L'équilibre économique des 7 aéroports d’Auvergne-Rhône-Alpes pose question

Sur toute la région Auvergne-Rhône-Alpes, on compte en tout 7 aéroports. Pourtant, à l’heure du réchauffement climatique, certains s’interrogent sur la pertinence de continuer à utiliser le trafic aérien, surtout pour des vols courts. D’autres y voient une solution pour désenclaver les territoires.

L’Auvergne-Rhône-Alpes est dotée de 7 aéroports : un aéroport régional à Lyon, un aéroport métropolitain à Clermond-Ferrand, deux aéroports de désenclavement à Aurillac et Le Puy-en-Velay, l’aéroport d'export de voyageurs de Saint-Etienne Bouthéon et deux aéroports d'import de voyageurs à Grenoble et Chambéry.

Le flux de passagers y est très différent. Par exemple, en 2019, à Clermont-Ferrand, le trafic est estimé à plus de 430 000 passagers, Chambery-Savoie Mont Blanc à plus de 200 000 et Aurillac à plus de 30 000. Chacun de ces aéroports bénéficie d'aides publiques provenant des collectivités territoriales. Aujourd'hui, il est difficile de déterminer précisément les subventions versées à chaque aéroport. Selon Actu-Environnement, l'aéroport de Clermont-Ferrand bénéficierait de 5 millions d'euros par an de subventions. Celui d'Aurillac, de 3,8 millions d'euros par an pour combler le déficit. En 2004, l'aéroport de Chambéry-Savoie Mont-Blanc a confié la gestion de l'aéroport à une société privé mais selon EELV (Europe Ecologie Les Verts), le département de la Savoie s'engageait à investir 16 millions d'euros. 

Dans un rapport la fédération nationale des associations d'usagers des transports dénonce ces subventions qui viennent éponger les pertes des plus petits aéroports. Aucun aéroport n'est bénéficiaire en dessous d'un million de passagers par an. Près de soixante d'entre eux n'atteignent pas ce seuil. Seuls 10 aéroports seraient rentables en France.

Un outil de désenclavement

Si les collectivités investissent dans ces aréoports, c’est que l’avion représente un gain de temps non négligeable. Sur quelques trajets, voici les comparaisons selon les modes de transport. 

Par exemple, entre Aurillac et Paris :

  • en voiture, il vous faudra plus de 6 heures 
  • en train, plus de 7 heures 
  • en avion, 1h30 

Prenons un autre exemple, entre Chambéry et Paris :

  • en voiture, il vous faudra 5h30
  • en train, 2h50 
  • en avion, 1h10

Malgré cela, certaines voix s’élèvent contre le recours à l’avion, en particulier pour des vols internes, et la question se pose également chez nos voisins européens. En Suède est né le "flygskam", qui signifie "la honte de voler". Ce mouvement s'est développé ces dernières années : des milliers de Suédois ont fait le choix d’arrêter de prendre l’avion. Au premier trimestre 2019, la Suède a enregistré une chute de 4.5% de voyageurs aériens et une baisse de la croissance des passagers à l’échelle européenne. Le gouvernement suédois a alors décidé de fermer l'aéroport de Bromma. Il s’agit du troisième aéroport du pays avec 2,4 millions de passagers en 2019, c'est le « Orly de Suède ».

L'aéroport de Valence s'ouvre vers de nouveaux horizons

Mais en Auvergne-Rhône-Alpes, l’utilisation de l’avion semble prendre le chemin inverse : Londres, Dubaï, Marrakech.... Dans un mois, ces destinations ou provenances seront accessibles via l'aéroport de Valence-Chabeuil. Le site redevient un point de passage frontalier, ce qui rend possible tous les vols internationaux, mais pas pour tout le monde. Depuis dix ans, les transits étaient limités à l'espace Schengen. Petit à petit, les points de passage frontaliers ferment en France. Le sésame obtenu est donc une exception. "L'activité de l'aéroport de Valence, aujourd'hui est inchangée par rapport aux années précédentes. On a toujours la même typologie de trafic avec du travail aérien, des vols militaires, des vols de loisirs ou d'affaire. Il est clair qu'on est pas du tout touchés par la crise" explique Marjorie Léauthier, directrice de l'aéroport Valence-Chabeuil. En moyenne, 150 à 200 appareils atterrissent ou décollent quotidiennement sur ces pistes.

L'objectif n'est pas d'accroitre de façon conséquente ce volume mais de contribuer à un développement économique plus conséquent, notamment pour offrir de nouvelles possibilités aux entreprises. C'est dans cette optique que le département de la Drôme, la CCI et l'agglomération de Valence-Romans ont bataillé. "Il n'est pas question qu'on fasse du low-cost ou que l'on mette en place des vols réguliers. On fait du voyage à la carte avec des destinations supplémentaires." précise Catherine Autajon, présidente du Syndicat Mixte de l'aéroport Valence-Chabeuil.

Utiliser des biocarburants, la solution ?

