Charles Dubouloz, guide de haute montagne, vient de signer un exploit encore inédit en alpinisme en réussissant à gravir seul et en hiver la face nord des Grandes Jorasses, dans le massif du Mont-Blanc.
Il est encore un peu là-haut. Charles Dubouloz, tout juste débarqué d'Italie, a gravi la face nord des Grandes Jorasses via la voie des Rolling Stones, réputée périlleuse. Une première en solo et en hiver dans le massif du Mont-Blanc. Après une expédition de six jours et cinq nuits par -30 °C, l'alpiniste a accepté de répondre à France 3 Alpes.
"Quand je suis redescendu, le tunnel du Mont-Blanc était fermé, j'ai dû dormir comme ça sans vêtements, sans change, dans une chambre d'hôtel à Courmayeur", raconte-t-il, tout juste revenu d'Italie.
Avec simplicité et chaleur, l'alpiniste de 32 ans raconte : "Je suis allé au bout du bout. C'est pour moi la quintessence de ma pratique. En fait, j'ai pris un billet d'avion long-courrier et voyagé sans vraiment quitter Chamonix."
J'ai trouvé dans cette voie ce que j'étais venu y chercher.
Charles Dubouloz, alpinisteà France 3 Alpes
Pourtant, le voyage n'a pas été simple. Dès le départ de la voie des Rolling Stones, réputée coriace, Charles bataille. "Si les conditions de grimpe étaient super, les premiers jours sur le mauvais caillou, c'était très engagé. Je me suis fait peur. Dans un gros passage difficile, j'ai mis 6 heures pour faire 60 mètres. Je me suis dit que ça n'allait pas assez vite, que je n'irai pas au sommet."
Conditions extrêmes
Avec un rire, l'alpiniste nous confie : "Là, il faut que j'aille consulter. J'ai des gelures et un orteil qui est tout noir. Déjà au Népal, il avait été touché et c'est bénin, mais je n'ai plus d'ongles et de peau sur mes mains."
L'alpiniste a dû affronter des températures extrêmes avec, certes, un bel anticyclone mais un vent de nord glacial soufflant beaucoup la nuit, quand il tentait de dormir en bivouac, parfois suspendu dans un hamac.
"Je vais savourer"
"Pendant toutes ces années, j'ai été boulimique de montagne et d'ascensions. Quand j'étais au sommet, j'ai eu un sentiment d'accomplissement. Arriver tout seul par ses propres moyens dans des voies dures, c'est incroyable. C'est une dimension en plus. Dans notre génération de grimpeurs, le solo n'est plus très à la mode", poursuit le guide de 32 ans. "En attendant les prochaines expéditions au Népal, au printemps et à l'automne, je vais savourer. Je suis papa d'une petite fille et ça change la donne."
Le montagnard, parti jeudi de Chamonix (Haute-Savoie), a atteint le sommet des Grandes Jorasses (4208 m) après une ascension de 1100 mètres par la voie des Rolling Stones, ouverte à l'été 1979 par quatre alpinistes slovaques et à laquelle personne ne s'était encore attaquée en hiver et en solo.
Deuxième exploit en solo
Il s'agit du deuxième exploit en solo et en hivernal du jeune grimpeur alpin, qui avait réalisé il y a un an la face nord des Petits Drus dans le massif du Mont-Blanc. En octobre 2021, il a ouvert une nouvelle voie en duo avec Benjamin Védrines sur la face nord du Chamlang (7319 m) au Népal.
Son ascension de la face mythique des Grandes Jorasses s'est faite en escalade dite "artificielle" avec pitons, coinceurs et étriers - petites échelles. En hiver, seules quatre ascensions par la voie des Rolling Stones avaient été réussies jusque-là, toutes en duo.