Les parlementaires de gauche français se déchirent autour du dossier brûlant sur la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français et condamnés pour terrorisme. En Auvergne, Europe Écologie-Les Verts et le Front de Gauche s'y opposent résolument, le Parti socialiste est divisé.
La gauche est fracturée par la déchéance de nationalité. L'image de Christiane Taubira qui n'y croit pas, et de Manuel Valls, ardent défenseur de cette mesure, résume les difficultés des parlementaires socialistes qui devront pourtant choisir en février… Comme le député du Cantal Alain Calmette, le sénateur du Puy-de-Dôme Jacques Bernard Magner votera "pour", sans état d'âme. "Il y a aujourd'hui des définitions qui sont battues en brèche par ce qui se passe, y compris par des gens qui sont nés sur le sol français et qui ont attaqué la République, qui ont tiré sur leurs concitoyens, pour des causes qui sont tout à fait extérieures à notre pays. Je crois qu'il faut, à travers des textes et à travers la Constitution, montrer que tout cela est inacceptable, que nous ne l'acceptons pas et que nous le combattons", explique-t-il.
La députée du Puy-de-Dôme Christine Pirès Beaune est beaucoup plus réservée. Binationale et franco-portugaise, elle réclame un débat au sein du PS et la liberté de vote. "On ne change pas une Constitution tous les quatre matins. Il y a d'autres façons de faire. Il y a par exemple la mesure d'indignité nationale qui est de priver les citoyens, les terroristes de tous leurs droits et c'est bien ce qu'on veut ! Moi je veux une mesure pratique... Or aujourd'hui la déchéance de nationalité, elle n'a aucune portée! Ce n'est pas parce que vous allez le déchoir de sa nationalité que le terroriste ne passera pas à l'acte. Donc ce n'est qu'une mesure symbolique qui n'a aucune portée pratique", estime la parlementaire.
L'opposition du Front de gauche et d'EELV
Malaise chez les socialistes, incompréhension et colère au Front de Gauche et chez Europe Ecologie Les Verts : André Chassaigne et Danielle Auroi avaient voté l'état d'urgence après les attentats mais cette fois ils refusent d'avaliser un texte qui jette un air de suspicion sur les binationaux. "Cette proposition ferait rompre l'égalité puisque ça ferait deux catégories de Français. Des Français purement et totalement Français, puis d'autres, des binationaux, qui pourraient être Français, mais pas totalement, pas à part à entière. C'est insupportable. C'est une rupture de l'égalité. C'est une rupture du droit du sol qui est vraiment constitutive de notre République. Je trouve que c'est scandaleux", tempête Danielle Auroi.L'unité nationale qui prévalait à Versailles se brisera-t-elle au mois de février ? Beaucoup de parlementaires socialistes sont encore indécis ou silencieux. Ils devront pourtant débattre de cette épineuse question lors d'un prochain bureau national du parti, le 18 janvier.
9 Français sur 10 favorables à la déchéance de nationalité
Selon un sondage OpinionWay pour Le Figaro publié jeudi 31 décembre, près de neuf Français sur dix sont favorables à la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français et condamnés pour terrorisme.85% des Français interrogés se déclarent "tout à fait" ou "plutôt" favorables à cette mesure du projet de réforme constitutionnelle, un chiffre qui atteint 93% chez les sympathisants des Républicains, 96% chez ceux du Front national et 80% chez les sympathisants du Parti socialiste. Les sympathisants écologistes comme ceux de la gauche radicale, y sont favorables à 64%. Ceux du MoDem à 77%.
(Le sondage OpinionWay a été réalisé en ligne les 28 et 29 décembre auprès d'un échantillon de 1.172 personnes représentatif de la population française, âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.)