"J'ai arrêté Otto Abetz" : comment un réfugié allemand, juif et résistant, a interpellé un ambassadeur d'Hitler en France

Dans un livre hommage à son grand-père, Didier Eisack raconte l'histoire de ce réfugié allemand entré dans la résistance française qui a arrêté l'une des principales figures du régime nazi, Otto Abetz. Un travail d'enquête pour rendre justice à un homme mort dans l'oubli.

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C'est un long travail d'enquête qui a permis à Joachim Eisack de démasquer et arrêter en 1945 l'ambassadeur d'Hitler en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Otto Abetz. Une histoire tombée dans l'oubli que le petit-fils de ce résistant a voulu mettre en lumière.

Ce qui avait commencé comme un banal travail généalogique s'est vite transformé en un véritable jeu de piste. "C'est un puzzle de 10 000 pièces sans photo modèle. Et avec simplement 20 pièces en main, je l'ai reconstitué parce que je ne connaissais pas l'histoire de ma famille paternelle", raconte Didier Eisack, auteur du livre J'ai arrêté Otto Abetz (Amalthee, 2022).

Son grand-père, Joachim Eisack, réfugié allemand de confession juive, est arrivé en France avec son épouse en 1933. Il est entré dans la résistance en Saône-et-Loire avant de devenir inspecteur de la sûreté à Säckingen, à la frontière germano-suisse. C'est grâce à une informatrice qu'il a pu se lancer sur la trace de Otto Abetz. Celle-ci lui a révélé que le représentant du Troisième Reich à Paris pendant l'Occupation se cachait dans la région sous le nom de Laumann.

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"J'ai arrêté Otto Abetz" : comment un réfugié allemand, juif et résistant français, a interpellé un ambassadeur d'Hitler ©France Télévisions

En octobre 1945, ses investigations l'ont mené jusqu'à un sanatorium où se trouvait l'ancien diplomate. "Il va réussir à l'arrêter, en ayant appris que les Français l'avaient déjà arrêté et relâché deux fois. Il le fait venir dans son bureau pour le démasquer", retrace Didier Eisack qui a enquêté pendant plus de cinq ans sur son histoire familiale.

Otto Abetz se cachant derrière sa fausse identité, l'inspecteur a dû ruser. "Il l'interroge et au bout d'une heure, il le fait se déshabiller complètement. Et à l'intérieur de la veste, qu'est-ce qu'il y avait ? L'étiquette du tailleur Carett, boulevard Haussmann, et c'était marqué 'pour M. Otto Abetz'", poursuit l'auteur installé à Reignier, en Haute-Savoie.

"On n'a pas reconnu son vrai rôle"

L'ancien ambassadeur s'est résigné à signer sa déposition dans laquelle il reconnaît son identité. Mais jamais Joachim Eisack n'a été distingué pour l'arrestation de cet ambassadeur d'Hitler. Pour son petit-fils, il s'agit d'un "travail d'hommage et de justice" pour rétablir une vérité historique.

Abetz, cinq ans après sa condamnation à 20 ans de travaux, a été gracié par le président Cotty. Mais mon grand-père n'a jamais été récompensé pour ce qu'il a fait.

Didier Eisack, auteur du livre "J'ai arrêté Otto Abetz"

à France 3 Alpes

Au cours de ses recherches, l'auteur a reçu le soutien de l'historienne Laurence Prempain qui dénonce l'emploi d'un conditionnel "infamant" sur les actes du résistant français. "Il 'aurait' arrêté Otto Abetz, il 'aurait' fait partie de la résistance... Ce conditionnel commence dès les années 1930, quand il arrive en France, et il continue en 1955 alors qu'il est mort. On continue à l'utiliser et c'est à cause de ce conditionnel, notamment, qu'il a été oublié et surtout qu'on n'a pas reconnu son vrai rôle."

Joachim Eisack a été contraint d'abandonner sa famille en 1952. Il est mort quelques années plus tard, en Allemagne, dans l'anonymat. "Il a tout donné à la France, ce pays qui l'a accueilli, et il a été oublié", déplore Laurence Prempain. Une BD et une pièce de théâtre basées sur les recherches de Didier Eisack verront bientôt le jour. L'auteur, lui, poursuit sa mission d'hommage, comme un devoir de mémoire.

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