Grand format. AJA, une unité spéciale du CHU de Grenoble dédiée aux jeunes malades du cancer

Depuis 5 ans il existe en France des services dédiés aux jeunes malades du cancer. Ces adolescents et adultes de 15 à 25 ans, dont les pathologies sont très rares et les problématiques bien spécifiques. Au CHU de Grenoble, l'équipe AJA fait partie de ces services exceptionnels. 

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Tous les jeudis matin, l'équipe AJA se retrouve pour un "staff", une réunion au cours de laquelle tous les membres sont présents, psychologue, médecin, assistant social… C'est le moment où l'on évoque les nouveaux patients. Florence Delgado l'infirmière coordinatrice est la première à les rencontrer.

La plupart du temps, elle passe les voir dans leur chambre à l’hôpital. « Moi j'arrive en disant "on existe, on est l'équipe AJA, on s'occupe des 15-25 ans atteints de cancer", explique Florence Delgado. « Tu peux t'en saisir, ou pas, comme tu veux… Ca peut être maintenant, après les traitements, ou dans trois ans... »

Le jeudi l’équipe prend aussi du temps pour parler des patients qu’elle accompagne. C’est l’occasion d’échanger sur leur état de santé, leur état d’esprit et leurs problèmes. Johanna Carducci la psychologue conseille qu’un des jeunes rentre un peu chez lui pour souffler entre les traitements.

Florence Delgado explique qu’un autre a du mal à aller en cours. "Je lui ai dit "montre ta motivation à l'école, à la prof principale. Tu vas en cours, quand tu es fatigué tu vas à l'infirmerie. Mais va en cours".

Tous les patients de l'équipe AJA sont malades du cancer. Ils ont un autre point commun, ils sont adolescents ou jeunes adultes. La prise en charge qu'ils trouvent ici est très spécifique, du sur-mesure. Seuls huit services de ce type existent en France.

« Dans la durée ce sont des patients qui ont des suivis très lourds, très concentrés à un moment donné, mais ce sont des one-shot... Nous on intervient pendant les moments de calme » explique le Dr Leila Gofti-Laroche, médecin épidémiologue de l'équipe AJA.

En 2010, au moment du second Plan Cancer, l'INC, l'Institut National du cancer a lancé un appel d'offre pour améliorer la prise en charge des 15-25 ans. C'est ainsi que le service AJA a été créé tout à côté de l'Hôpital couple-enfant du CHU de Grenoble...

L’unité AJA a été pionnière dans de nombreux domaines. Elle a tout de suite donné une grande place au sport, à l’approche psycho-sociale et aux soins de support.

Chaque patient possède un chéquier avec plusieurs séances offertes. Sophrologie, réflexologie, ostéopathie…

Reportages Céline Aubert, Florine Ehbbah, Yves-Marie Glo, Jean-Christophe Solari, Frédéric Cathelain, Jean-Pierre Ardito, Eric Achard, Laetitia Di Bin :

Episode 1 : les soins de support


Le sport fait partie du traitement

Dès sa création, l'équipe AJA a inclu le sport dans son programme. Une petite révolution à l'époque, car l'Activité Physique Adaptée n'a fait son entrée que très récemment dans la prévention et le traitement des cancers.

"L'objectif de ma prise en charge c'est vraiment de les amener à pratiquer quelque chose de régulier, qui leur plaise », explique Sandra Biniek, la Coordinatrice Activité Physique adaptée d’AJA, « qu'ils aient envie de faire à long terme et pas de les contraindre à pratiquer une activité physique juste parce que c'est bon pour la santé..."

C'est le principe de l'Activité Physique Adaptée, inciter les patients à adopter un mode de vie plus actif. Pour beaucoup de ces jeunes, le sport est une béquille, une façon de s'évader d'une réalité difficile, une force pour lutter contre la maladie.

Si les sorties sont l'occasion de changer d'air, l'essentiel du suivi se fait à l'hôpital... mais aussi à la maison, grâce à une idée très originale. Une application téléchargeable sur smart phone ou tablette. 

Episode 2 : le sport 
Intervenants : Gaetan, patient AJA; Sandra Biniek, coordinatrice Activité Physique adaptée, membre de l'équipe AJA; Mehmet, patient AJA; Lou-Anna, patiente AJA

Pendant la chimiothérapie impossible de faire du sport. Mais quelques jours après une séance, les patients peuvent venir s'entraîner. Endurance et renforcement musculaire, le programme est adapté au profil et à l'état de santé du malade.  

Depuis 2016, les médecins peuvent prescrire une Activité physique aux patients atteints de maladies longue durée. Et pour cause, le sport réduirait les rechutes de 30% à 50%. 

Le cancer des jeunes, une maladie rare


Le travail de l’équipe AJA, c’est également d’être présent aux côtés des familles. Une maman attend son fils de 18 ans qui passe au bloc pour un myélogramme, un examen de la moelle osseuse. Elle a passé des mois en réanimation à ses côtés. Depuis qu'il a été greffé, l'adolescent se porte beaucoup mieux.

"C'est vraiment notre travail de suivre les gens au quotidien », explique l’infirmière coordinatrice Florence Delgado, « de savoir comment ils vont, quels sont leurs états d'âme, c'est quelque chose de primordial, on est là avec eux et il faut qu'ils puissent compter sur nous"

C’est la journée type d’un membre de l’équipe AJA, passer d’une chambre à l’autre au CHU de Grenoble – La Tronche.

