La messe est dite pour l’église Notre-Dame de Saint-Chamond. La ville et le diocèse confirment qu’elle sera prochainement désacralisée. Pour l’association qui s’y opposait, c’est un drame.
Ils se sont battus jusqu’au bout. C’est donc avec une grande émotion que Paul Privat pousse la porte de l’église Notre Dame de Saint-Chamond. « Mais regardez, regardez, il y a tellement d’émotion dans ce que je vois, c’est merveilleux, ces vitraux, ces rosaces, on ne peut pas abandonner cela », s’exclame-t-il, des trémolos dans la voix. Le diocèse vient de confirmer que l’édifice religieux serait désacralisé et rendu à la ville à l’été 2022.
Place de la Liberté, le bâtiment impose ses faux airs de cathédrale, et même amputé de l’une de ses flèches, il reste l’un des emblèmes de la ville. « Je voudrais dire aux gens, ça, c’est une église qu’on ne peut pas désacraliser, le lieu de culte, dans la ville, c’est le lieu le plus important, et celui-là, c’est le plus beau que l’on ait ! », continue le couramiaud, qui a fondé l’association les Amis de l’église Notre-Dame de Saint-Chamond avec trois autres habitants.
Un édifice qui coute trop cher
Mais aussi majestueuse soit-elle, l’église Notre-Dame est fragile. Elevée à partir de 1881, l’édifice a subi les assauts du temps. En 2004, une tour menace alors de s’effondrer, les célébrations cessent du jour au lendemain. Loi de 1905 oblige, elle appartient à l’Etat et c’est à lui que revient la facture des travaux. En presque vingt ans, six millions d’euros seront déboursés pour remettre le bâtiment en état, et surtout le sécuriser définitivement.
Mais rouvrir le bâtiment au culte exigerait de nouveaux investissements qui incomberaient au diocèse. Reprendre les voûtes, les joints des murs, remplacer la chaudière et remeubler le lieu, l’Eglise n’en n’a pas les moyens. D’autant que Saint-Chamond compte huit autres églises. « Nous avons vécu pendant 17 ans sans cette église, nous n’en n’avons plus l’usage. Ce ne serait pas raisonnable de faire des frais pour une église dont nous n’avons plus besoin», explique Monseigneur Sylvain Bataille, évêque de Saint-Etienne.
Le diocèse a donc tranché, l’église sera désacralisée.
C’est toujours une opération douloureuse, dans une église on vit des moments importants, on se marie, on est baptisé, on enterre des êtres chers… et on comprend que pour les habitants de Saint-Chamond qui fréquentaient cette église, ce soit un arrache-cœur (…) mais on ne la détruit pas, au contraire,
tempère l’homme d’église.
L’église deviendra un lieu culturel
« Cette église, nous allons la rendre aux couramiauds », promet la municipalité. Si la ville possède déjà quelques pistes et idées, il est encore trop tôt pour les dévoiler. Mais elle assure vouloir travailler de concert avec le diocèse et les habitants, y compris l’association qui défend sa sacralisation. « Nous allons investir de l’argent pour rendre ce lieu spectaculaire, pour que les gens et les touristes aient spontanément envie d’entrer. Il faut que le bâtiment profite au plus grand nombre », explique François Morange, conseiller municipal délégué au patrimoine. Et d’ajouter : « Notre but n’est surtout pas de paganiser à outrance, nous garderons sa mémoire religieuse, elle ne deviendra pas un lieu de saltimbanque. Ce sera un lieu culturel civil, peut-être même que nous exposerons certains objets religieux d’autre fois ».
Et le diocèse veillera au grain.
Nous ferons attention à ce que l’usage ne soit pas inconvenant, c’est la loi de l’église, on pourrait par exemple vouloir y faire une boîte de nuit, mais ce serait un scandale pour les chrétiens, non, par contre que cela devienne un lieu culturel et qu’il puisse être utilisé par beaucoup de monde, oui
assure monseigneur Bataille.
Des promesses qui ne rassurent pas les défenseurs de Notre-Dame. « On n’a pas de doute que le projet de la municipalité actuelle soit cohérent, mais qu’adviendra-t-il dans 20 ans ? On n’en sait rien. Que dira-t-on aux générations futures ? L’avantage de la sacralisation, c’est que cela garantit la destination du bâtiment dans le temps », argue Donatienne Manevy. Elle assure que la page Facebook de l’association regroupe plus d’une centaine sympathisants. Mais cela n’aura pas était suffisant pour convaincre le diocèse.