Pas facile de rester coiffé ou de garder la barbe soignée quand on est à la rue ou presque. À Roanne dans la Loire, des coiffeurs bénévoles mettent à disposition des plus démunis leurs coups de ciseaux. Une façon de renforcer l'estime de soi pour une population qui ne pousse plus la porte des salons de coiffure.
Depuis un an à Roanne, dans la Loire, une initiative solidaire permet à des sans-abri et à des personnes en grande précarité de garder un aspect soigné malgré la pauvreté. Des coiffeuses bénévoles offrent leur savoir-faire une fois par mois.
Peigne, tondeuse et bienveillance
"Bon alors, ça s'est bien passé cette fin d'année ? " demande une coiffeuse bénévole. Le ton est convivial, pas feint du tout. Sous le carrousel à musique de Roanne, ce sont les ciseaux et les tondeuses qui jouent leurs mélodies. La nuit est tombée, le mercure aussi a chuté, pas de shampoing donc, seules les coupes de cheveux seront rafraîchies.
"Je fais un dégradé et je laisse le dessus", s'enquiert une des six coiffeuses bénévoles présentes ce soir-là. Peigne et ciseaux en main, vêtue d'une chasuble rose, elle enlève avec dextérité les cheveux trop longs sur la tête d'un sans-abri.
Un peu plus loin, Mathias Urban est assis sur une chaise pliante, cet habitant de Roanne est déjà venu le mois précédent. Il examine sa barbe, les côtés de sa tête et sourit :"Au toucher, dit-il en caressant son menton, elle a fait du bon boulot, même mieux que le mois dernier. C'est un bon point", conclut-il, le pouce en l'air.
Ce salon de rue est ouvert le dernier mardi de chaque mois, pour tous ceux qui ne peuvent pas payer un rendez-vous chez le coiffeur : sans domiciles fixes ou encore des petits revenus, comme Corentin, 17 ans, qui vit seul avec son papa. "Pour le moment, dit le jeune homme, on cherche un appartement, on devrait le trouver et puis comme mon père touche des indemnités, ça ne fait pas beaucoup et on est deux, la vie est chère, faut faire attention".
Cette opération coiffure de rue vise à renforcer l’estime de soi et créer du lien social. Sa capuche sur la tête, Larry, sans domicile fixe, confirme que "la coiffure, ça sert aussi à être soi-même et à être bien".
Solidarité et utilité
Cette initiative solidaire a démarré il y a un an. Après leur journée de travail, les coiffeuses se relaient pour offrir leurs services. "Nous aussi on est content de vous voir revenir, parce que si vous ne venez pas, on ne se sent pas utiles", dit Hélène Boiron la présidente de l'association coiffure du cœur.
L'opération "Coiffure du cœur" a été lancée dans le sud en 2018, depuis le concept a été repris dans 15 villes (Lyon, Villeurbanne, Villefranche, Vienne, Montpellier, Roanne, Toulon, la Seyne-sur-Mer, Cherbourg, Hyères, Marseille, Tarbes, Avignon, Béziers, Paris).
À Roanne, la mairie prête ce kiosque pour accueillir ce salon improvisé, ce qui fait dire à Hélène Boiron qu'il s'agit de "coiffeuses de l'extrême". "Des fois les conditions sont extrêmes, il fait froid. Là, on est bien abrité, on a beaucoup de chance à Roanne, c'est royal ! Mais des fois, il fait vraiment froid, on ne voit pas toujours aussi bien, et parfois on n'a pas beaucoup de temps pour réussir une coupe, surtout si la personne ne tient pas en place", explique la coiffeuse en riant.
Au cours de la soirée, à Roanne, environ 10 personnes se sont fait coiffer. Depuis 2019, Sur l'ensemble des villes qui participent à la coiffure du cœur, quelque 13 000 coupes ont été réalisées.