En fonction de leur âge, les patients AJA sont hospitalisés au CHU ou bien au service de pédiatrie de l'Hôpital Couple Enfant. Les cas restent peu fréquents. Soixante-dix nouveaux malades par an dans l'arc alpin.

Tumeurs osseuses, cérébrales et leucémie sont les cancers les plus courants chez l'adolescent et le jeune. Mais il s'agit de pathologies très rares et difficiles à soigner.

"Il n'y pas de maladie de l'adolescent, c'est soit une maladie de l'enfant qui arrive tardivement, soit une maladie d'adulte qui arrive un peu tôt... » détaille le Dr Séverine Bobillier-Chaumont, médecin en oncologie pédiatrique, et chef de service de l'équipe AJA .

« Parfois on va leur administrer le traitement pédiatrique mais ils vont moins bien le supporter, parce qu'ils sont plus âgés et qu'ils tolèrent moins bien les doses des enfants... (les traitements des enfants sont en effet plus lourds que ceux des adultes) « Les médicaments des adultes ils les tolèrent bien. Par contre ce sont des cas qui guérissent un peu moins bien..."

Les avancées de la médecine ont été spectaculaires pour les enfants et les adultes... Mais pour les 15-25 ans, le taux de guérison est plus bas, de l'ordre de 75%. Les expériences pilotes comme AJA sont nées de ce constat.

Malgré ces progrès, on voit quelques fois de jeunes malades partir aux Etats-Unis pour se faire soigner, à Seattle par exemple. Ce protocole arrive bientôt en France, à l'hôpital Necker à Paris. Ce type de thérapies ciblées représentent un grand espoir pour l'oncologie adulte et pédiatrique.

Episode 3 : Des pathologies rares 
Intervenants : Florence Delgado, infirmière coordinatrice de l'équipe AJA; maman d'un patient; Dr Séverine Bobillier-Chaumont, médecin en oncologie pédiatrique, chef de service de l'équipe AJA; Clément, patient AJA

Une approche psycho-sociale


L'approche psycho-sociale est une des particularités de l'équipe AJA. Bien connaître ses patients lui permet de mieux adapter le traitement à leur vie de jeune ou d'adolescent. Si le taux de guérison des 15-25 ans est plus bas que chez l'adulte et l'enfant, c'est aussi parce qu'ils ne se soignent pas toujours bien.

Dans l'intimité des bureaux de l'équipe AJA, Johanna Carducci la psychologue reçoit les jeunes malades. Elle propose systématiquement son aide aux patients, mais tous ne s'en emparent pas. Quelques fois le besoin se fait sentir après les traitements.

Pour ces professionnels, la prise en charge des 15-25 ans est passionnante mais aussi très sensible.  

"Il y a une fonte musculaire, ils perdent leurs cheveux, leurs poils, ils perdent du poids ou au contraire ils gonflent à cause des corticoïdes, » explique Johann Carducci. « A l'adolescence on se construit au niveau de l'identité, et là on voit bien que la maladie va venir prendre le contrepied de tout cela, et attaquer le processus d'autonomisation..." ajoute-t-elle.

Autre exemple, le suivi scolaire. Pendant leurs périodes d'hospitalisation, les patients peuvent continuer à suivre leurs cours, et passer des examens. C'est le principe de l'Ecole à l'hôpital. Mais L'équipe AJA va plus loin, elle se rend aussi dans la classe du jeune malade pour expliquer ce qu'est le cancer et préparer son retour. 

Enfin dans l'accompagnement proposé par l'équipe AJA, l'assistant social joue un rôle central.

Anthony Durand peut être d'une aide précieuse pour assurer un revenu aux familles, ou aux jeunes patients qui étaient dans la vie active. Il facilite certaines démarches administratives, le remboursement des perruques notamment, accessoire indispensable pour les jeunes femmes. Elles peuvent coûter entre 600 et 3.000 euros. 

Aujourd'hui Anthony accompagne une jeune patiente à l'ADIJ, une association dédiée à la jeunesse. La jeune femme aimerait s'orienter vers le social, les enfants et l'environnement. Un projet professionnel qui s'est dessiné au fil de leurs conversations.

"Je suis vraiment content qu'il puissent avancer et commencer à se projeter sur l'après, parce qu'il y a un après-cancer », confie Anthony, « c'est très enrichissant pour eux, et qu'ils se disent je ne suis pas seulement un malade, je suis une personne avec un avenir".

L'après-cancer est un enjeu de santé publique. Car ces jeunes vont vivre encore 50 voire 60 ans. Ils ont besoin d'avoir leur chance d'entrer dans la vie active, et de trouver leur place dans la société.

L'équipe AJA a aidé et accompagné près de 350 jeunes malades en cinq ans, dans les centres de soins publics comme privés dans tout l'arc alpin. Malgré ces bons résultats, son financement n'est pas acquis, et pourrait être remis en cause par de possibles coupes budgétaires de l'Etat.

Episode 4 : l'approche psycho-sociale

Intervenants : Johanna Carducci, psychologue de l'équipe AJA; Christelle, patiente AJA; Anthony Durand, assistant social de l'équipe AJA

 

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