Italie : comment le déplacement d'une heure de couvre feu a failli mettre le feu au gouvernement Draghi

La nuit du 27 au 28 avril dernier, il s'en est fallu de peu pour que le nouveau gouvernement Draghi soit, contre toute attente, mis en minorité à la chambre des députés. A cause des vaccinations trop lentes ? De l'économie qui flanche? Non: pour une petite heure de couvre-feu en moins !

 

 

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Du point de vue d'un français, les Italiens font partie des européens les plus chanceux en terme de couvre-feu nocturne. Alors que chez nous, à 19 heures, tout doit être plié dans les magasins autorisés des centres villes, chez nos voisins transalpins, l'extinction des feux n'est programmée qu'à partir de 22 heures.

Ce qui n'a pas empêché, Matteo Salvini, le leader de la "Lega", (l'ancienne Ligue du Nord défendant les intérêts des régions du nord contre le Sud italien, devenue vraie ligue d'extrême droite), de faire du déplacement à 23 heures du couvre-feu, un vrai cheval de bataille. 

Tout a commencé la semaine précédant le 25 avril, jour de fête de la libération de l'Italie du "nazi-fascisme" en 1945. La chambre des députés doit voter des mesures d'assouplissement du confinement décidé par le gouvernement. Les chiffres de contamination le permettant tout juste, Mario Draghi a décidé de libérer les terrasses des bars, des restaurants, les écoles, les cinémas, les théâtres, les déplacements entre les régions italiennes quasiment toutes en jaunes (risque de contamination modéré).

Difficile pour la Lega de voter contre : son électorat, fait de nombreux commercants, agriculteurs, professions libérales... ne le comprendrait pas. D'autant, que la Lega a décidé de se rallier à la figure de Mario Draghi, le nouveau président du Conseil. Alors, ni une, ni deux, Matteo Salvini fait passer la consigne de voter l'ensemble du paquet de mesures du gouvernement sauf... le decret qui était censé permettre l'ouverture des bars et restaurants jusqu'à 22 heures en terrasse.

 

Salvini/Draghi: la guerre du (couvre) feu

Et pour ceux qui n'auraient pas compris que pour exister, la Ligue de Salvini avait vraiment besoin d'en découdre, la voici qui lance, en plein dimanche de fête de la Libération, une pétition contre le couvre-feu. D'où la stupeur de tous les autres partis représentés dans ce gouvernement né du désir de jouer l'"Union Nationale" entre droite et gauche pour faire face à l'urgence Covid. 

"S'il s'agit pour la Ligue de dépasser les lignes rouges que nous avons fixé ensemble pour co-exister dans ce gouvernement", déclarait aussitôt Enrico Letta, le patron du Parti Démocratique de gauche, la dureté que nous afficherons sera à l'épreuve du diamant"! 

C'est vrai que la zizanie créée avec cette bataille lancée pour une heure de couvre-feu faisait mauvais genre, le jour même où le "Financial Times", désignait l'Ialie de Mario Draghi comme étant le modèle européen à suivre par Paris comme Berlin.

Mais de cela, Salvini, comme son ex alliée Giorgia Meloni du parti d'extrême extrême droite "Fratelli d'Italia" n'en ont cure. Comment exister sans faire de bruit ? Impossible pour la Lega de Salvini, représentée à l'intérieur même du gouvernement par plusieurs ministres, et non des moindres. Idem pour le parti de Meloni, resté quasiment seul hors de l'Union Sacrée autour du Capitaine Draghi.

Alors, c'est à qui fera entendre le mieux sa "voce grossa" (haussera le plus le ton) chez les deux partis populistes. Longtemps seule à rafler les voix des votes extrêmes, la Lega voit à chaque élection des grappes entières de son électorat traditionnel partir vers "Fratelli d'Italia". Et encore davantage depuis que son leader Giorgia Meloni s'est bien gardée de faire entrer ses troupes dans les ministères; préservant ainsi l'intégralité de sa liberté de parole. Pour dénoncer, façon Marine Le Pen, l'"incompétence du ministre de la Santé", "le manque de bon sens" des ministres de gauche du gouvernement... Et même proposer un couvre-feu une heure encore plus tard que son rival d'extrême droite : à minuit !

 

Couvre-feu: l'Italie parmis les plus permissives d'Europe

Inutile de dire aux deux dirigeants d'extrême droite de regarder la carte d'Europe des heures de couvre-feu pour les calmer. Hormis l'Espagne, qui l'a décrété, comme nos voisins suisses à 23 heures (sauf pour Madrid où la "Movida" peut durer bien après, encore et encore !) : Allemagne, 21 heures, belgique et Hollande 22 heures, Autriche, 20 heures... pour ne pas parler de la France : 19 heures; l'Italie est loin d'être la plus sévère en la matière !

Ce qui n'a pas empêché Mario Draghi de trembler lors du vote de la chambre des députés sur le fameux "Recovery plan", en bon italien, la manne de quelques 191,5 milliards d'euros dévolus par l'Europe à l'Italie pour faire repartir son économie (40 milliards seulement pour la France à titre de comparaison !).

A force de faire crier au (couvre) feu par ses troupes à l'intérieur du gouvernement, Matteo Salvini a provoqué une panique à droite. Entre les députés léghistes, fidèles aux harangues et voltes face de leur leader, les disciples désorientés et orphelins en ce moment d'un Silvio Berlusconi absent, les "Fratelli d'Ialia" de Meloni ne voulant pas paraître plus doux envers le gouvernement que leurs frères ennemis de la Ligue : le gouvernement n'a réussi à rester majoritaire sur son plan, qu'à quelques voix près !

"C'est la dernière fois qu'on vous laisse jouer comme ça avec le feu", a-t-on entendu dans l'hémicycle sur les bancs de la gauche à l'endroit de Salvini. Lequel s'est contenté de répondre par média interposé: "Nous si on dit que l'on est dans le gouvernement, on y est. Et comme on y est : on obtient des choses". Comme en écho à Mario Draghi, qui d'après le leader de la Ligue a fini par lâcher du leste sur le couvre feu. "Nous reverrons l'heure du couvre-feu à la mi-mai et le repousserons si les conditions sanitaires le permettent" a simplement déclaré le président du Conseil. Propos qu'il avait déjà tenu, presque au mot près, il y a une semaine... avant que n'éclate la "croisade" de l'extrême droite pour son "heure" de gloire... entre un couvre-feu actuel à 22 heures et un autre "rêvé" à 23 heures. Il est vrai qu'au rythme où va l'actualité politique en temps de pandémie, on peut en dire des choses, et leur contraire, en une heure de temps !

 

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