A La Grave, le projet d'extension du téléphérique divise les habitants. Aménagement nécessaire pour certains, ce serait une perte d'identité pour d'autres qui craignent, à terme, une jonction avec les stations de l'Alpe d'Huez et des Deux Alpes, en Isère.
Une vue à couper le souffle. Depuis 40 ans, le téléphérique de La Grave ouvre à tous l'expérience de la montagne à 3 200 mètres d'altitude. Mais dans la station des Hautes-Alpes, fréquentée par les mordus d'alpinisme et de ski hors piste, un projet d'extension du téléphérique divise les habitants.
L'exploitant de la station veut remplacer le vieux téléski par un téléphérique accessible aux piétons. L'actuelle installation permet d'accéder à la gare des Ruillans, à 3 200 mètres d'altitude, depuis La Grave, par téléphérique. Puis un téléski prend le relais pour assurer, l'hiver, une liaison en direction du Dôme de la Lauze, à 3 500 mètres.
Le projet vise à construire un troisième tronçon de téléphérique pour faciliter l'accès au sommet et ainsi développer l'activité estivale, offrant au public contemplatif une vue imprenable sur le glacier de la Girose. Au village, certains habitants louent une opportunité de développement tandis que d'autres y voient un "engrenage" risquant de mener vers un plus vaste projet : "Grand Oisans". Dans les cartons depuis une trentaine d'années, il prévoit une liaison entre les stations de La Grave, l'Alpe d'Huez et les Deux Alpes, en Isère.
"On ne peut que supposer que la construction d'un troisième tronçon est l'arbre qui cache la forêt. Même si elle n'est pas prévue tout de suite, qui dit que cette liaison ne sera jamais faite ? Qui seront nos élus et nos dirigeants dans 10 ans ?", s'interroge Niels Martin, membre du collectif La Grave Autrement qui revendique quelque 800 adhérents.
La viabilité économique en question
Le collectif d'habitants, opposé à la construction d'un troisième tronçon du téléphérique, vient de financer une étude qui met en doute la viabilité économique de l'extension. Niels Martin, docteur en géographie du tourisme, craint que l'exploitant ait d'autres idées pour rentabiliser cet investissement de 11 millions d'euros. Surtout depuis que les stations de l'Alpe d'Huez et des Deux Alpes sont gérées par le même exploitant, la Sata. Et que l'exploitant de La Grave, la SATG, est lui-même sa filiale directe.
Face à ce super-projet de liaison, les membres du collectif craignent de voir leur station dissoute dans un vaste ensemble touristique qui effacerait son identité. Mais pour l'exploitant comme pour les élus, "Grand Oisans" n'est pas à l'ordre du jour. Rallonger le téléphérique est, pour eux, une modernisation nécessaire, permettant de démocratiser l'accès à la haute montagne. Et ainsi de conforter l'attractivité économique du secteur.
"Le remplacement du téléski, qui aujourd'hui a une motrice au fioul, par un téléporté, qui sera alimenté en électricité, c'est une division par cinq de l'énergie finale consommée. Ce n'est pas neutre, fait valoir David Le Guen, directeur commercial de la SATG. Et en termes de bilan carbone, avec cette opération, dans 15 ans, on émettra moins de gaz à effet de serre, construction comprise, que si on continue à exploiter le téléski en l'état. Environnementalement parlant, on va vers du mieux."
Moderniser les installations et se débarrasser du matériel vétuste. A La Grave, chacun convient que l'ancien téléski doit être retiré du site. Mais c'est bien l'avenir de cet aménagement qui alimente le débat. Faut-il construire un troisième tronçon de téléphérique pour faciliter l'accès au sommet ou se contenter de rénover le matériel existant ? Toujours est-il que les fonds ont été débloqués par les partenaires publics pour financer le projet.
Dans un avis rendu en mars 2022, l'autorité environnementale du ministère de la Transition écologique apporte toutefois un certain nombre de préconisations avant les travaux. La note évoque notamment la possibilité d'une hausse de la fréquentation sur le site et appelle à "la maîtrise, dans le temps, des différents flux de visiteurs et de leur sécurisation."