Quatre mois de prison ferme ont été requis ce lundi 7 avril contre un moniteur de ski britannique officiant depuis 25 ans dans la station huppée de Megève (Haute-Savoie) sans les qualifications nécessaires, selon la justice.
Le procureur de la République à Bonneville, Pierre-Yves Michau, a dénoncé la "démarche de provocation" de Simon Butler, 51 ans, et son "refus obstiné de se conformer à la loi", alors qu'il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour les mêmes faits. Le magistrat a requis un an de prison, dont huit mois avec sursis et 10.000 euros d'amende pour enseignement illégal. Le jugement a été mis en délibéré au 16 juin à 14H00.
Depuis 1989, début de ses cours à Megève, "M. Butler n'a jamais entrepris la moindre démarche pour se conformer à la loi française", a martelé le procureur. "Nous ne referons ni la Guerre de Cent Ans ni le dernier France-Angleterre du tournoi des Six Nations. M. Butler ne représente pas ses compatriotes car il y a des centaines de moniteurs britanniques qui enseignent sans difficulté en France", a-t-il lancé.
"Nous sommes dans des questions purement techniques. Il n'y a aucune discrimination, aucune atteinte au sacro-saint principe de libre circulation dans l'Union européenne", a-t-il affirmé, réfutant le principal argument de la défense. Le magistrat a également requis des amendes pour cinq autres prévenus, employés par M. Butler, et une peine de prison avec sursis assortie d'une amende pour un septième, également poursuivi pour rébellion.
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Simon Butler, gérant d'un tour opérateur, a été condamné à cinq reprises par le tribunal correctionnel de Bonneville depuis 2005 pour les mêmes faits. "Il y a quelque chose d'un peu surréaliste. Voilà dix ans que nous venons plaider pour les mêmes infractions", a souligné Céline Grangeon, avocate de l'Ecole du ski français, partie civile.
"Il faudrait apprendre le français"
M. Butler, qui exploite deux hôtels à Megève dans le cadre de son activité, était venu à l'audience accompagné d'un porte-parole du parti britannique europhobe UKIP, Hermann Kelly. "C'est un exemple clair du protectionnisme français sur le marché du travail", a dénoncé ce dernier, pour qui M. Butler est traité de "manière injuste".
A la barre, celui-ci a estimé qu'il n'avait pas à passer de tests d'équivalence lui permettant d'enseigner le ski en France, comme l'exige l'administration. Son avocat Me Philippe Planès a d'ailleurs indiqué qu'il avait attaqué devant le tribunal administratif de Lyon la décision du préfet de région de ne pas attribuer de carte professionnelle à son client. Il a en outre estimé que M. Butler disposait d'une "présomption de qualification" au regard du droit européen car il dispose dans son pays du diplôme le plus élevé pour enseigner le ski.
"Monsieur Butler a des qualifications pour enseigner le ski alpin du plus haut degré délivré par l'autorité britannique et en théorie la directive européenne appliquée en France devrait (...) lui faciliter cette reconnaissance", a souligné Me Planès, dénonçant un "acharnement" contre son client.
Le procureur a rétorqué que M. Butler devait passer deux tests complémentaires pour pouvoir enseigner en France. "Déjà il faudrait commencer par apprendre le français car c'est une des conditions légales pour être moniteur", a-t-il lancé à l'intention du prévenu qui était accompagné d'un interprète. "Il n'est victime d'aucun acharnement. Qu'il se mette en règle et il n'entendra plus jamais parler de la justice française", a conclu le magistrat.
Simon Butler est le gérant de "Simon Butler Skiing", un tour opérateur de vingt-huit employés qui propose des séjours et des cours de ski aux Britanniques. Depuis son arrestation le 18 février, il dit avoir perdu de nombreux clients et énormément d'argent. "Je suis en train de perdre un de mes hôtels", a-t-il dit affirmé.