Les députés ont adopté jeudi un texte visant à "professionnaliser l'enseignement de la danse hip-hop", une preuve de "reconnaissance" envers les professeurs, selon ses auteures. Mais de nombreux acteurs de la discipline sont vent debout contre cette loi. À Grenoble, le collectif d'associations CNous se mobilise.
Soutenue par la ministre de la Culture Rachida Dati, la proposition de loi visant à "professionnaliser l'enseignement de la danse" a été adoptée ce jeudi à l'Assemblée nationale par 36 voix contre 6, et ira au Sénat. Fabienne Colboc (Renaissance), co-rapporteure avec la LR Véronique Bazin-Legras, a défendu un texte "de reconnaissance" pour les professeurs. Mais pour nombre d’entre eux, cette loi revient à uniformiser la discipline.
Sélection sociale
Estelle Beck, diplômée d'une école de jazz, enseigne la danse jazz mais elle est aussi prof autodidacte de house dance, l'un des multiples courants des danses hip-hop qu'elle promeut notamment auprès des femmes. "Le hip-hop, c’est quand même une danse populaire qui vient des rues, c’est une culture libre et c’est contestataire, c’est au-delà de toute forme académique," défend-elle.
Elle a rejoint le collectif CNous, un centre ressource qui regroupe un réseau de compagnies et de structures associatives et fait rayonner les danses urbaines dans l'agglomération grenobloise, mais aussi à Chambéry. Pour ces acteurs, imposer un Bac + 3 payant à leur enseignement, risque d'exclure certaines classes sociales, et notamment ceux qui ont contribué au rayonnement de cette culture : "Il y a vraiment des virtuoses de la danse qui ne pourront plus accéder à des danses académiques parce qu’ils n’en auront pas les moyens financiers" nous dit Estelle qui juge cette loi est excluante et discriminatoire.
Depuis son importation en France dans les années 80, les adeptes de la discipline ont bâti un système de transmission qui s’est fait principalement dans la rue puis dans les MJC.
"Ça va empêcher la diversité culturelle"
"Le bénéfice de la communauté hip-hop, c’est qu’elle a la particularité de rassembler pour partager le pot commun qu’est le hip-hop que ce soit au niveau de la musique, au niveau artistique et tout le monde s’y retrouve. On crée alors une ligne, tout le monde est aligné," explique Kamel Laziz, enseignant et danseur de break dance.
L'entrée de la discipline phare, le breaking aux Jeux olympiques de Paris cet été, cache une contre-culture qui se décline en de multiples styles (hype, krump, poping, ou locking) et donne lieu à des "battles" souvent spectaculaires. Encadrer ces pratiques pour des enjeux de sécurité risque de les institutionnaliser.
"Nous ce que l’on demande, c’est un soutien des collectivités qui nous entourent et pas l’inverse, en fait ce diplôme d’Etat, c’est une mainmise de l’Etat, ça va empêcher la diversité culturelle", conclut Christèle Bernard, la présidente du collectif CNous.
Désormais, il faudra donc faire des études pour enseigner la danse hip-hop. Les sanctions sont lourdes pour les établissements mais aussi pour les enseignants qui, sans diplôme d'État, risqueraient 15 000 euros d'amende.