En Auvergne-Rhône-Alpes, 30 000 fermes seront transmises dans un futur proche. Cependant, pour l’heure, seuls 3 000 candidats potentiels sont recensés, de quoi inquiéter les exploitants agricoles prochainement à la retraite.
Crise de vocation, défi financier, lourdeur administrative… Dans le milieu agricole, la relève est incertaine. Avec un ratio de dix cédants pour un candidat potentiel, les successeurs se font rares, ce qui inquiète Jody Baumann, un chef d’exploitation agricole basé en Isère. Âgé de 63 ans, il cherche un repreneur, quelqu’un de confiance à qui il pourra transmettre le travail de toute une vie. "Cela fait 25 ans que je travaille et j’y ai mis toutes mes tripes" confie-t-il, "c’est un projet qui me tient à cœur".
Pour mener à bien cette démarche, l’agriculteur fait appel à l’aide de la Chambre d’agriculture. Aymeric Bonseagu l’accompagne, conscient de l’enjeu d’une telle transmission : "Ils ne quittent pas juste un emploi et cela peut être terrifiant" explique le conseiller dédié à la transmission. Sans relève familiale, la transmission est plus complexe et Jordy Baumann se dit prêt à "faire deux, trois années de plus pour pouvoir mieux accompagner les porteurs de projet que de tout lâcher et qu’ils se cassent la figure au bout de six mois".
Pourtant, l’agriculteur isérois a un repreneur potentiel : Lucas, son employé depuis cinq ans. Ce dernier l’aide à s’occuper de ses 70 brebis et 140 cochons. Mais à seulement 23 ans, ce jeune professionnel n’a pas les capacités financières pour reprendre seul l’exploitation et va donc devoir s’associer. Trouver un collaborateur "pour la vie" est une tâche fastidieuse tant les candidats sont rares.
J’ai besoin de quelqu’un de sérieux, qui n’a pas peur de s’investir.
Lucas, salarié agricole
La Chambre d’agriculture, "porte d’entrée principale dans le cadre d’installation agricole" accompagne un grand nombre de porteurs de projet. "On oriente les candidats, on les dirige vers des formations afin qu’ils soient performants au moment de l’installation" précise Aymeric Bonseagu qui ajoute qu’"on ne quitte pas une exploitation comme on prend sa retraite".
Nous cherchons quelqu’un qui pourrait reprendre l’exploitation et s’il n’a pas les compétences suffisantes, on l’accompagnera pour monter en compétence.
Aymeric Bonseagu, conseiller à la Chambre d'agriculture de l'Isère
Lucas, quant à lui, suit un parcours d’installation afin d’apprendre à devenir un chef d’exploitation.
Transmettre son exploitation, un acte qui se prépare
Afin d’éviter les échecs en matière de transmission agricole, la Chambre d’agriculture recommande d’anticiper les démarches et organise régulièrement des formations. "En Auvergne-Rhône-Alpes, presque la moitié des agriculteurs ont 55 ans ou plus" explique Marion Canaud, formatrice qui ajoute que "dans les années à venir, de très nombreux professionnels partiront à la retraite, mais leurs exploitations ne sont pas forcément en adéquation avec les projets des nouveaux agriculteurs".
Malgré le manque de perspectives, certains osent prendre la relève. Fanny et Jean-Baptiste Camerlynck ont repris une exploitation laitière située dans le Vercors il y a près d’un an. "On a plus de charge mentale qu’en étant salarié" affirme l’agriculteur qui présente son quotidien comme un "défi". Le couple a investi 450 000 euros dans ce projet, dont un quart est subventionné par des fonds régionaux et européens. En Auvergne-Rhône-Alpes, 30 000 fermes seront bientôt transmises mais pour l’heure, seuls 3 000 candidats potentiels sont recensés.