La rentrée littéraire de janvier en Auvergne Rhône Alpes est aussi riche que celle de septembre

L’abondance de nouveaux livres est particulièrement marquante en septembre à chaque rentrée, celle du début de l’année est aussi essentielle pour les écrivains. Elle jalonne les lectures de l’hiver et du printemps. Petite sélection d’auteurs de la région.

Voici une première sélection de livres d'auteurs de la région. Les ouvrages sont très variés. De l'intime à l'Histoire plus internationale, démonstration en quatre titres. 

"Requiem pour une classe moyenne" d’Aurélien Delsaux, éditions noir sur blanc.

Imaginer la mort du chanteur n°1 au classement de popularité en France, voilà une drôle d’idée. Cependant tout part de là. Aurélien Delsaux imagine la mort de Jean-Jacques Goldman et la descente aux enfers d’Etienne, son héros. Un mince point de départ pour une vie banale.

Etienne est un petit médecin de labo dont l’univers se craquelle. Dans son environnement lyonnais, tout est quelconque mais tout résonne à nos oreilles de Français moyen. Une famille bien comme il faut, mais la fille est plutôt molle et vénale. Le jeune fils lit intensément la bible au désespoir du père. Et la femme s’éloigne en prenant un chien, soit-disant pour se protéger. Critique de la médiocrité de notre société aux accents par moment proches d’un John Fante dans « mon chien stupide » et parfois plus franchouillarde. Drôle et dramatique à la fois.

« Avant le retour à la nuit » de Robert Picamiglio, éditions la fosse aux ours

Autre histoire de famille, sans détour. L’expérience est partagée par de nombreuses personnes. Accompagner un proche à son entrée dans une maison de retraite. Accompagner ou abandonner ?

Le débat semble ne pas s’être arrêté dans la tête de Robert Picamiglio. L’auteur annécien nous avait souvent parlé du monde ouvrier, cette fois dans son récit plus intime, il partage l’histoire de la fin de vie de sa mère. Une femme immigrée, venue d’un petit village de basse Italie entre Rome et Naples. L’entrée dans « la Résidence heureuse » de cette mère fait remonter à la mémoire de son fils toute l’histoire familiale. L’arrivée de sa mère en France avec sa sœur, pour un emploi au Grand hôtel de Savoy à Annecy, avant le travail à l’usine. Les vacances dans la famille restée en Italie. La vie modeste de ses parents.

Robert Picamiglio fait des allers-retours entre l’histoire d’avant et le quotidien de la maison de retraite où il se rend chaque jour. La mère qui dit «  ce n’est pas ma maison, je veux rentrer chez moi ». L’aide-soignante : «  Faut pas pleurer comme ça ma petite dame, vous êtes pas bien ici avec nous ? ». Et le frère, qui à la découverte de la mère encore en pyjama en fin de matinée, réclame : « Faites le nécessaire pour qu’on s’occupe de ma mère avant midi ». Sous-entendu, au prix qu’on paie !

Peu de mots, pas de critique. Un récit tout personnel, quotidien. En quatre semaines de résidence, juste « avant le retour à la nuit » de sa mère,  Robert Picamiglio nous aura embarqués dans l’histoire touchante de cette fin de vie. En toute simplicité il aura posé LA QUESTION que l’on se pose en poussant la porte d’une maison de retraite et en croisant les résidents : 

En les observant, je me suis demandé, à quoi bon vieillir. Ce n’était pas la première fois que je me posais la question. Vieillir pour aller où ? Vers qui ?

Robert Picamiglio

Robert Picamiglio sera présent à la fête du livre de Bron (69) le 4 mars prochain.

« Le siècle d’Irène » de Martine Boyer-Weinmann aux éditions Champ Vallon

Nous restons dans les Alpes mais nous changeons de département et de lac. Nous voici à Aix-les-Bains en Savoie. En 2005, l’incendie de l’ancien hôtel reconverti en résidence, le Splendid fait la Une des journaux locaux et d’un JT de France3. Dans cette demeure habitait une femme âgée heureusement absente au moment du drame. Irène, cette femme au long parcours international au travers d’un siècle se révèle une matière incroyable pour Martine Boyer-Weinmann. Ce professeur de littérature française à l’université Lyon2 nous emmène sur les traces ténues de cette bibliothécaire aux mille vies.

