REPORTAGE. Coronavirus Covid-19 : à quelques heures du confinement général, mon drôle de voyage entre Grenoble et Nantes

Comme le reste de la population, nous autres journalistes sommes enfermés à la maison, obligés de travailler à distance. Juste avant le confinement général, l’une de nos journalistes est rentrée en train dans sa région. Une journée entière de galères et de stress qu’elle nous raconte.

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C'est le genre de journées dont je me rappellerai encore quand j'aurai 85 ans. Quand mes petits-enfants me demanderont comment était la vie au temps du coronavirus. Ce jour-là, mon périple en train de Grenoble à Nantes occupera une place de choix dans mon récit. Tout du moins les nombreuses anecdotes que j'en retire, les plus belles comme les plus désagréables.

Lundi 16 mars, je prends des billets de train en date du lendemain, direction mon pays nantais natal. Et sentant venir la ruée sur les transports, je m'en occupe avant l'allocution du chef de l'Etat à 20 heures. Je fais bien car le soir-même, il ne restait plus aucune place.

Deux grosses valises pleines de vêtements, une sacoche avec un ordinateur portable pour le télétravail et mon sac à main. Me voilà parée à voyager, sans oublier mon attestation sur l'honneur. Comme je n'ai pas d'imprimante, je l'écris sur papier libre, comme suggéré par le ministre de l'Intérieur.
 


Pour mon cas, et sans rentrer dans les détails, il s'agit d'un "motif familial impérieux". Le tout griffonné sur du papier recyclé avec une grosse fleur dessinée au dos. Heureusement que je n'ai pas été contrôlée.

Enfin, me voilà partie vers la gare de Grenoble. Vais-je y trouver une cohue monstrueuse ? Un bâtiment désert, presque angoissant ? Arrivée sur place, je constate que l'ambiance y est quasiment normale. Seuls les agents portant des masques me rappellent la crise sanitaire que le pays traverse.

 

Premier voyage (presque) normal


Je monte dans mon TER en direction de Lyon. A l'intérieur, il y a plus de valises que de voyageurs, des rangées de sièges entières étant occupées par des bagages. Dans mon wagon, une petite foule de voyageurs inquiets discute avec la contrôleuse pour savoir si leur voyage est maintenu. Cette panique générale me questionne un peu. N'ayant pas reçu de message d'annulation de mon TGV qui part de Lyon, je lui demande s'il y a lieu de s'inquiéter.
 

"Vous savez, c'est un peu la panique aujourd'hui. Il y a des annulations, des retards... Seulement les agents peuvent vous renseigner sur la situation", me répond-elle.


Oubliée ma confiance en l'application SNCF. Mais j'ai de la chance, tous mes trains circulent. Ce n'est pas le cas de mon voisin qui, lui, va jusqu'à Caen rejoindre sa conjointe. La discussion s'amorce dans le wagon, chacun racontant comment il a atterri ici.
 

"J'ai su ça ce matin au bureau. A 9 heures j'étais en réunion et j'apprenais que mon entreprise fermait. A 9h30 je devais prendre le premier train vers Lyon", me raconte un voyageur. Malgré cette situation inédite, tout le monde semble serein.

On peut dire que je suis une habituée du trajet ferroviaire Nantes-Grenoble. J'ai dû le faire plusieurs dizaines de fois, tous les week-ends parfois quand je vivais encore entre ma ville natale et ma ville d'adoption. Mais jamais je n'avais autant discuté avec mes voisins. Ca me fait même chaud au coeur quand certains, qui ne se connaissaient pas quelques minutes auparavant, s'organisent pour faire du covoiturage face à la galère des transports.

 

Vous avez dit "gestes barrière" ?


Un petit moment de flottement vite oublié aussitôt arrivée en gare de Lyon Part-Dieu. Il est 10h14, nous sommes à moins de deux heures du début du confinement général. La plupart des voyageurs, jeunes ou vieux, portent un masque, les autres se couvrent le visage avec une écharpe ou une cagoule, tout le monde se bouscule dans les escaliers, certains renversent mes valises... Bref, je veux fuir au plus vite.

Il faudra attendre une petite demie-heure avant que mon TGV vers Nantes n'arrive. Et sur le quai, la situation se dégrade. Tout le monde joue des coudes pour se retrouver le plus près possible du bord du quai quand le train arrivera. Tous les voyageurs ne pourront pas rentrer, j'en suis presque certaine.
 

Par chance, une porte se trouve juste devant moi au moment où le train s'arrête. Je sens que ma place suscite toutes les convoitises et me dépêche d'entrer. Mes deux grosses valises trouvent difficilement leur place dans un compartiment à bagages. Mais pour ma part, le voyage se fera debout, dans un couloir.

Et soudain, un vent de panique. "Mesdames et Messieurs, notre TGV à destination de Nantes va partir. Prenez garde à la fermeture automatique des portes, attention au départ." Par une fenêtre du premier étage, je vois que des dizaines de personnes font encore la queue sur le quai sans arriver à rentrer. En bas, des valises bloquent l'accès des voyageurs. Les gens hurlent, poussent, des personnes âgées se retrouvent prises dans le mouvement de foule.

Un agent SNCF intervient pour faire rentrer ceux qui le peuvent encore, les autres resteront sur le quai. Résultat : le train est bondé. Je n'ai pas de place assise attribuée, tout comme l'essentiel de mes (nombreux) compagnons de galère dans le couloir entre deux wagons. Inutile de préciser que les gestes barrière et autres mesures sanitaires ne sont plus qu'un lointain souvenir.

 

Enfin arrivée


Quelques petites heures plus tard, me voici enfin arrivée dans la capitale du Grand Ouest. Reste juste un dernier tram-train à attraper pour rejoindre mon village en pleine campagne. Une fois passée la cohue de la sortie du TGV, je me promène brièvement dans une gare fantôme. J'attrape rapidement ma dernière correspondance et là aussi, je suis presque seule.
 

Enfin, me voilà rentrée au domicile familial où je vais passer deux semaines. Je repense à tous ces inconnus que j'ai croisés, toutes ces personnes à qui je me suis retrouvée collée dans le train. Donc pas de bise en arrivant et une distance de sécurité avec mes proches pour les prochains jours.

Je suis stressée, j'ai mal partout, mais je suis consciente de ma chance d'arriver à bon port. Je salue mon chat qui va devoir me supporter pour au moins une quatorzaine de jours. Et la seule récompense que j'aurai après toutes ces épreuves, c'est un regard plein de dédain, symbolisant toute l'ingratitude du félin.
 

 
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