D’autres ont fait le choix de commencer une évolution vers un transport aérien plus écoresponsable. Basé à Aulnat, l’aéroport de Clermont-Ferrand est désormais le premier en France à proposer des biocarburants aériens durables, a annoncé dans un communiqué la société Vinci Airports, qui porte le projet avec le Syndicat Mixte de l’Aéroport Clermont-Ferrand Auvergne (SMACFA) et la Région Auvergne-Rhône-Alpes pour « promouvoir une mobilité aérienne décarbonée ».

« Les biocarburants représentant une réponse efficace et mobilisable à court terme aux défis de la transition écologique de l’aviation Depuis hier, VINCI Airports met à disposition des usagers de l’aéroport de Clermont-Ferrand Auvergne des biocarburants durables, avec pour premier client Michelin Air Services », ajoute Vinci Airports dans un communiqué. Il s'agit d'une demande qui émane de Michelin dans le cadre de sa stratégie "tout durable".

Décarboner l'aviation

Ces biocarburants sont produits à partir d’huiles alimentaires usagées par Air bp. « Les biocarburants représentent en effet la solution de décarbonation de l’aviation pouvant être mise en œuvre immédiatement, avant qu’interviennent d’autres ruptures technologiques comme celle des avions à hydrogène », explique la société. Vinci Airports ajoute que cette démarche s’inscrit dans une volonté de « réduction significative de son empreinte carbone ». L’utilisation de ces biocarburants ne concerne, pour l’heure, que certains vols Michelin, mais pourrait constituer une solution temporaire pour réduire l’impact du trafic aérien sur la planète.

 

Pourquoi il faut conserver les aéroports régionaux

Philippe Matière, président de l’entreprise Matière, dont le siège est à Aurillac, était l’invité de l’émission « On décode » diffusée sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes le jeudi 27 mai. Il plaide pour le maintien des aéroports régionaux.

Vous défendez ardemment la présence d’un aéroport dans le Cantal, où votre siège est implanté. Pourquoi ?

Philippe Matière : « Tout simplement, si nous n’avons pas cet aéroport, nous ne pourrons pas maintenir notre siège à Aurillac et malheureusement pas non plus -et c’est beaucoup plus grave- les usines que nous avons dans les environs d’Aurillac. On ne pourra pas faire venir nos clients, ce qui est le plus ennuyeux. Quand on fait venir des clients, des quatre coins du monde, on ne les fait pas venir autrement qu’en avion et dans un avion confortable. J’ai connu l’époque de l’avion Beech 1900 d, du Métro III, je peux vous dire qu’on a respiré quand on a vu arriver les ATR, et nos clients aussi, parce que certains refusaient de monter dans des petits avions, avec des standards qui n’étaient pas ceux qu’ils avaient l’habitude d’utiliser. On vend des ponts à des clients qui viennent les inspecter, qui viennent voir ce qu’on est capables de faire, qui viennent voir la tête de notre siège, qui viennent regarder à qui ils ont affaire en termes de compétences. Si on ne sait pas faire venir nos clients sur une journée, les faire repartir confortablement, on ne pourra pas se maintenir. Je ne parle pas du 2e problème, qui est celui du temps perdu, passé par nos collaborateurs qui reviennent de Paris ».

N’y a-t-il pas un problème de centralisation, car souvent, quand on prend l’avion, c’est pour aller à Paris ?

Philippe Matière : « On va à Paris pour voir nos banquiers, nos grands clients, les services de l’Etat qui aident à l’exportation, nos collaborateurs qui y sont basés parce qu’on n’a pas pu les faire déménager en Auvergne. Quand on veut se rendre à l’étranger, la quasi-totalité des vols que nous prenons partent de Roissy, avec éventuellement un stop-over à Amsterdam si nous choisissons Air France. Si on n’a pas d’avion pour aller prendre ces connexions, ça devient quelque chose de très difficile. C’est difficile comme les retours de nos collaborateurs qui rentrent le samedi matin ou le dimanche matin de vols internationaux et qui n’ont pas de correspondance en avion pour Aurillac, et depuis le COVID pas non plus pour Clermont-Ferrand ».

Est-ce que pour un entrepreneur, gagner 5 heures sur un trajet est primordial ?

Philippe Matière : « Il y a aussi le risque qu’on fait prendre à nos collaborateurs et à nous-mêmes lorsqu’on fait des allers-retours sur une journée, avec plus de 10 heures de voiture et les rendez-vous pendant la journée. Il y a le fait qu’avec ce qu’il y a eu comme suppressions de lignes vers des aéroports régionaux, on ne peut plus faire des allers-retours sur une journée avec le hub qui existait autrefois à Orly. On est obligés de mettre des gens dans des voitures, de les amener à se fatiguer car la pression est là et car les emplois du temps sont là. On leur fait prendre des risques et c’est à mon avis le deuxième étage de la mauvaise fusée, quand on parle de réduction du nombre d’aéroports régionaux ».

 

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