Législatives 2022. "C'est malheureux mais le plus pratique, ça reste la voiture" : comment le manque de transports en commun pénalise les habitants du Nord-Isère

REPORTAGE. Pour se rendre au travail ou aller faire les courses, la voiture n'est pas une option pour nombre d'habitants du Nord-Isère. Beaucoup déplorent l'absence de transports en commun, notamment pour se rendre dans la toute proche la métropole lyonnaise. Un projet de tramway est à l'étude, suscitant de grands espoirs. Nous nous sommes rendus à Crémieu dans le cadre de notre série spéciale "Législatives 2022".

La cité médiévale fourmille. Sous la halle historique de Crémieu, vaste bâtiment du XVe siècle, des dizaines de clients marchent au pas le long des stands. Le marché du mercredi matin draine toujours son flot d'habitants. Des habitués qui viennent, pour l'essentiel, des communes rurales environnantes. Pour preuve, les places de stationnement prises d'assaut tout autour de la place du marché.

"On n'a pas d’autre solution dans le secteur", soupire Yves, 80 ans, qui habite à une dizaine de kilomètres de là. "C'est malheureux mais le plus pratique, ça reste la voiture." Pour aller au marché, au travail ou faire ses courses, le problème reste le même. Le manque de transports en commun est une problématique majeure de la sixième circonscription de l'Isère, territoire du nord du département qui court de Villette-d'Anthon aux Avenières et de Ruy-Montceau à Montalieu-Vercieu.

"Pour les enfants, s’ils veulent faire des activités extra-scolaires qu’il n’y a pas dans notre commune, on est obligés de prendre la voiture. Ou ils ne font rien", regrette Alexandra. La mère de famille se rappelle d'une "lueur d'espoir" quand Cendra Motin (Renaissance) a été élue députée de la circonscription en 2017. "Je lui ai parlé des problèmes de transports en commun et il ne s’est rien passé. C’est un peu décourageant", dit-elle.

"Pas d'alternative"

Dans ce territoire, à la fois rural et à proximité immédiate de la métropole lyonnaise, plus de 87 % des actifs prennent leur voiture chaque matin pour se rendre sur leur lieu de travail, près de 20 points au-dessus de la moyenne nationale, selon l'Insee. La gare la plus proche est à Bourgoin-Jallieu, à une vingtaine de minutes de Crémieu. Et les dessertes de bus sont peu fréquentes, voire inexistantes dans certaines communes.

"Je me suis déjà demandée comment je pourrais faire pour ne plus aller au travail en voiture, pour une question d'empreinte écologique. Mais il n'y a pas d'alternative", explique Sandra qui habite Trept et travaille à Bourgoin-Jallieu. Les déplacements en voiture semblent davantage relever de la contrainte que du choix sur ce territoire où vivent principalement des actifs en emploi.

Cette problématique promet de devenir plus centrale encore dans les années à venir. La circonscription gagne rapidement des habitants, c'est même l'un des territoires les plus dynamiques en Isère. Les villes s'étendent tandis que les lotissements fleurissent çà et là. Nombre de ces nouveaux résidents arrivent de la métropole lyonnaise où ils continuent de travailler. Alors que les embouteillages en périphérie de Lyon allongent sans cesse les temps de trajet, des usagers se mobilisent pour demander le prolongement d'une ligne de tramway, la T3 dont le terminus actuel se trouve à Meyzieu (Rhône).

Un serpent de mer

L'association Lyon-Crémieu Parfer milite de longue date pour la mise en place de cette nouvelle ligne, ou plutôt la réhabilitation de l'équipement existant. Le chemin de fer court de Lyon vers Aoste (Isère) en passant par Crémieu. Construit en 1881, il est à l'abandon depuis plus de 70 ans. L'apogée de l'automobile a signé l'arrêt de mort de la ligne de transport de voyageurs après la Seconde Guerre mondiale.

"Nous sommes sur un des dossiers les plus importants pour notre territoire afin d’accompagner sa croissance démographique, développer son dynamisme économique et participer à la transition écologique pour le bien-être des habitants", écrivent les membres de l'association sur le site de celle-ci. Après des dizaines d'années passées à interpeller les élus, leurs doléances semblent avoir été entendues.

