Depuis ce mardi 1er novembre, près de 4000 médecins ont pu réintégrer leurs services hospitaliers ou leurs cabinets de consultation alors qu’ils avaient été suspendus pour avoir refusé de se faire vacciner contre le covid-19. Une décision prise lors du premier Conseil des ministres de Giorgia Meloni qui a voulu marquer sa "discontinuité" avec la politique anti-covid de ses prédécesseurs.
En Italie, environ 4000 médecins (et toutes spécialités confondues environ 15000 professionnels hospitaliers) ont été suspendus de leurs fonctions pour avoir refusé de se vacciner contre le Covid.
Ils peuvent désormais, "immédiatement" réintégrer leurs services, au lieu d'attendre le 31 décembre prochain comme l'avait prévu l'ancien gouvernement dirigé par Mario Draghi. Une mesure justifiée par le nouveau ministre de la santé italien par "des carences de personnels hospitaliers qui obligent à garantir le droit à la santé pour tous".
Le Covid comme marqueur politique
Une décision qui se veut politique, comme le notent les observateurs de la presse transalpine. Seule contre tous les autres dirigeants de partis à avoir toujours refusé en bloc la politique anti-Covid mise en œuvre par les précédents gouvernements, Giorgia Meloni avait besoin d'envoyer à son électorat un signal fort de "discontinuité". Rien de mieux en la matière que la thématique du Covid, comme elle le rappelait elle-même pour justifier sa décision. "Le Covid était peu à peu devenu un thème de campagne électorale. Une idéologie qui ne nous a pas incités à prendre les bonnes mesures. Il suffisait de dire autre chose que la politique des gouvernements précédents pour être désigné comme des monstres".
Ce qui doit rester comme l'un des actes fondateurs du changement de politique de la nouvelle majorité ne pouvait évidemment que provoquer de fortes réactions. A commencer par celles de l'opposition. Et pas seulement de gauche.
"Un cadeau aux No Vax"
Le premier à réagir a été Enrico Letta, le secrétaire du PD (parti Démocratique de gauche). "Il était difficile de commencer plus mal qu'avec ce cadeau fait aux No Vax", a expliqué celui qui a fait ouvertement campagne pour le maintien de Mario Draghi à la tête de l'exécutif italien.
"C'est une offense à la très grande majorité des médecins responsables, et même une offense aux patients", a déclaré pour sa part le président de la région de Naples, Vincenzo De Luca, résumant à lui seul le sentiment des opposants à la politique sanitaire de Giorgia Meloni.
Mais même au sein de la nouvelle majorité, des voix dissonantes n'ont pas manqué de se faire entendre. "On aurait peut-être mieux fait d'attendre la fin de la suspension des médecins No Vax prévue pour le 31 décembre", a avancé Licia Ronzulli, le bras droit de Silvio Berlusconi au Sénat. "Cela aurait évité que la majorité silencieuse, qui a honoré sa blouse blanche en se vaccinant de façon responsable, se sente humiliée par la minorité braillarde des No Vax".
Un retour au travail difficile à organiser
Pour le président de l'ordre des médecins de la province de Cuneo, dans le piémont, le terme "humiliation" utilisé par Licia Ronzulli est sans doute un peu fort. "C'est vrai que dans les services où le personnel s'est fait vacciné à plus de 90%, certains ont pu ressentir un peu d'amertume devant cette décision. Mais, en même temps, elle ne devance que de deux mois le retour prévu par le précédent gouvernement."
Quoiqu'il en soit pour la quarantaine de médecins non vaccinés dans la province de Cuneo (sur plus de 3200 inscrits à l'ordre des médecins de la province) qui vont revenir dans leurs services hospitaliers, le retour risque d'être difficile. "Dans chaque agence sanitaire c'est aux médecins du travail que les décisions d'affectation de ces personnels va appartenir. L'état de santé de chaque personne doit être évalué et des solutions mises en place pour sa protection, au même titre que pour ses collègues vaccinés, qui peuvent lui transmettre malgré tout le Covid."
Réintégrations contre productives : pour la science et l'éducation
Des réactions moins conciliantes à l'égard des personnels "No Vax", le monde médical italien n'en manque pas. "Le message véhiculé par cette décision gouvernementale représente une amnistie anti-scientifique et anti éducative", a commenté le président de la fondation "Gimbe" pour la médecine.
"On devrait obliger tous ces médecins anti-vaccins, à suivre des leçons du type de celle que l'on fait passer à ceux qui perdent leurs permis de conduire. Un cours sur l'immunologie. Un autre sur la vaccination. Cela leur permettrait au moins de découvrir ce que veut dire le mot Science", a proposé pour sa part un célèbre virologue de l'université de Milan.
Une chose est certaine, en tous cas : le retour au travail des personnels non vaccinés se fera avec le masque sur le visage. Des indiscrétions parues dans la presse, ont prêté au nouveau ministre de la santé la volonté de supprimer l'obligation de le porter dans les hôpitaux et les maisons de retraite. Seule l'intervention du président de la République, alerté par les milieux médicaux aurait permis d'obliger le gouvernement à faire marche arrière. Une nouvelle preuve que l'ère du changement radical de politique est engagé chez nos voisins.