Témoignage. Née dans un camp de concentration, Mireille n'a jamais rien su de son enfance : "Je vivais dans un non-dit"

Publié le Écrit par Juliette Pommier et Jean-Christophe Solari

Mireille Méjean est née dans un camp de concentration en août 1944. Séparée de sa mère à la naissance, cette habitante de Villefontaine en Isère, a vécu une enfance très difficile, auprès d'un père mutique. C'est en fondant une famille et en rejoignant le monde associatif qu'elle a pu surmonter ce profond traumatisme.

Elle profite du moindre rayon de soleil pour embellir son jardin et en faire un endroit accueillant pour ses enfants et petits-enfants. Mireille Méjean, 79 ans, est une mamie gâteau, toujours prête à donner de l'affection, elle qui en a si peu reçu. Née dans le camp de concentration de Ceska Lipa, le 8 août 1944, en Tchécoslovaquie, elle n'a "jamais connu de la tendresse".

Ses parents se sont rencontrés à l'hôpital de Carpentras (Vaucluse). "Ils ont été faits prisonniers en même temps. Elle devait être enceinte à ce moment-là, ils devaient passer du courrier. Ils travaillaient tous les deux à l'hôpital de Carpentras. Lui, il était infirmier, il avait 20 ans. Elle, elle avait 10 ans de plus. Peut-être le coup de foudre, j'en sais rien."

"Mon père était muet comme une tombe"

Mireille n'a aucun souvenir de sa mère, dont elle a été séparée après la naissance. Son père la récupère, mais il la place aussitôt. "Je pense que quand il est sorti des camps, il était très malade. Il a dû me déposer chez quelqu'un, dans une famille pour que je ne parle que l'allemand."

Son père rétabli, elle rentre en France avec lui, et seulement deux papiers dans sa valise : son certificat de naissance et l'acte de reconnaissance de paternité. Remarié, son père n'évoque jamais les années 1939-1945 : "Il était muet comme une tombe."

Seule trace de sa petite enfance, deux "photos" données par son père : l'une de Mireille, l'autre de sa mère. Confisquées par sa belle-mère, et jamais retrouvées. La rescapée des camps grandit entre son foyer recomposé et la pension : "Je vivais dans un non dit". "

Dans les dortoirs, je pleurais, j’appelais ma maman. Et puis après ça me passait." À 13 ans, après le certificat d'étude, c'est l'usine.

Le devoir de mémoire doit "continuer"

Employée de boulangerie, agente de nettoyage industriel, ouvreuse de cinéma... Mireille travaille pour aider son père et sa belle-mère. Avec son mariage, elle accède à "l'indépendance" et à "la liberté". Le couple s'installe à Villefontaine, en Isère. De cette union, naissent trois enfants auxquels la retraitée a tout donné. “J’ai compensé", sourit-elle.

De sa jeunesse très pauvre, la bénévole aux Restos du Cœur conserve une sensibilité particulière pour les personnes démunies et immigrées. Et elle s'inquiète de la montée du nationalisme.

La retraitée craint que l'Europe de son petit-fils puisse ne plus être un sanctuaire épargné par les guerres. "Le devoir de mémoire, il faut continuer à le faire même si on n'est plus là."

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