les opinions de chacun.
Pour autant, je pense qu'un territoire vit par sa préservation, mais aussi par les hommes qui y habitent. Aujourd'hui et depuis 20 ans, l'UTMB est moteur d'une économie extrêmement intéressante pour les vallées et pour un tourisme plutôt vertueux, car les gens restent en moyenne 6 jours sur le territoire. Ils prennent le temps d'être là, ils ne font pas qu'un aller-retour dans la journée.
Ça génère des retombées économiques substantielles pour l'ensemble des territoires. La dernière analyse réalisée en 2022 montre qu'il y a eu 23 millions d'euros de retombées économiques. Il faut que chacun accepte des compromis pour que l'activité de tout le monde se passe en bonne harmonie. C'est ce qu'on essaye de privilégier. On entend que ça gêne des gens, on essaye de moins les gêner. Pour autant, il faut que ces personnes acceptent aussi de reconnaître qu'on amène une économie pour la vallée."