Hervé Gaschignard, évêque démissionnaire d’Aire-et-Dax dans les Landes, a été nommé curé d'une paroisse près de Grenoble, début septembre. Une nouvelle qui a ému certains fidèles, tous informés qu'il avait fait l'objet d'une enquête classée sans suite pour des "gestes inappropriés". Deux nouvelles plaintes viennent d'être déposées à son encontre.
Son arrivée a provoqué émoi et questionnements chez certains fidèles. Hervé Gaschignard, ancien évêque, a été nommé curé de la paroisse de La Croix de Belledonne, non loin de Grenoble, le 1er septembre, selon une première information de nos confrères de France Bleu Isère.
L'annonce est parue dans la revue paroissiale "Chemins" dans laquelle le nouveau curé ne cache pas les accusations dont il a fait l'objet.
"Oui, j’ai été accusé de geste déplacé en mars 2017", dit-il d'entrée dans cette interview, ajoutant que "cette accusation a été classée sans suite" la même année. "J'avais démissionné de ma charge d’évêque par obéissance et sous la pression d’un contexte fortement émotionnel et médiatique", déclare encore Hervé Gaschignard dans la revue paroissiale.
Alors qu'il était évêque d'Aire et Dax, en 2017, une famille a adressé un signalement à la Congrégation pour la doctrine de la foi, un département chargé notamment des plaintes contre des prêtres pour abus sexuels. La famille a été reçue par l'archevêque de Bordeaux, tout comme deux responsables du diocèse de Dax qui lui ont rapporté des paroles et gestes "déplacés" vis-à-vis des jeunes. L'affaire a alors été transmise à la justice qui a ouvert une enquête.
"Caresses sur la cuisse" et "bisou volé"
L'association landaise de lutte contre la pédophilie Colosse aux pieds d'argile indiquait à France 3 Occitanie avoir reçu les témoignages d'enfants révélant des gestes et propos inappropriés. "Il n'y a pas eu d'agression sexuelle. Ce sont des caresses sur la cuisse, un bisou volé sur la joue", expliquait Sébastien Boueilh, le président de l'association, après avoir reçu les confessions d'une jeune fille.
Hervé Gaschignard aurait demandé à un autre garçon "le nombre de masturbations par jour, s'il avait regardé des films pornos homosexuels, s'il avait des pratiques sexuelles avec sa petite copine", ajoutait le président de l'association.
Ces investigations ont été classées sans suite par le parquet de Dax. Si le procureur évoquait, dans un rapport cité par France Bleu Gascogne, des "attitudes et des paroles totalement inappropriées", ces faits ne relevaient d'aucune qualification juridique. Mais cette affaire largement médiatisée a fait resurgir de précédentes suspicions intervenues en 2011, alors qu'Hervé Gaschignard était évêque auxiliaire de Toulouse.
Quatre encadrants d'un pèlerinage avaient écrit à l'archevêque pour signaler l'étrange proximité physique entre l'évêque auxiliaire et les adolescents. La justice avait ouvert une enquête, également classée sans suite par le parquet faute de cadre pénal.
Deux plaintes déposées
Après cet épisode judiciaire et sa démission, Hervé Gaschignard évoque "une vraie traversée du désert". C'est alors qu'il a été contacté par Mgr Guy de Kerimel, l’évêque de Grenoble, lui demandant de venir "pallier l'absence d’un prêtre gravement malade".
Il a reçu, pendant six ans, diverses missions au sein du diocèse Grenoble-Vienne avant d'être nommé curé de la paroisse de La Croix de Belledonne. "J’ai accepté cette mission, tout en demandant que le père Karel reste pour suivre toute la pastorale des jeunes", assure-t-il auprès de la revue "Chemins", ce que confirme le diocèse selon qui le curé assurera toutes sortes de missions pour lesquelles il "n'est pas disqualifié."
"La distance éducative et relationnelle, attendue d'un adulte, n’a pas été juste en plusieurs circonstances, ayant causé l'étonnement ou ayant scandalisé certains jeunes, qui s'en sont fait l'écho auprès de leurs parents", convient le diocèse de Grenoble dans un communiqué.
Mais cette nouvelle nomination a provoqué la colère de quatre familles en Loire-Atlantique, d'où est originaire Hervé Gaschignard. Celles-ci affirment, dans une enquête de Médiacités Nantes, que l'homme aurait eu des "gestes inappropriés" envers plusieurs adolescents au cours d'un pèlerinage familial à l'été 2001.
Le père de l'une de ces jeunes confie notamment au média d'investigation avoir vu "la main du père longuement posée sur les fesses d’une de (ses) ados". Deux familles ont ainsi déposé plainte et deux autres vont suivre, bien que ces faits se heurtent à la prescription, rapporte Médiacités.
"Je ne lui accorde pas une pleine confiance"
Le diocèse de Grenoble confirme avoir été informé de ces nouvelles plaintes et rappelle les "sanctions" appliquées par l'Eglise catholique. "Notre devoir d'hommes, de citoyens et de chrétiens, est aussi de ne pas condamner quelqu'un à une mort sociale, définitive, et de pouvoir lui donner les moyens de se sentir utile" en tant que "prêtre 'de base', rendant service en paroisse", juge-t-il.
"Cela me choque que cette plainte intervienne aujourd'hui", s'étonne Jeanne*, une habituée de la paroisse de La Croix de Belledonne, se disant toutefois rassurée que "l'Eglise ne lui accorde pas une confiance aveugle". "On a été bien informés de ses antécédents", assure-t-elle.
Tous les fidèles interrogés par France 3 Alpes reconnaissent que la nomination du curé a fait du bruit. "J'attends de voir. Je ne lui accorde pas une pleine confiance", tempère Jeanne qui, comme Michel*, prône le pardon. "On a affaire à un homme qui a probablement eu des maladresses dans sa vie mais il n'a été condamné par personne, hormis par une cabale dont il a souffert", estime le fidèle de 85 ans, très impliqué dans la vie de la paroisse, décrivant un homme "extrêmement intelligent, bon et riche de foi".
"Je crois que certaines personnes préfèrent craindre plutôt que de voir les choses", avance Michel. Le diocèse indique pour sa part qu'Hervé Gaschignard conservera sa fonction "tant que la justice civile n'aura pas fait d'éventuelles avancées sur ce dossier."
*Les personnes interrogées ont souhaité rester anonymes.
[Mise à jour le 13 novembre 2023]
Dans un courrier adressé à France 3, l'avocat d'Hervé Gaschignard affirme que son client "conteste fermement les faits qui lui sont reprochés [dans le cadre des deux plaintes déposées en juillet 2023, NDLR], de la même manière qu'il a toujours contesté les faits qui lui ont été reprochés par le passé."
Contacté par téléphone, le conseil de M. Gaschignard a indiqué que ni lui ni son client ne souhaitait accorder d'interview à ce sujet, rappelant que les faits dénoncés sont prescrits.