Une photographe sillonne depuis l'automne dernier le quartier des Eaux-Claires, à Grenoble, pour faire le portrait de ses habitants. Une trentaine de clichés au total, qui seront présentés dans un livret et une exposition, lors d'une grande fête à l'automne 2024. Avis aux amateurs : Stéphanie Nelson est toujours en quête de modèles.
Raconter à travers une exposition photographique la vie de tout un quartier : c'est le projet de Stéphanie Nelson, qui parcourt le quartier des Eaux-Claires à Grenoble (Isère). La photographe s'est lancée dans cette aventure à l'automne 2023. Elle part à la rencontre des habitants du quartier, dont beaucoup se sont rapidement portés volontaires.
Entrer dans l'intimité des gens
Parmi eux, il y a la famille Causse-Priolet dont les cinq membres posent assis sur un grand canapé rouge, dans le salon de leur maison. Comme une "photographe ambulante", selon ses propres mots, Stéphanie Nelson, elle-même habitante du quartier depuis vingt ans, cherche en effet à provoquer la rencontre avec ses modèles d'un jour. "Il faut rebondir sur ce qui est en train de se passer. Entre eux, il se passe quelque chose et je veux capturer ça plutôt que de leur demander des poses", explique-t-elle. "La photo est la conclusion d’une rencontre et pas un point de départ."
La photo est la conclusion d’une rencontre et pas un point de départ.
Stéphanie NelsonPhotographe
À l'intérieur de leur maison, la famille se prête de bonne grâce à l'exercice de la photographie en intérieur. Un vrai studio a été recréé par Stéphanie, qui s'est demandé "pourquoi j'aménageais ça comme ça, avec des flashs, et pas en naturel. Et je me dis que c'est pour amener de la lumière."
Marilène Causse-Priolet s'est portée volontaire pour servir de modèle dès qu'elle a eu connaissance du projet. "Ce n'est pas gênant, on connaît beaucoup de personnes. Surtout, je languis de voir les photos, l’expo, toutes les rencontres que va faire Stéphanie, des personnes qu’on ne connaît pas et qu’on va découvrir pendant l’exposition", se réjouit-elle d'avance.
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Recréer du lien entre les habitants
Avec ce projet de longue haleine, Stéphanie Nelson cherche en effet à ranimer un lien social et à faire se rencontrer les habitants des Eaux-Claires. La photographe souhaite "interroger ce qui nous lie, parce que même dans le quartier, on ressent qu'on est entre soi, et moin je veux faire des projets qui bousculent. La solidarité, la fraternité, c'est des mots un peu grands, mais ça donne envie de rêver, de voir si ça tient entre nous", détaille-t-elle. "Ça m'a fait chaud au cœur."
Elle recueille également des témoignages, qui seront réunis avec les photos dans un livret : "On ne va pas faire une révolution, ou dire que ce quartier est meilleur que les autres quartiers de Grenoble. Mais je me rends compte que des gens racontent des choses très fortes. De belles histoires comme celle de cette dame a pu finir sa vie chez elle grâce à la solidarité de ses voisins, et pas de sa famille. Ça m'a bouleversée."
Des anecdotes que les habitants pourront se raconter lors de l'exposition présentée en extérieur pendant une grande fête organisée à l'automne 2024. "Rue aux enfants, rue pour tous, c'est entre la fête des voisins et une fête de quartier", se réjouit Pascale Yvetot. Celle qui habite le quartier depuis vingt ans, est aussi directrice du Café des enfants, le lieu où seront exposées les photographies.
"Avec le confinement, on avait tous pris un petit coup derrière la tête, et vraiment, les relations sociales en avaient pâti. Je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose pour créer du lien", se rappelle-t-elle. "On s’est aperçu que c’était devenu difficile de remobiliser les gens, et qu’entre toutes les générations aussi, c’est hyper important pour les enfants de côtoyer les personnes âgées et inversement."
Parmi les personnes rencontrées, Nicole Balmat vient d'ailleurs de fêter son 86e anniversaire. Elle habite les Eaux-Claires depuis 56 ans et ne quitterait le quartier pour rien au monde. "Je ne partirais pas ailleurs, je suis trop bien. C'est un sacré projet, cette exposition. Dans la rue, des fois, des personnes, je ne connais pas leur nom, et on se fait constamment des sourires", déclare-t-elle.
L'idée, c'est de "sortir ces gens de l’anonymat, que ce soit des figures du quartier ou d’autres, de les mettre en lumière. Et peut-être, on l’espère, créer de relations de proximité entre elles après l’exposition. Ce serait chouette que ce lien perdure, et que ne dure pas seulement le temps de l’exposition", espère Pascale Yvetot.
Stéphanie Nelson vise une trentaine de portraits au total et reste en quête de modèles : "Il est possible de contacter le café des enfants, une première rencontre est organisée avec Pascale, puis je prends contact avec les volontaires", conclut Stéphanie Nelson, qui compte bien faire circuler son exposition dans plusieurs lieux de la métropole grenobloise.