Et si ce XXIᵉ siècle était celui du plus léger que l'air ? Le premier envol réussi du ballon dirigeable "Lélio", mis au point par deux passionnés d'aéronautique, entend bien relancer ce débat vieux comme l'histoire de l'aviation. Avec un record de vitesse en ligne de mire, les pilotes veulent prouver que le transport en dirigeable est de retour.
"Est-ce que les dirigeables ont un avenir ? C'était une conviction profonde... Mais c'est aussi, désormais, une quasi-certitude".
À l’issue du premier vol réussi, ce mercredi 7 juin dans les cieux de Champs-près-Froges en Isère, de leur "bébé" plus léger que l'air, les deux "papas" réaffirmaient en ces termes, le moteur de leur foi dans le ballon dirigeable.
Chez Pieric Brenier, et Pierre Chabert, aucune nostalgie pour les zeppelins d'antan. S'il est toujours gonflé à l'hélium, c'est un ballon de toute nouvelle génération qui vient d'effectuer son premier vol, avec ses deux promoteurs aux commandes. Un rêve commencé, il y a une dizaine d'années maintenant.
Deux aventuriers du ballon
Le premier à penser à remettre le dirigeable au goût du XXIᵉ siècle, c'est Pierre Chabert. Aéronaute et touche-à-tout de l’aérien, il a imaginé dès 2012 un dirigeable ultra-performant en voyant voler les ballons éclairants de la société qu'il a fondée : Airstar. Est-ce l'illumination des chantiers, des festivals ou peut-être des plateaux de cinéma qui lui a donné l'idée de revenir à la magie du "plus léger que l'air" ? Toujours est-il qu'après une première expérience en dirigeable, en 2014 qui lui fait traverser la Manche dans les airs, il est plus que jamais convaincu de la validité de son projet.
Trois ans plus tard, au bénéfice de sa rencontre avec Pieric Brenier, le projet Lélio passe à la vitesse supérieure. À la tête du groupe Koesio, leader français des services numériques pour les PME et les collectivités, il se trouve que Pieric Brenier est aussi un aventurier dans l'âme. Raids au long cours à travers l'Afrique au volant de voiture, champion du monde 1997 de jet-ski, le chef d'entreprise est aussi passionné par tout ce qui vole. Avion, hélicoptère et, depuis sa rencontre avec Pierre Chabert, le ballon dirigeable !
50 mètres... magiques
"Ce qui était magique, ce n'était pas d'être 50 mètres au-dessus du sol pendant ce vol. Ce qui était magique, c'était d'être là grâce à ce dirigeable dont on rêve depuis tellement d'années".
Devant le parterre de sponsors et de spécialistes venus voir et entendre le récit de leur premier vol, les compères ont affiché une nouvelle fois leur complémentarité. Au chef d'entreprise, la communication, les grands desseins (à commencer par la future tentative pour battre le record du monde de vitesse en ballon, détenu depuis septembre 2004 par l'Américain Steve Fossett : 115 km/h). À l'aéronaute, les explications techniques.
"L’idée derrière ce record, c’était avant tout de montrer qu'on peut aller relativement vite avec peu d'énergie, et sans émission de CO2. C'est ce qui fait de nos chevaux électriques, [100 chevaux contre 600 chevaux thermiques pour Steve Fosset en 2004. NDLR], de bons chevaux ! On peut aller plus vite parce que Lélio a une forme très profilée, très étudiée. Son coefficient de pénétration dans l’air est de 0,055. C’est l'équivalent de celui d'une balle de fusil !"
Un résultat obtenu grâce à des années de recherche et développement. Et dont l'objectif avoué est, ni plus ni moins, de réhabiliter le dirigeable en le faisant entrer dans les solutions de transports du futur.
Cinq prochains siècles en ballon ?
À l’instar d'un roman futuriste signé Jules Vernes, le récit de ce premier vol de Lélio préfigure-t-il la façon dont nous nous déplacerons dans les siècles à venir ? Engagée au côté des deux pères du nouveau dirigeable, l'association "Transocéans" y croit dur comme... l'air !
Peu à peu délaissé au cours du XXe siècle, ce type d'aéronef pourrait, grâce aux innovations que la recherche actuelle peut lui apporter, rendre de grands services en matière de transports écoresponsables. Tous les efforts des entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes participant à l'aventure Lélio, sont allés dans ce sens.
Matières textiles de l’enveloppe, motorisation, stockage de l’énergie, aérodynamique, alliages employés pour construire sa structure : à chaque stade de fabrication du prototype qui a volé au-dessus des Alpes, mercredi dernier, c'est un défi pour minimiser l'impact carbone du transport qui a été recherché.
"C'est un projet innovant, certes... Mais c'est aussi une histoire humaine dingue", conclut Pieric Brenier.