"On jongle avec les fermetures" : dans cette station de ski, gérants et commerçants forcés de s'adapter au manque de neige

Le manque de neige a obligé la station du Col de Porte, témoin privilégié du réchauffement climatique en moyenne montagne, de diversifier ses activités. Commerçants et gérants ont appris, depuis ces dernières années, à gérer le manque de neige dans le massif de la Chartreuse.

Dotée d'un centre pionnier de recherches météo, la petite station du Col de Porte sur la commune de Sarcenas (Isère), à 1 300 mètres d'altitude, vit au quotidien ce qu'observent ses experts : une forte baisse de son enneigement, qui l'oblige à miser sur les activités hors ski pour survivre.

En cette matinée de début mars, quelques centimètres de poudreuse tombés pendant la nuit luisent sur les sapins et font la joie de skieurs et d'enfants venus dans ce petit massif préalpin, à quelques kilomètres de Grenoble. Du moins pour quelques heures. En fin de journée, une bonne partie du fin manteau a déjà fondu ou se mêle à la terre. "S'il n'y a plus de neige ici, on ira en Himalaya ?", s'inquiète une gamine à couettes venue faire de la luge avec des camarades.

Selon l'observatoire européen Copernicus, l'Europe a connu cet hiver une chaleur exceptionnelle avec des températures 3,3°C au-dessus des normales. Pour le Col de Porte, comme la plupart des stations de moyenne montagne, il s'agit de la deuxième année consécutive compliquée.

Une saison "mitigée"

Son petit domaine de ski alpin, dédié aux débutants, est à l'arrêt depuis près de trois semaines, ce qui lui a fait manquer la lucrative période des vacances de la zone A. Le ski nordique, qui occupe une importante partie de son espace au pied du sommet de Chamechaude, ne tourne qu'à l'extrême ralenti. Les gérants se sont même trouvés réduits à proposer des séances de biathlon "baskets aux pieds".

"La saison est assez mitigée, il faut bien le dire, parce qu'on n'a pas eu énormément de neige donc on est obligé de jongler avec les ouvertures et fermetures de remontées et avec le personnel", indique Didier Bic, exploitant du domaine alpin, ainsi que d'un gîte et d'un restaurant sur place.

Pour s'en sortir, il dit tirer parti de la "flexibilité" des employés dont plusieurs sur la dizaine qu'il emploie sont à leur compte ou bénéficient de dispositifs mis en place durant le Covid. "Financièrement, on arrive juste à équilibrer, c'est tout ce qu'on peut faire aujourd'hui", souligne-t-il.

38 cm en moins

Ironie du sort, le Col de Porte avait justement été choisi dès 1960 pour abriter l'une des premières stations de recherche dédiées à l'étude de la neige et du climat. "Observatoire exceptionnel" pour Météo France, il constitue "une référence en moyenne montagne, unique en Europe" et un témoin du changement climatique en montagne avec de très longues séries de données.

Celles-ci montrent que si les quantités de précipitations ont peu varié, l'enneigement moyen a diminué de 38 cm dans la station entre les périodes 1960-1990 et 1990-2020, soit 30 à 40 % de l'épaisseur moyenne observée dans les années 60, relate Léo Viallon Galinier, chercheur au Centre d'études de la neige de Météo-France.

"Avec l'augmentation des températures (+1°C), on est proche de la limite pluie-neige au Col de Porte et donc on a régulièrement des épisodes où on est entre la pluie et la neige. C'est peu propice à la constitution d'un manteau neigeux épais", résume-t-il.

Le beurre et les épinards

Le Col de Porte a au moins la chance de se trouver à moins de 20 km du vaste bassin de population de l'agglomération grenobloise. Ce qui permet de forts pics de fréquentation lorsque les conditions s'y prêtent.

"Cela demande une organisation très différente parce que la clientèle fluctue", explique Sébastien Roux, gérant d'un petit restaurant au pied des pistes. "Petit à petit on va sortir du ski de toute façon, vu qu'on n'a pas le choix", estime-t-il.

Etienne Rollin a co-fondé en 2017 l'Ecole de Porte, une Sarl qui propose une foison d'activités 4 saisons, allant de la fondue dans la neige au bivouac en montagne. L'intérêt d'une telle structure est de "permettre aux professionnels de se fixer sur le terrain, de vivre de leur activité", explique-t-il, se confessant toutefois encore "un petit peu inquiet pour la transition" en cours.

"Le maître-mot, c'est l'adaptation. Les gens qui viennent en moyenne montagne sont flexibles", affirme-t-il. L'objectif est que "la neige soit le beurre dans les épinards mais qu'elle ne soit pas les épinards." 

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