Témoignage. Laurence Cottet : "On a honte d'en parler, on a honte de dire qu'on a été alcoolique"

Publié le Mis à jour le Écrit par CT/CB/MD/SM

Ex alcoolique, Laurence Cottet accompagne aujourd'hui d'autres personnes dans leur combat en intervenant notamment au sein du service addictologie du CHU de Grenoble. Forte de son expérience, sa seconde vie est tournée vers les autres. Devenue patiente-experte, elle témoigne de cette renaissance.

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Laurence Cottet est une ancienne alcoolique qui a connu la descente aux enfers avant de reprendre sa vie en main. Cette ex-cadre dans le BTP pouvait, jusqu'en 2009, boire deux à trois bouteilles de vin par jour avant qu'un événement majeur ne lui serve d'électrochoc. Aujourd'hui, elle permet à d'autres de bénéficier de son expérience au sein du service d'addictologie du CHU de Grenoble comme patiente experte. Invitée d'Ensemble c'est mieux sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, elle a parlé de son parcours et répondu aux questions de Carinne Teyssandier.

Est-ce que la parole du patient est encore plus importante en cas d'addictologie ? 
Je pense que oui, parce que les pathologies addictives restent difficiles et compliquées à aborder. Tout simplement parce qu'on a honte d'en parler, on a honte de dire qu'on a été alcoolique. Le regard de la société est encore soit interrogatif, soit négatif. Donc, quand vous avez un patient expert qui s'en est sorti, j'ai cette chance, automatiquement la parole est beaucoup plus acceptée dans ce type de maladie.
 
Il faut forcément Pour être guéri de sa pathologie pour devenir patient expert ?
Alors "guéri" n’est peut-être pas le terme qu'on utilise, on va dire "stabiliser". Mais, c'est clair qu'il faut avoir énormément de recul par rapport à sa maladie. En ce qui me concerne, je n'ai plus touché à un verre d'alcool depuis 10 ans. Je suis rétablie, donc j'ai suffisamment de recul par rapport à ma maladie. Par contre, je reste toujours très vigilante. Ça me permet, grâce à ce recul, d'être beaucoup plus à l'écoute des histoires des autres. On a cette légitimité du "nous", moi j'ai maintenant cette chance de pouvoir travailler avec une équipe d'addictologie. Je remercie l'équipe qui est à Grenoble avec le professeur Maurice Dematteis. Cette équipe m'a acceptée. Et quand je leur explique que tel patient n'est pas capable encore de les entendre, j’ai cette légitimité du vécu.
 
Quelle est votre histoire ?
L'histoire elle est épouvantable. Heureusement, vous allez retenir après celle que je suis devenue. J’ai commencé à beaucoup trop boire quand j’avais une vingtaine d’années. J'étais très sportive. J'ai continué à boire avec des amis, après au boulot et j’ai continué, jusqu’au jour où j’ai 48 ans. J’ai un très beau poste, je suis cadre supérieure chez Vinci (le groupe mondial de BTP). Malheureusement, le 23 janvier 2009, c'est le pas de côté de trop. Je tombe ivre morte à la cérémonie des vœux. Vous perdez en une fraction de seconde votre dignité, votre travail, vos amis, mais ce n’étaient pas tellement des amis… vous perdez tout. À ce moment-là, le déclic se produit. Trois jours plus tard, je me fais licencier, mais finalement c'est le plus beau jour de ma vie. Je vais enfin rencontrer un médecin qui va me dire : "Madame, ça n'est pas de votre faute, vous êtes tout simplement malade". On ne me l’avait jamais dit.
 
Pourquoi cela a tout changé ?
Je ne me sens plus jugée. Je me sens prise pris en compte comme une patiente. Enfin, je vais déculpabiliser, je vais me soigner et je suis aujourd’hui debout.
 
Aujourd’hui, vous êtes surtout à la croisée des chemins entre les patients et les soignants.
Exactement, moi j'explique aux patients les difficultés du parcours des soins et je leur explique qu’ils peuvent y arriver. Donc j'essaie de leur donner de l'énergie et de l'espoir. J’explique aux soignants : "vous savez, untel n’est pas capable de vous écouter parce qu'il n'est pas prêt, le déclic ne s’est pas encore produit". C’est merveilleux comme expérience et cette expérience est devenue une expertise. C’est le patient expert.
 
Patient expert, c’est un terme plutôt récent en France, n’est-ce pas ?
Oui, en France c'est assez récent. Par contre, on a la chance d'avoir une université des patients qui a été créée en 2009 par le Professeur Catherine Tourette. J'ai cette chance d'avoir suivi ses cours. J’ai plutôt choisi le parcours universitaire, j’ai deux DU (diplôme universitaire) : un en addiction, un autre en éducation thérapeutique. C’est en train de monter en puissance. Moi, je parle des addictions, mais cela touche toutes les maladies chroniques et je tiens quand même à rappeler qu’un tiers de la population en France souffre d'une maladie chronique. C’est énorme. Cela donne des possibilités, je pense au diabète, je pense au cancer, je pense au VIH… de se soigner et, après, de faire ce nouveau métier qui va monter en puissance et qui est passionnant.
  
C'est un message hyper positif !
Se sortir d'une drogue, c'est extrêmement dur parce qu’on rechute, un peu comme vous pouvez tomber par terre lors d’un combat. C'est plein d'embûches. Après, c'est une question de volonté parce qu'une fois qu'on est sevré, la volonté se remet en marche et on y arrive ! En période de confinement, c’est d'autant plus compliqué. Ça joue également pour tous les malades qui souffrent d'une addiction. Comment fait-on pour se procurer le produit ? Il faut se faire suivre en visioconférence avec les addictologues qui heureusement continuent leurs consultations. On se fixe un défi.
 
Aujourd'hui, vous avez un partenariat qui vous tient vraiment à cœur.
C’est gentil de me permettre d’en parler. Vous l’avez compris, je suis tombée au fond du trou dans le BTP. En 2019, la fondation du BTP et la mutuelle du BTP qui sont basées à Lyon m'appellent. Ils m'avaient entendue sur une radio. Ils me disent : "voilà, on voudrait mettre en place un concept qui s'appelle Déclic Addiction, on voudrait que vous nous aidiez à casser les tabous des drogues au travail et que vous nous aidiez à mettre en place ce concept. On vous choisit comme marraine".
 
Quelle victoire !
C’est la plus belle reconnaissance. Ça me permet de me battre de nouveau, de trouver ma place dans la société à l'aube de mes 60 ans. Beaucoup de choses restent à faire et Déclic Addiction, c'est tout un cursus de formation. Il est dédié aux chefs d'entreprise, aux préventeurs et aux salariés. On tend la main à une personne qui a un problème avec l'alcool, on n'attend pas qu'elle s'effondre et on l'accompagne sur le chemin des soins. J’ai cette chance de porter ce projet, donc je suis comblée.

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