Dans toute l'agglomération de Grenoble, des rues, des places, des squares et même un quartier portent son nom. Retour sur le parcours du doyen René Gosse, illustre professeur de mathématiques et doyen de la faculté des sciences, devenu "l'âme de la Résistance" en Isère.
"Le doyen Gosse, c'est le chef moral de la Résistance en Isère : son âme, en quelque sorte !" Une définition qui coule de source pour Francois Boulet, le biographe du grand résistant.
Mais pour les nombreux passants de la place grenobloise qui porte son nom ou les étudiants de l'Université qui passent tous les jours devant son buste, le doyen Gosse fait partie des patronymes souvent prononcés, mais pas forcément très connus.
Certainement pas davantage à la Tronche, dans la proche banlieue de la préfecture de l'Isère, où l'illustre professeur de mathématiques devenu doyen de la faculté des sciences de Grenoble en 1927, résidait pourtant.
La Bérengère, cœur battant de la Résistance
C'est en effet dans une belle villa de la "petite Nice des Alpes" (le surnom donné à la petite commune de 6500 habitants) qu'habitait René Gosse. C'est vraisemblablement là, dans sa villa "La Bérengère", qu'il entendra l'appel du Général de Gaulle le 6 juin 1940 qui déclenchera son engagement dans la Résistance à l'occupant.
Un engagement, clamé haut et fort et qui lui vaut ses premières sanctions de la part de l'institution universitaire.
Dès la fin de l'année 1940, il est démis de toutes ses fonctions. Le 6 décembre, il n'est plus, ni doyen de l’université ni directeur de l’institut polytechnique. Le 23 décembre on lui retire son titre de conseiller municipal pour "opinions extrémistes" de gauche. Le 14 février 1941, il est révoqué de sa fonction de directeur de l’École française de papeterie.
Plus rien ne s'oppose alors à ce qu'il s'investisse totalement dans la Résistance, en compagnie de son épouse Lucienne.
D'abord, en transformant son domicile en centre névralgique de la Résistance et en halte sécurisée pour de nombreux réfugiés. Le plus célèbre d'entre eux étant l'homme politique, alors en fuite des geôles du Maréchal Pétain, Pierre Mendès-France.
"Des Belges, des Britanniques, des résistants prenant la route des maquis, du Vercors ou autres ; mais des familles juives ont également trouvé refuge à la Bérengère", explique l'historien François Boulet, l'auteur du livre édité par le musée de la Résistance et de la déportation de l'Isère : "René Gosse, l'âme de la Résistance".
Un personnage majeur
"Son entrée dans la Résistance lui permet de rencontrer beaucoup de monde. Des personnes évoluant dans différents groupes de résistance qu'il ne connaissait pas et qu'il va apprendre à connaître en trois ans : Pierre Dalloz, par exemple, le premier à imaginer la création d'un maquis dans le Vercors".
L'universitaire entre également dans le réseau Marco-Polo, le réseau de rensignement de la Résistance intérieure française. Il contribue à la création des Mouvements Unis de Résistance, et encourage des industriels à financer les maquis.
"Cette façon totale de s'engager est tristement couronnée par le fait que le doyen Gosse est pris pour cible par la répression allemande et collaborationniste", explique pour sa part Antoine Musy, chargé de collection du musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère.
"Car il ne fait alors aucun doute que sa contribution à la création et au fonctionnement de la Résistance dans les Alpes, est majeure".
Un rôle clé, que René Gosse et sa famille payeront bientôt de leur vie. Le 21 décembre 1943, comme dans un dernier sursaut sanglant de ce que les historiens appellent "la Saint Barthélémy grenobloise", le combat du doyen Gosse s’arrête brutalement lorsqu'un commando allemand et français de la Gestapo, fait irruption à la Bérengère. Il rafle, non seulement, l'universitaire mais également son fils, Jean, avocat et membre du mouvement Combat.
La Résistance pour famille
Retrouvés assassinés le lendemain - Jean Gosse à Saint-Ismier où s'élève désormais un mémorial dédié à lui et sa famille, et René Gosse à Montbonnot-Saint-Martin - c'est à Lucienne Gosse, mère et épouse des deux martyrs de la Résistance, que l'on doit la perpétuation du souvenir du doyen Gosse jusqu'à nos jours.
"Lucienne Gosse a voulu honorer la mémoire et le souvenir de ses disparus", explique encore François Boulet. Tout d'abord, en écrivant un livre intitulé 'René Gosse, chronique d'une vie française', édité en 1963. Mais également, en faisant restaurer un ancien four à chaux à quelques pas de l'endroit où son fils avait été assassiné".
C'est là qu'ils reposent désormais tous les trois. Aux plaques commémoratives qui figurent déjà sur leur mémorial, on pourrait ajouter cette déclaration de celui qui, dans les archives du musée de la Résistance de Grenoble, continue de veiller sur les dossiers du "fond Gosse" légué en 1994 par le petit-neveu du doyen.
"Le grand public a presque toujours l'image du résistant qui se cache, qui sabote. Sans voir que certains résistants, tels que René Gosse et sa famille par exemple, ont eu un mode d'implication qui est fondamental. Pour structurer un réseau, le faire vivre... À ce titre, ils ont tout autant leur place dans notre Panthéon, que ceux qui ont pris les armes".