Le 6 juin 1944, le chef de l'État français aurait été informé du débarquement en Normandie alors qu'il venait de passer la nuit au château de Tourvéon, à Collonges-au-Mont-d'Or, dans le Rhône. Il a alors quitté la région de Lyon, où il était en déplacement depuis la veille, pour se rendre à Saint-Etienne. Les deux villes - précédemment touchées par des bombardements américains - faisaient partie d'une tournée de "réconfort des Français".
"Mes chers amis, des opérations militaires viennent d'être déclenchées sur notre territoire. Vous comprendrez donc pourquoi je suis obligé de quitter votre ville plus rapidement que je ne le désire". C'est par ces mots que, le 6 juin 1944, le Maréchal Pétain évoque le débarquement allié qui vient de se produire en Normandie. Il s'adresse à la foule réunie pour entendre son discours, place de l'Hôtel de Ville à Saint-Etienne, et hâte son retour à Vichy. "Je regrette de n'avoir pas le temps de rendre visite à vos blessés. C’est pour eux surtout que j'étais venu".
En effet, le "soldat de Verdun", à la tête de l'Etat français depuis juillet 1940, sillonne la France suite à de récents bombardements américains. Il vient constater les dégâts - et surtout mener une opération de propagande - dans les différentes villes touchées. Ces pilonnages visaient à préparer le D-Day. Une pluie de bombes s'était abattue sur Lyon et Saint-Etienne le 26 mai 1944. Il s'agissait de détruire des infrastructures ferroviaires, notamment des gares de triage, afin d'empêcher la Wehrmacht d'acheminer des troupes et du matériel vers l'ouest de la France.
Une "tournée de réconfort" dix jours après les bombardements de Saint-Etienne et Lyon
La méthode était celle des Américains : bombarder de jour, en volant à haute altitude, pour éviter la DCA. Une méthode jugée plus précise que celle des Britanniques de la Royal Air force, qui consistait à bombarder de nuit. Entre 6 et 7 heures du matin, environ 900 avions partirent de trois aérodromes du sud de l'Italie, pour des bombardements entre 10 et 11 heures. Les objectifs militaires furent fortement touchés, mais l'imprécision du bombardement à haute altitude fit de nombreuses victimes civiles.
À Saint-Etienne, environ 450 tonnes de bombes sont lâchées. Quelques-unes atteignent leur cible, mais c'est dans le quartier du Soleil, situé immédiatement au nord de la gare, qu'il y eut le plus de victimes : 987 morts parmi lesquels 24 élèves et 8 maîtres de l'école primaire du quartier de Tardy. Dix jours plus tard, les films d'actualité, aux ordres de Vichy, montrent le chef du gouvernement au milieu des décombres du quartier ouvrier Saint-François, allant au-devant des sinistrés, puis se rendant en convoi à la préfecture de la Loire. Il y est attendu par une foule qui l'ovationne et l'accueille en chantant l'hymne "Maréchal, nous voilà !". Ce 6 juin 1944, les heures du régime collaborationniste sont comptées, mais ses partisans encore nombreux.
Un millier de morts à Saint-Etienne comme à Lyon
À Lyon, le 26 mai, les gares de Vaise et de La Mouche ont été détruites, ainsi que le siège de la Gestapo, qui occupait l'Ecole de Santé militaire située avenue Berthelot, près de la voie ferrée. Mais les dégâts collatéraux sont aussi considérables : employés et clients de l'usine Olida, à Gerland, se sont réfugiés dans un abri qui n'a pas résisté aux bombardements, 80 personnes y ont trouvé la mort. Au total, le bombardement de Lyon a causé un millier de décès dans la population civile.
Le 5 juin 1944, le maréchal y passe la journée : sur les images d'époque, on le voit debout dans une voiture décapotable, accueilli par des milliers de Lyonnais réunis place Bellecour, puis se rendre en cortège à l'Hôtel de ville, avant de se déplacer à l'hôpital Grange-Blanche au chevet des rescapés des bombardements. À chaque étape, l'accueil populaire est manifeste, sans que l'on puisse, 80 ans plus tard, juger de la spontanéité ou de la sincérité de cette adhésion, à quelques mois de la Libération.