Treize prévenus comparaissent à partir de lundi pour le cyberharcèlement de l'adolescente Mila après sa vidéo très critique envers l'islam. La jeune iséroise n'a pas caché son agacement au moment de leur témoignage.
"J'ai pas réfléchi et j'ai tweeté comme ça". Poursuivis pour le cyberharcèlement de l'adolescente Mila, treize prévenus se succèdent à la barre du tribunal correctionnel de Paris lundi 21 juin. Tous ont assuré ne pas avoir réalisé qu'ils participaient à un "raid" numérique visant la jeune iséroise.
Le 16 novembre dernier, Lauren G., étudiante en licence d'anglais de 21 ans, écrivait sur son compte Twitter : "que quelqu'un lui broie le crâne par pitié". Elle réagissait à la nouvelle vidéo très critique envers l'islam, devenue virale, publiée par Mila. Cela dix mois après un premier post dans lequel elle qualifiait cette religion "de merde". Ses propos ont déclenché des milliers de menaces de mort. Elle vit depuis sous protection policière.
Les prévenus, âgés de 18 à 30 ans, pour la plupart sans antécédents judiciaires, comparaissent pour harcèlement, parfois accompagné de menaces. A la barre du tribunal correctionnel, Lauren G. se fait tout de suite reprendre par le président Michaël Humbert, qui lui rappelle un "rituel" judiciaire : parler distinctement dans le micro. "C'est vrai que c'est plus facile sur Twitter", tacle le magistrat. Sans se décontenancer, l'étudiante, qui se définit comme athée, convient avoir posté le message mais nie les infractions de harcèlement et de menaces de mort qui lui sont reprochées.
"A chaud"
"J'en avais ras-le-bol de voir son prénom tout le temps dans mon fil d'actualité alors qu'elle ne m'intéresse pas", justifie Lauren G., pull ample, jean et baskets. "Sur le moment, j'étais pas au courant que (Mila) était harcelée. C'était stupide et j'aurais dû réfléchir". Au premier rang, Mila, veste blanche sur robe noire, cheveux bleu-vert coupés au carré, ne cache pas un certain agacement.
La jeune femme, qui doit être entendue en fin de journée, avait été victime d'une deuxième salve de messages haineux, appelant parfois à son assassinat, après avoir dit dans une vidéo le 14 novembre : "et dernière chose, surveillez votre pote Allah, s'il vous plaît. Parce que mes doigts dans son trou du cul, j'les ai toujours pas sortis".
"Malheureusement, j'ai réagi. Ça a tourné sur Twitter, c'était en TT", en "Top Tweet", explicite dans son costume bleu sombre Enzo C., 22 ans. Le jeune homme a écrit en novembre : "Tu mérites de te faire égorger sale grosse pute", avant de supprimer son message. "J'ai réagi à chaud, j'ai dit n'importe quoi (...) Il faut toujours réfléchir avant de tweeter", admet le prévenu, chrétien pratiquant. Plaidant la "bêtise", "un peu honteux" et "forcément un peu inquiet" pour son avenir rêvé en ambulancier, il tient à "présenter (ses) excuses" à Mila. "J'espère que tu pourras reprendre ta vie normale".
"Blasphème"
Axel G., 19 ans, athée, dit aussi avoir réagi "à chaud", "en colère" après les propos de Mila qu'il estimait "racistes". "C'était du blasphème et rien d'autre", juge le jeune homme en T-shirt et baskets. A l'époque, cet intérimaire de la région toulousaine était "sans emploi, sans permis". "Renfermé sur (lui)-même", il était "beaucoup" sur les réseaux sociaux. "Aujourd'hui, je vais mieux", affirme-t-il.
Face à "une petite musique de fond" qui s'installe, le président du tribunal questionne l'un des prévenus : "Est-ce qu'on est moins responsable d'une chose qu'on fait sans réfléchir ?"
"Au moment où vous écrivez votre message, vous êtes lucide", demande Michaël Humbert à une autre prévenue, Alyssa K., étudiante en licence humanité de 20 ans, en service civique dans une mairie et musulmane. Cette dernière affirme qu'elle n'avait pas conscience de la connotation menaçante de son message.
"Donc quand vous dites 'qu'elle crève', pour vous ce n'est pas menaçant ?", répète le président. "Et bien c'est très dangereux de laisser un téléphone portable dans les mains d'une personne comme vous". Devant l'émoi et l'embarras de la jeune prévenue, le magistrat reprend : "Si cette audience pouvait servir à une seule chose, c'est comment communiquer dans une société parfaite". Les prévenus encourent jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Fin du procès mardi.