Le président de région Laurent Wauquiez (LR) a annoncé un vaste projet visant à améliorer les conditions de transport autour de Lyon. D'un coût total de 7 milliards d'euros, il comprend la modernisation de certains équipements, la mise en place de nouvelles lignes et un premier pas vers une liaison Lyon-Crémieu par rail. Une enquête publique va être lancée pour étudier la réouverture de ligne et la création de haltes ferroviaires, notamment à Reventin-Vaugris.

"C’est un gigantesque espoir pour tous les habitants de ce territoire", estime Laurent Wauquiez dans une vidéo d'annonce du projet. Pourtant, le dossier s'apparente à l'un des plus vieux serpents de mer régionaux. Il a fait l'objet de multiples changements de cap, la majorité régionale ayant annoncé vouloir mettre en place un bus à haut niveau de service (BHNS) sur cet itinéraire en 2019, comme le rapportait Le Progrès. Une solution moins onéreuse mais qui ne semblait pas convenir aux usagers en raison, notamment, d'un temps de trajet plus long.

Le tramway verra-t-il finalement le jour ? Les habitants sont nombreux à l'espérer, dans l'attente des prochaines élections législatives au cours desquelles ils souhaitent voir élire un député qui appuiera le projet.

Les propositions des candidats

Cinq candidats aux élections législatives dans la sixième circonscription de l'Isère ont débattu, ce dimanche 5 juin, dans l'émission Dimanche en politique sur France 3 Alpes. Voici leurs propositions, dans l'ordre de leur intervention lors du débat télévisé, pour améliorer la desserte des transports en commun :

Amélie Jullien, candidate Reconquête ! : "La priorité, c'est le transport scolaire. Il faut absolument le développer sur toute la circonscription, y compris dans les territoires très faiblement peuplés. Il faut que tous les enfants puissent se rendre dans leur établissement scolaire. Il faut améliorer le transport en commun sur tout le territoire, mais ce qui serait également intéressant, ce serait de développer des bus médicaux pour les personnes sans moyen de locomotion."

Nicole Finas-Fillon, candidate NUPES : "Le traim-train est un problème qui dure depuis 20 ans. Les élus du département et de la région se renvoient la balle régulièrement et cela n'a donc toujours pas avancé. (...) Il y a un énorme travail de maillage à faire sur ce territoire. Les élèves exclus d'un établissement scolaire ne pouvaient pas être rescolarisés dans un autre établissement scolaire puisqu'il n'y avait pas de bus, tout simplement."

Alexis Jolly, candidat Rassemblement national : "On peut se raconter toutes les histoires qu'on veut, mais les Français, ce qu'ils réclament, c'est le pouvoir d'utiliser leur voiture. Evidemment, on peut travailler sur les mobilités douces, les petites lignes de train, des bus à hydrogène... Mais c'est difficile d'inciter les gens à changer de voiture pour un véhicule électrique alors qu'ils n'ont que 5 euros pour boucler les fins de mois. Le plus important pour les Français et les habitants de cette circonscription, c'est de pouvoir aller travailler. Lorsque le prix du carburant est trop élevé, ils ne peuvent pas aller travailler."

Cendra Motin, candidate Renaissance, députée sortante : "Entre le Nord-Isère et Lyon, il y a énormément de trafic. Il faut que les élus locaux sortent enfin ce projet du tram-train, sur lequel l'Etat s'est engagé sur le co-financement de manière ferme. Les Français veulent, effectivement, continuer à rouler en voiture. Mais ils veulent rouler propre et rouler moins cher."

Annick Merle, candidate Les Républicains : "Depuis que nous sommes en majorité au département et à la Région, nous travaillons sur ce projet. Nous avons passé notre mandat dessus. (...) Toutes les études ont été faites et ce qu'il en ressort, c'est que le traim-train est la meilleure solution. Le président de la Région a validé le projet au mois d'avril."

Le débat est à retrouver en replay sur notre site internet.

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