Le compositeur et chef d'orchestre Forézien Pierre Boulez est décédé mardi 5 janvier 2016 à Baden-Baden en Allemagne, où il s'était exilé, il était âgé de 90 ans. Compositeur exigeant, chef invité par les plus grands orchestres, pédagogue recherché, son legs à la postérité est immense.
Pierre Boulez, qui était installé en Allemagne depuis plus de 50 ans, jouissait à l'étranger d'une aura encore plus grande qu'en France, où il souffrait depuis son "exil" volontaire d'une réputation de dogmatisme et d'aridité.
Nous venons d'apprendre avec une immense tristesse la disparition de Pierre Boulez. https://t.co/EHoDLjqH72 pic.twitter.com/WPMhCpgcDD
— Philharmonie Paris (@philharmonie) 6 Janvier 2016
Epris de poésie et de peinture autant que de musique, il restera comme une des grandes figures intellectuelles de la deuxième moitié du 20e siècle.
"Pierre Boulez a fait briller la musique française dans le monde. Comme compositeur et chef d'orchestre, il a toujours voulu penser son époque", a réagi le président François Hollande
"Audace, innovation, créativité, voilà ce que fut Pierre Boulez pour la musique française, qu'il a fait rayonner partout dans le monde", a aussi estimé sur Twitter le Premier ministre Manuel Valls, tandis que la ministre de la Culture Fleur Pellerin saluait "une immense figure de la musique contemporaine".
"Émotion en apprenant la mort du compositeur et chef d'orchestre Pierre Boulez", a réagi le président de Radio France Mathieu Gallet, annonçant un hommage immédiat sur France Musique.
Audace, innovation, créativité, voilà ce que fut Pierre Boulez pour la musique française, qu'il a fait rayonner partout dans le monde. MV
— Manuel Valls (@manuelvalls) 6 Janvier 2016
Sans baguette
Chef d'orchestre génial, il dirigeait sans baguette, mais avait codifié précisément ses gestes. Presque aveugle, il ne pouvait plus diriger depuis plusieurs années, mais les Parisiens se souviennent des concerts gratuits qu'il a dirigés jusqu'en 2011 sous la Pyramide du Louvre, pour un public captivé.L'oeil vif mais la démarche hésitante, il était venu à Paris en 2013 pour la parution de l'intégrale de son oeuvre chez Deutsche Gramophon, qu'il considérait comme "une bouteille à la mer", "un travail en progression".
Refusant de figer une oeuvre qu'il retravaillait constamment, Pierre Boulez avait lancé avec son franc-parler habituel: "je ne veux pas être une tapisserie historique qu'on déplie aux anniversaires".
Ses prises de positions tranchées ("Il faut brûler les maisons d'opéra") lui ont valu une réputation de dogmatisme que réfutent ceux qui l'ont bien connu, comme
Stéphane Lissner et le président de la Philharmonie de Paris Laurent Bayle, mais aussi des anonymes du monde entier, de l'Allemagne au Japon, lui rendent hommage ce mercredi 6 janvier sur les réseaux sociaux.
Un chef d'orchestre ligérien
Né le 26 mars 1925 à Montbrison dans la Loire, il restera extrêmement secret sur son enfance. Pierre Boulez commence des études de piano à 7 ans. Il entre en 1943 au Conservatoire de Paris où il sera l'élève d'Olivier Messiaen."Le Marteau sans maître" pour contralto et six instruments, qu'il écrit entre 1953 et 1955, fonde un nouveau langage musical. En 1954, il fonde à Paris les concerts du Domaine musical, qu'il a animés jusqu'en 1967 pour défendre l'avant-garde de son temps.
Chef recherché des deux côtés de l'Atlantique, il a dirigé l'Orchestre de Cleveland (1967-1972), le Symphonique de la BBC (1971-1975) et le Philharmonique de New York (1971-1977).A l'opéra, Pierre Boulez a participé à de mémorables productions, comme le "Ring du centenaire", avec Patrice Chéreau au Festival de Bayreuth (1976-1980).
Exaspéré par l'attitude conservatrice du monde musical français, il s'était exilé à Baden-Baden à l'aube des années 1960, déclenchant des réactions virulentes en France. Il n'était revenu en France qu'en 1974, lorsque le président Georges Pompidou lui avait demandé de fonder un laboratoire pour la musique contemporaine unique au monde, l'Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique) et l'Ensemble intercontemporain.
Cet inlassable bâtisseur d'institutions a également été à l'origine de la Cité de la musique (inaugurée en 1995) et de la Philharmonie de Paris, ouverte en janvier 2015 sans lui, alors qu'il était déjà malade.