Des camps de jeunesse de l’Allemagne nazie proches de Münich aux emplois de bibliothécaire à l’UNESCO à Paris, à Chicago, en passant par les rencontres de dénazification organisées par les Canadiens à Plön au nord de l’Allemagne, les séjours de soft-power organisés par les Américains, la fuite au Canada ou le passage en Afrique du sud de l’Apartheid, Irène a saisi toutes les opportunités d’une vie bien remplie. Elle n’engendre ni la haine de ses origines allemandes des années 30, ni empathie d’une féministe avant l’heure. Mais le scénario est une véritable aubaine.  Sa personnalité et son énergie donne à Marine Boyer-Weinmann l’opportunité de digressions sur ce XXe siècle turbulent.

Une traversée d'un siècle

Allemande naturalisée Américaine, elle aurait pu finir sa vie au bord du lac d’Aix-les-Bains si cet incendie n’avait pas ajouté un dernier chapitre à l’histoire de cette aventurière. Irène s’éteindra auprès de ses filles, à Phoenixville en Pennsylvanie. Marine Boyer-Weinmann la fait renaitre dans un beau récit riche en digressions littéraires. Une lecture intellectuelle et polyglotte de ce siècle, celui d’Irène, celui d’une génération qui a traversé un siècle d’histoire de notre monde occidental.

« La lumière, l’encre et l’usure du mobilier » d’Emmanuel Venet, éditions Gallimard

Voici un ouvrage à la fois léger et profond. Un livre, qui là encore, explore l’intime. Emmanuel Venet est à la fois écrivain et psychiatre. Avec « la lumière, l’encre et l’usure du mobilier » il expose le capharnaüm de sa vie, de nos vies.

L’ouvrage se présente comme un abécédaire. En ving-six chapitres, en vingt-six histoires autonomes il dresse une sorte d’autoportrait. De A comme « auberge » à Z comme Zweig, Stephan Zweig. On suit Venet, de l’intime au savant. Il évoque son enfance lyonnaise – B, comme brouillards - dans une famille très catholique où la religion peut parfois enfermer : chapitre D comme diable ! Où il dresse la liste des apparitions de la Vierge en Europe avec un vrai second degré sur les pratiques de sa famille : 

Chez nous, on voulait de l’apparition sérieuse et de la théologie édifiante

Emmanuel Venet

Pour se moquer de la Vierge de Lourdes face à celle de Fatima au Portugal !

Au-delà des croyances, l’itinéraire de ce médecin lyonnais est aussi un beau voyage dans son panthéon littéraire. Cendrars, à la lettre C, annonce la couleur. Rejoint plus loin, par Kafka, l’Auvergnat Vialatte et Zweig. Les femmes sont très présentes à la fois au côté de ces écrivains et de l’auteur. Emmanuel Venet fouille dans l’esprit et le comportement de chacun de ces personnages et de lui-même. Il nous entraine parfois sur un terrain plus aride et scientifique de son savoir de psychiatre mais nous ramène avec délectation au plaisir littéraire. Le choix de Stephan Zweig pour conclure n’est pas le plus optimiste – l’auteur s’est suicidé en 1942 avec sa compagne – mais marque bien le ton de cet ouvrage. Une certaine légèreté de l’être et une modestie du rôle donné à l’écriture. Comme l’écrit  Emmanuel Venet à propos de Zweig : 

Sans doute espère-t-il que son œuvre prolongera son existence dans la mémoire collective, mais sans doute comprend-il aussi qu’aucun livre n’épuise le projet, dont il procède, même si tous naissent, peu ou prou, de cette illusion.

Emmanuel Venet

L’auteur n’est pas dupe de sa propre démarche. Mais ses vingt-six entrées dans ces fragments de vie donnent l’envie de prolonger la réflexion personnelle, très simplement.

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