Témoignage. "Ma fille n'est pas une terroriste", les proches de Coline Fay, emprisonnée au Sénégal, exigent sa libération

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Les proches de Coline Fay exigent sa libération immédiate. La jeune Grenobloise est emprisonnée au Sénégal après avoir été arrêtée lors d'une manifestation de soutien au principal opposant du chef d'Etat sénégalais. ©France 3 Alpes / JC. Solari - D. Semet - M. Ducret
Publié le Mis à jour le Écrit par Cécile MathyJean-Christophe Solari et AFP

Coline Fay, jeune kinésithérapeute de 26 ans, est emprisonnée au Sénégal depuis un mois. La Grenobloise a été interpellée à Dakar après avoir participé pacifiquement à une manifestation en faveur d'Ousmane Sonko, le principal opposant au président actuel du Sénégal. Ses proches, inquiets, demandent sa libération immédiate.

Il y a un mois jour pour jour, le couperet tombait sur la famille de Coline Fay. La jeune femme était interpellée et incarcérée au Sénégal. Son tort : avoir participé à une manifestation de soutien à Ousmane Sonko, le principal opposant de l'actuel président sénégalais, Macky Sall.

Depuis le 17 novembre, cette kinésithérapeute de 26 ans est détenue dans une prison pour femmes "avec un matelas pour deux", confient ses proches.

Elle a mené une grève de la faim pendant douze jours, "parce qu'elle a vécu son arrestation comme quelque chose de complètement injuste et elle n'avait que cela pour protester", raconte Véronique, sa mère.

"On était persuadés qu'une fois qu'elle aurait été vue par le juge, elle allait être libérée", poursuit cette habitante de Claix, les larmes aux yeux.

Poursuivie pour complot contre l'Etat

Mais la situation a empiré, puisque Coline Fay est désormais poursuivie pour "association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste", "complot contre l'autorité de l'Etat", "acte ou manœuvre de nature à compromettre la sécurité publique".

"Ma fille, ce n'est pas une terroriste, elle n'allait pas faire un coup d'Etat. C'est disproportionné", se désole Jean-Yves Fay.

"Cela nous semble complètement démesuré", poursuit sa mère. "Si elle n'encourait pas la perpétuité pour des chefs d'accusation comme ça, on pourrait en rire parce que ça semble complètement infondé".

Coline Fay est partie travailler au Sénégal dans un centre pour femmes enceintes. Militante écologiste et défenseuse des droits de l'Homme, elle s'était engagée avec Extinction Rebellion lors de ses études en Espagne. Mais ses proches assurent qu'elle est une militante pacifiste.

"Une affaire politique et internationale"

"C'est vraiment un pilier, pour elle, de toujours se mobiliser de façon non-violente", indique son frère Antonin. "Toutes les organisations auxquelles elle a pu participer, ce sont toujours des organisations non violentes. Je pense que c'est vraiment un point essentiel pour elle, pour pouvoir s'engager dans la lutte".

"Ça a toujours été une limite. On en a beaucoup parlé entre nous, toujours des choses non-violentes et sans dégradations. Même les actions qu'elle a accomplies avec Extinction Rebellion notamment, il n'y a jamais de dégradations ou de choses graves", confirme Véronique.

Les parents de la jeune femme disent vivre "des montagnes russes" émotionnelles.

"Des fois, on se dit 'non elle ne risque rien, le consulat va la voir, ça va bien se passer, c'est juste une histoire de temps' et puis, après on se dit... un mois, deux mois, trois mois... un matelas pour deux, l'hygiène, on ne sait pas... Donc, parfois, c'est un peu dur", raconte Jean-Yves Fay.

Les membres de la famille de la jeune kinésithérapeute ont sollicité les élus de leur commune, les députés et sénateurs de la région. Le consulat de France au Sénégal et le ministère des Affaires étrangères ont pris en main le dossier.

Mais, pour les proches de Coline Fay, la situation n'évolue pas assez rapidement. Ils ont donc appelé à un rassemblement ce samedi 16 novembre à Grenoble pour demander publiquement la "libération immédiate" de leur fille.

"C'est quand même une affaire politique et internationale", disent-ils. "Il faut que ça remonte jusqu'au gouvernement et jusqu'à la présidence".

"Free Coline" scandé lors d'un rassemblement à Grenoble

Environ 150 personnes ont répondu à leur appel à se rassembler dans le centre-ville de Grenoble, derrière une banderole "Free Coline" (Libérez Coline).

La jeune femme a été arrêtée à l'issue de la manifestation pacifiste devant la Cour Suprême à Dakar qui demandait la libération d'Ousmane Sonko.

Elle portait un bracelet aux couleurs de l'opposant politique au pouvoir en place au Sénégal. Dans les rues de Grenoble, des sympathisants d'Ousmane Sonko ont fait de même pour apporter leur soutien à la jeune kinésithérapeute.

"Aujourd'hui, on n'a plus le droit de porter un bracelet, on n'a plus le droit de s'exprimer sur les réseaux sociaux, de dire ce que l'on pense parce que l'on peut être arrêté pour ces raisons-là", relate Fatoumata, une Sénégalaise.

"Des personnes restent pendant neuf mois ou plus en prison, pour rien, et on les accuse de terrorisme", dit-elle.

Un contexte de "tensions politiques" et de "dérives autoritaires" au Sénégal

À Dakar, les autorités n'ont pas donné suite aux sollicitations de l'AFP sur les conditions de son arrestation et ce qui lui est reproché.

Dans une lettre adressée au Quai d'Orsay, deux députés, l'écologiste Aurélien Taché et l'Insoumise Sophia Chikirou, et l'avocat de Coline Fay, affirment que son arrestation "s'inscrit dans un climat de tension politique au Sénégal" et "de dérives autoritaires exercées par le régime de Dakar, sous la présidence de Macky Sall, envers les voix dissidentes et les mouvements populaires, notamment ceux associés à l'opposition politique menée par Ousmane Sonko".

L'avocat de Coline Fay, Juan Branco, est aussi celui d'Ousmane Sonko, actuellement emprisonné.

Déclaré coupable en juin de débauche de mineure et condamné à deux ans de prison ferme, il a été écroué fin juillet sous d'autres chefs d'inculpation, dont appel à l'insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l'Etat.

Ousmane Sonko dénonce dans toutes ces affaires un complot pour l'empêcher de participer à la présidentielle de février 2024, ce que le pouvoir dément.

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