Eviers, portes, radiateurs, issus de l'ancien centre de recherche de l'armée, sont en vente à La Tronche. Avant la démolition des bâtiments, Eco'Mat38 valorise ce qui peut l'être pour éviter de jeter ce qui est exploitable à la poubelle. Une initiative que la métropole souhaite systématiser.
"C'est la caverne d'Ali Baba ici !", s'exclame Marc devant les montagnes de néons, de radiateurs, de laine de verre, ou encore d'étagères et de sanitaires exposés dans la "Batitec", un magasin éphémère de vente de matériaux d'occasion sur le site de l'ancien centre de recherche des santés des armées à La Tronche, dans la métropole grenobloise.
Marc aménage un local pour les éclaireurs de l'église protestante. "Il y a plein de matériaux de déconstruction qui vont nous être très précieux pour faire un bel équipement à prix extrêmement réduit", ajoute-t-il, "c'est dix à vingt fois moins cher que le neuf".
"C'est de la récup', c'est tout bénéf'"
Un paradis de la récupération dans lequel David et Altan sont, eux, venus chercher du matériel de laboratoire. David doit équiper les nouveaux locaux de son entreprise de biotechnologie et cherche notamment des "paillasses", des plans de travail de laboratoires. "C'est une très belle opportunité", se réjouit Altan, "une paillasse comme celle-ci coûte plus de 300 euros et là, elle coûte moins de 100 euros, c'est tout bénéf', c'est de la récup' et on ne gaspille pas". Les deux hommes repartiront également avec des armoires.
Mandatés par la métropole grenobloise -via la société Eiffage responsable du chantier- les salariés de l'association Eco'Mat38 démontent, trient et exposent des tonnes de matériaux qui seraient autrement jetés à la poubelle. "Il faut vraiment que ce genre d'initiatives se développe parce qu'il y a tellement de choses qu'on peut réutiliser", commente Alice Bausseron. "Là, on démonte du cuivre des gros disjoncteurs qu'on ne peut pas réutiliser mais le cuivre, lui, aura une seconde vie", d'autant que "tout est en très bon état", d'après la jeune femme.
Un lavabo best-seller
Certains éviers de laboratoire se sont d'ailleurs vendus "comme des petits pains", "un best-seller", s'étonne un peu Bruno Jalabert, co-directeur de l'association Aplomb, dont Eco'Mat38 est une branche.
Tout vient de quatre des bâtiments de l'ancien centre de recherche des santés des armées, auparavant l'ancien hôpital militaire de Grenoble. Des bâtiments voués à disparaître pour laisser place à un nouveau quartier dit "du cadran solaire". Grâce au réemploi, l'association espère valoriser 15 à 20% des 900 tonnes de matériaux considérés comme déchets. "Une porte peut servir de porte mais elle peut aussi servir de bureau par exemple", indique Bruno Jalabert.
Repenser la manière de construire pour favoriser le réemploi
"Tout ce qu'on ne vendra pas sur site, on le ramène sur notre plateforme et ça nous laisse un peu plus de temps pour vendre et essayer de trouver un exutoire à ces matériaux", explique-t-il. Actuellement, la "Batitec" propose des matériaux et des équipements du second oeuvre. Dans la deuxième phase du chantier, l'association récupérera les tuiles et les bois de charpente. "Sur le futur projet, on va en faire des aménagements paysagers".
Reste que beaucoup d'éléments vont partir à la benne : "des vmc, des fenêtres, des produits qui ont des normes réglementaires qui évoluent très vite". "Il faut réfléchir à de nouveaux modes de construction pour penser au réemploi", continue Bruno Jalabert. "Sur ce site comme sur beaucoup d'autres, on a des kilomètres de faux plafonds. Leur seule issue aujourd'hui c'est l'enfouissement. Il y a donc un enjeu à essayer de trouver une nouvelle utilisation de manière à faire des économies de carbone et d'énergie sur l'ensemble du circuit du bâtiment".
Porteuse du projet, Grenoble Alpes Métropole veut systématiser le réemploi sur les chantiers publics à l'avenir. Le site du cadran solaire est la première expérimentation de ce type. Les élus réfléchissent à des lieux de stockage de matériaux et d'équipements ainsi démontés, pour qu'ils puissent être revendus d'occasion.
Le recyclage n'est pas la panacée
Car pour Lionel Coiffard, vice-président en charge des déchets, l'incinération, l'enfouissement, le recyclage par broyage ou compostage, ont leurs limites.
L'incinération, par exemple, n'est pas synonyme de zéro déchet : "on a 20% de résiduel, 20% de cendres : une grande partie de mâchefer qui peut être utilisé dans le sous-bassement des routes, mais on ne veut plus artificialiser les sols. Il y a aussi 5% de résidus d'épuration des fumées d'incinération", une concentration de métaux lourds qui finit pour l'instant dans des mines de sel en Allemagne. "Que fera-t-on quand on ne pourra plus les emmener en Allemagne ?", s'interroge Lionel Coiffard.
"Arrêtons de détruire car détruire coûte de l'énergie et du transport et à un certain moment on ne pourra plus le faire parce que ça coûtera trop cher". "On veut donc massifier cette solution du réemploi".
La grande braderie du chantier du cadran solaire à La Tronche se déroule tous les vendredis et les samedis jusqu'au 17 juillet.