Manuela Gonzalez, une femme surnommée "la veuve noire de l'Isère" et accusée d'avoir tué son dernier mari, a clamé son innocence au cours de la première journée de son procès à Grenoble, se présentant comme une femme "comme tout le monde".
"Je continue à dire que je suis innocente des faits qui me sont reprochés et on sera là pour le démontrer", a déclaré d'une voix calme l'accusée, âgée de 53 ans. Petites lunettes rouges et cheveux bruns soigneusement tirés en arrière, l'ancienne monitrice d'auto-école, détenue depuis mars 2010, est apparue à l'audience vêtue d'un chemisier blanc et d'un foulard rose.
Manuela Gonzalez comparaît depuis ce lundi 14 avril au matin et jusqu'à vendredi pour l'assassinat de son mari, décédé dans des conditions qui rappellent étrangement l'intoxication de quatre autres de ses compagnons, dont deux avaient péri de mort violente. Passé qui lui vaut son surnom.
S'exprimant avec aplomb, cette femme s'est à plusieurs reprises définie comme "une personne comme tout le monde". "Je suis comme tout être humain qui travaille pour s'en sortir, pour payer ses dettes", a-t-elle dit.
Reportage Xavier Schmitt et Grégory Lespinasse
Une personnalité originale voire étrange"
Le psychologue Gérard Poussin a, au contraire, parlé d'une "personnalité originale voire étrange (...) très difficile à cerner". Qui "reste en partie une énigme", a-t-il dit à la barre, estimant que Mme Gonzalez essayait "de se présenter sous un jour favorable". Un enquêteur de personnalité a lui évoqué une "femme secrète et mystérieuse", présentant "deux personnalités distinctes et cloisonnées".
"Je n'ai pas de caractère secret (...) pas de carapace, rien du tout. Je suis moi-même", a rétorqué Mme Gonzalez d'un ton ferme, qui prenait des notes pendant les auditions des experts pour rectifier leurs "erreurs".
Elle comparaît pour le meurtre de son mari, Daniel Cano, la veille de la Toussaint 2008. Ce jour-là, vers 8 heures du matin, le corps calciné de ce chaudronnier de 58 ans avait été retrouvé sur la banquette arrière de son véhicule incendié, non loin de la maison familiale de Villard-Bonnot, dans la vallée du Grésivaudan.
On juge des faits précis, pas des faits prescrits"
L'enquête avait conclu à un incendie volontaire, les analyses toxicologiques révélant la présence de trois somnifères différents dans le sang de la victime. Au fil des perquisitions, les gendarmes avaient mis au jour des tensions au sein du couple formé par Daniel Cano et Manuela Gonzalez, adeptes des jeux d'argent.
En fouillant le passé de l'épouse, ils s'étaient en outre aperçus que quatre de ses précédents compagnons avaient eux aussi été victimes d'intoxications suspectes. Deux avaient été hospitalisés dans un état grave, deux autres étaient morts.
Ce passé trouble a occupé une large partie des débats lundi. Une enquête de personnalité de Mme Gonzalez, réalisée en 1991 dans le cadre de l'enquête sur la mort d'un de ses amants dans un incendie, a été lue à l'audience.
Une femme "peu stable"
Fille d'un père mineur de fond, mariée à 17 ans, Mme Gonzalez y était décrite comme une femme à la vie sentimentale "peu stable", ayant eu recours à la prostitution. En 1984, elle avait drogué un de ses amants bijoutier avant de lui dérober un chèque, ce qui lui avait valu une condamnation pour vol avec violence. Le bijoutier, tombé dans un coma profond, avait évoqué une "mésaventure qui aurait pu lui coûter (la) vie".
L'avocat de la défense, Me Ronald Gallo, s'est élevé contre cette utilisation du passé de sa cliente. "On est en train de refaire le procès qui n'a pas été fait. Aujourd'hui, on juge Mme Cano (Gonzalez) pour des faits précis, pas pour des faits prescrits!", s'est-il exclamé.
La mort d'un autre de ses amants en 1989 avait été considérée comme un suicide. Pour le suivant mort en 1991, Mme Gonzalez avait bénéficié d'un non-lieu. Cinquième d'une famille de huit enfants d'origine espagnole, elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le verdict est attendu vendredi.