Témoignage. "J'ai eu la peur de ma vie" : le gardien du Châtelleret traumatisé par la crue, le refuge hors service

Publié le Écrit par Cécile Mathy

Un violent orage s'est abattu dans le massif des Écrins sur le flanc sud de la Meije, dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30 juillet. Une crue torrentielle a touché le refuge du Châtelleret, dans le vallon des Etançons (Isère). Une nuit d'effroi pour le gardien et pour ses clients. Les dégâts sont importants mais personne n'a été blessé.

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"On est extrêmement choqués, on a vécu des choses très dures avec mes deux aide-gardiens, voir un bâtiment comme ça où on passe cinq mois de l'année être touché, tout autour ravagé. J'ai eu la peur de ma vie".

Soixante heures après le violent orage de samedi soir, Charles Romero est encore sous le choc de cette nuit cauchemardesque. Le gardien du refuge du Châtelleret, sur les hauteurs de Saint-Christophe-en-Oisans, en Isère, a craint pour sa vie et pour celle de ses clients lorsque le torrent est sorti de son lit, à la suite d'un violent orage.

"Le bruit du torrent m'a réveillé vers 22h-22h30. On a l'habitude que le torrent varie en fonction des pluies. Il était gros mais pas plus que d'habitude", raconte-t-il.

Des blocs de pierre "gros comme un fourgon"

Mais la situation empire rapidement. "A partir de 23 heures, le torrent est devenu énorme, vraiment énorme, dix fois plus gros, par rapport à l'orage de l'an dernier", indique Charles Romero. En août 2022, la crue avait emporté des passerelles mais n'avait pas touché le refuge, situé dans l'Oisans, en dessous de la Meije.

"Vers 23h, ça a commencé à charrier des blocs énormes et, à un moment, j'ai vu un bloc gros comme un fourgon passer à côté du refuge et c'est là que j'ai appelé le PGHM pour demander une évacuation", poursuit Charles Romero. Les clients et ses deux aides sentent le refuge vibrer.

Mais l'hélicoptère du PGHM de l'Isère ne peut pas décoller, au vu des conditions météo. En attendant, le gardien et ses deux aides emmènent la vingtaine de clients sur une colline à proximité, sous la pluie. "J'avais l'impression que, dans le refuge, on n'était pas en sécurité", dit-il.

Trente minutes d'angoisse en pleine nuit

"Vers 23h30 - minuit, on était au plus haut de la crue, qui nous a tout emporté sur le côté du refuge. Ça a emporté des bouteilles de gaz, des fûts de bière, un groupe électrogène. Pendant trente minutes, le torrent était vraiment énorme à transporter des blocs énormes. Devant ma porte, j'ai un bloc de 200 kilos", constate le gardien qui vit ici, chaque saison estivale, à 2225 mètres d'altitude, depuis huit ans.

"L'an dernier, c'était bien moins inquiétant et bien moins stressant car c'était en journée. Là, c'était en pleine nuit, donc on ne voyait rien. Au-dessus de nous, il y a le refuge du Promontoire et l'an dernier la gardienne nous voyait à la jumelle, on savait que quelqu'un nous avait de visu. Alors que là, c'était en pleine nuit, tout le monde dormait, c'est aussi pour cela que c'était inquiétant", explique Charles Romero. 

Les randonneurs évacués par le PGHM

Les équipes du PGHM de Grenoble arrivent finalement à rejoindre le refuge un peu plus tard dans la nuit et évacuent cinq personnes par hélicoptère.

"On avait peur pour les randonneurs, qu'ils ne puissent pas redescendre à pied parce qu'on ne savait pas l'état du chemin. Du coup, ils ont évacué les personnes qui le souhaitaient, tous ceux qui avaient peur de rester là-haut. Et tous les randonneurs, car parmi eux, il y avait un enfant", indique le gardien. Les autres sont quasiment tous redescendus à pied le lendemain.

Aucun blessé grâce aux équipes du refuge

Grâce à son sang-froid et à celui de l'équipe du refuge, personne n'aura été blessé.

Au petit matin, Charles Romero n'a pu que constater les dégâts. Le bâtiment est debout mais les dommages sont importants, tout autour.

"A l'intérieur, il y a quinze centimètres de boue. Toute l'installation pour le fonctionnement du refuge est H.S. Donc, il y a de gros travaux à prévoir".

Le refuge du Châtelleret hors service

Le refuge du Châtelleret n'est donc plus gardé. Il conserve uniquement sa fonction première d'abri de secours, de refuge en cas de détresse mais ne peut plus accueillir de clients et fournir de prestations d'hôtellerie-restauration.

"L'adduction d'eau, la filière d'assainissement, ainsi que l'alimentation en énergie ont été très détériorées et ne permettent plus au bâtiment de fonctionner", indique la Fédération française des clubs alpins de montagne. 

"Tout le monde est en vie, c'est l'essentiel"

"On perd un mois et demi d'exploitation, et c'est un gros mois parce que c'est le mois d'août. On avait beaucoup de réservations pour les quinze prochains jours mais c'est un détail. Tout le monde est en vie, tout le monde est entier, c'est l'essentiel", dit Charles Romero qui se félicite que son enfant de deux ans et sa femme n'aient pas été présents.

"Je n'irai plus dormir là-haut"

Le traumatisme est immense pour celui qui a conscience d'avoir frôlé le pire. "Je n'irai plus dormir là-haut", assure-t-il. "Je m'inquiète beaucoup pour l'avenir. Les professionnels vont le dire, mais moi, j'ai peur qu'il y ait encore beaucoup de choses qui descendent, au prochain orage". 

"On ne se voit plus gardiens là-haut", continue-t-il.

"Cela fait 18 ans que je n'ai pas vécu un mois d'août, en bas, dans la vallée. Je vais profiter du mois d'août. On n'a qu'une envie, c'est de vider le refuge et penser à autre chose les quinze prochains jours", explique-t-il encore sonné par cette nuit d'effroi, depuis son village d'Aussois, en Savoie. 

L'accès au refuge du Promontoire rétabli

Travailleur indépendant, il devra attendre les expertises pour faire le point sur sa situation financière mais il se réjouit d'avoir pu trouver une place à ses deux aide-gardiens chez d'autres collègues qui tiennent des refuges.

Charles Romero tient à "remercier le PGHM d'être venu dans la nuit, la FFCAM d'être montée rapidement et le parc national des Ecrins d'être monté rapidement le lendemain pour voir les dégâts", dit-il, ainsi que "toutes les personnes qui nous ont écrit, pour nous soutenir"

D'après la FFCAM, l'accès au refuge du Promontoire, situé plus haut, a été rétabli par la rive droite.

"La passerelle des Cavales a pu être reposée dès le 30 juillet par des agents du secteur, aidés du PGHM afin de maintenir un accès au refuge du Promontoire pour les alpinistes à partir de la rive gauche", indiquait le parc national des Ecrins ce lundi 31 juillet sur son site internet. 

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